.Adventure of Denchu Kozo
 
Titre original:
Denchu Kozo no boken
   
Réalisateur:
TSUKAMOTO Shinya
Année:
1987
Studio:
Kaijyu Theater
Genre:
Cyber Punk
Avec:
TAGUCHI Tomorowo
FUJIWARA Kei
KANAOKA Nobu
TSUKAMOTO Shinya
Little Tetsuo 

Préparant son premier long-métrage, Shinya TSUKAMOTO veut se faire la main en réalisant ce moyen-métrage de 47 minutes. Adaptation d'une des pièces de théâtre de la troupe du réalisateur, Adventure of Denchu Kozo constitue un parfait brouillon de ses futures œuvres.

Hiraku est un jeune adolescent, rejeté par ses pairs pour avoir un poteau électrique lui poussant dans le dos. En construisant une machine à voyager dans le temps, il se retrouve propulsé vingt-cinq ans plus tard. Tokyo est désormais sous le contrôle d'une bande de vampires en possession d'une bombe destinée à plonger le monde dans d'éternels ténèbres. A l'aide de l'enseignante Mademoiselle Sariba, il tente de contrecarrer le diabolique plan du trio infernal.

Après son précédent Phantom of the regular size, TSUKAMOTO embraye directement avec la transposition sur grand écran d'un des trois scénarios perpétuellement remis à jour au sein de sa troupe de théâtre. Sans réellement le savoir, Adventure of Denchu Kozo constituera un excellent prémisse à ses futurs Tetsuo (dans lesquels il fera de nombreux clins d'œil à ce présent moyen-métrage). Occupant tous les postes clés et retardé par l'inexpérience d'une jeune équipe de passionnés non-professionnels, le projet prendra finalement plus de six mois à se réaliser. Ce ne sera pas du temps perdu, de nombreuses scènes et les effets spéciaux étant repris quasiment à l'identique dans les Tetsuo. En effet, aussi bien dans les thèmes abordés que dans la réalisation, le moyen-métrage entretient de troublantes similitudes avec ses œuvres à venir. Le personnage principal de Hiraku est en large partie inspiré par l'enfance du réalisateur. Passionné de films et de scénarios déjà déviants, TSUKAMOTO est d'abord mis à l'écart par ses pairs pour ses drôles d'idées. Ce ne sera que lors de premières projections de ses œuvres de jeunesse plus importantes et par le biais de ses représentations théâtrales, qu'il obtiendra une reconnaissance absolument nécessaire pour reconstituer son ego profondément blessé. Au sein d'une bonne partie de la filmographie du réalisateur, les personnages principaux seront donc des marginaux à l'écart. Il en va de même du personnage de Hiraku qui n'apprendra que bien tard dans le film à se servir correctement de ses super-pouvoirs obtenus à partir du poteau électrique. Arrive ensuite le traitement accordé aux femmes. D'un côté, il y a la mystérieuse vierge au cœur de la bombe maléfique. Elevée depuis son plus jeune âge pour déclencher le diabolique système lors de ses dix-huit ans, sa troublante sexualité représente le franc désir de TSUKAMOTO à vouloir tourner une production érotique pour pouvoir explorer la sensualité féminine. N'aboutissant à ce projet que lors de la réalisation de Snake of June, ses œuvres antérieures seront pourtant constamment traversées par cette sexualité sous-jacente. Le personnage de l'enseignante constitue aussi une autre récurrence. Ouvertement inspirée de son rapport quasi œdipien entretenu avec sa mère, tous ses films sont traversés par les figures de femmes fortes nécessaires au dépassement des personnages principaux. Adventure of Denchu Kozo ne fait pas exception à la règle, Mademoiselle Sabria constituant le phantasme ultime et surtout la clé de la transformation de Hiraku en super-héros.

Le traitement de l'image est déjà à l'avenant de Tetsuo dont notamment le final réalisé en animation image par image. Œuvre faite de bruit et de fureur, TSUKAMOTO abuse d'un montage effréné et très cut pour illustrer son histoire. Clairement inspiré des premiers films de Cronenberg, Sam Raimi et Lynch, TSUKAMOTO réussit dès ce premier long à dégager son propre style. Le seul reproche est que le film manque encore d'approfondissement mais peine à dépasser son statut de pure œuvre "sensorielle" ouvertement inspiré par ses productions théâtrales underground. Sympathique exercice de style forcément culte par son traitement de l'image et son histoire abracadabrante, ce premier moyen-métrage officiel de la part de TSUKAMOTO ne démérite pas au vue de sa filmographie. Posant les jalons de son œuvre à venir, il réussit d'ores et déjà à instaurer son propre style inimitable et d'aborder des thématiques indissociables de son image de marque.

 
Bastian Meiresonne