.Always – Sunset of Third Street
 
Titre original:
Always san-chôme no yûhi
   
Réalisateur:
YAMAZAKI Takashi
Année:
2005
Studio:
Toho
Genre:
Comédie dramatique
Avec:
HORIKITA Maki
YOSHIOKA Hidetaka
TSUTSUMI Shin'ichi
YAKUSHIMARU Hiroko
dre
Souvenirs imagés

Le "Steven Spielberg nippon" frappe une nouvelle fois de sa palette d'effets spéciaux; mais il faut croire qu'il ait entendu les railleries de ses détracteurs. Alors que ses précédents Juvenile et Returner étaient de trop simples histoires au seul service des effets spéciaux, ce sont cette fois les images de synthèse, qui sont au service de l'intrigue. Une comédie dégoulinant sous les bons sentiments, mais qui réussit curieusement à toucher juste… 

La provençale Mutsuko réalise un rêve tout personnel en arrivant dans la capitale tokyoïte à la fin de ses études dans les années 1950. Elle va très vite devoir déchanter, car au lieu d’un poste chez un géant automobile, elle se retrouve exploitée chez le garagiste SUZUKI dans l'un des quartiers les plus populaires et pauvres de la ville (la fameuse "3e Rue" du titre). Très vite, elle va pourtant se faire une raison au contact du gentil voisinage, peuplé de personnes, qui voudraient – comme elle – se sortir de la misérable période de l'après-guerre. A l'ombre de la fameuse réplique de la Tour Eiffel française en construction, elle va se lier d'amitié avec l'ancienne danseuse Hiromi, qui a ouvert un bar à saké; ou encore Chagawa, un romancier raté.

Always – Sunset of third street est l'adaptation d'un manga mensuel, publié depuis 1973 (!) dans la revue Weekly Big Comic Original. Délicat de se frotter à un tel monument du manga populaire, largement rentré dans les mœurs nippons. L'audace de Takashi Yamazaki va pourtant payer, le film étant l'un des plus gros succès de 2005 et raflant 13 de ses 14 nominations des "Oscars" japonais! Un raz-de-marée élogieux peut-être un brin excessif, mais nullement volé en vue de sa qualité intrinsèque. Yamazaki surprend donc dans un registre nouveau. S'étant tout naturellement tourné vers la science-fiction pour assouvir ses talents d'exceptionnel faiseur effets spéciaux après son diplôme des Beaux-Arts d'Asagaya et son long apprentissage sous l'égide des studios de Shirogumi, il se tourne cette fois vers un drame historique. A l'instar d'illustres modèles américains (Robert Zemeckis, Steven Spielberg, James Cameron), il ne donne plus dans de la simple esbroufe visuelle, mais intègre subtilement les effets au sein d'une riche intrigue. Ainsi, un magnifique plan-séquence d'ouverture annonce la couleur, en suivant une maquette d'avion à travers la longue "troisième" rue puis l'impressionnant chantier de la Tour Eiffel nipponne.

Bien que responsable des piètres histoires de ses deux précédents longs-métrages, il faut croire que le matériau original adapté suffit à assurer la qualité de la présente intrigue. La trame, simple et classique, est avant tout portée par les personnages parfaitement esquissés et attachants. Un état de fait, qui doit également beaucoup au fait au talent des comédiens, dont Tsutsumi Shin'ichi (Lorelei), l'ancienne mannequin vedette Koyuki et – surtout – l'ensemble des enfants. Tous jouent ici d'un naturel confondant. En ressuscitant la période des années 1950 peu exploitée au cinéma, Yamazaki surfe sur l'actuelle vague nostalgique, qui traverse le cinéma nippon (mais également thaïlandais). Mais à la différence des nombreux autres exemples putassiers aux relents nationalistes du genre, il évite toute confusion patriotique. Dépeignant un portrait idéalisé d'une époque certes autrement plus dure, il met en avant l'optimisme de ses personnages. Leur apparente bonne humeur (frôlant parfois l'écoeurement) n’en cache pas moins des grosses blessures (Hiromi) et peurs palpables (l'écrivain Chagawa); mais se plaçant du point de vue de la naïve Mutsuko, il est normal que le négativisme soit en retrait par rapport à l'histoire principale. L'ensemble finit finalement par tomber dans du pur pathos lors d'un dernier plan franchement too much, coucher de soleil et chien à l'œil humide y compris; heureusement que le générique de fin empêche un franc éclat de rire et ne réussit à pas effacer l'excellent souvenir laissé par le restant du métrage. Yamazaki prouve finalement qu'il est plus qu'un habile faiseur d'images et sa toujours jeune carrière donne grand espoir quant à ses futures œuvres. Il n'est qu'à espérer, qu'il tire encore des leçons des petites faiblesses de son film pour affiner son travail.

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Bastian Meiresonne