Titre
original:
Joyu Sumako
no koi |
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Réalisateur: MIZOGUCHI Kenji |
Année: 1947 |
Studio: Shochiku
Genre: Drame |
Avec:
TANAKA Kinuyoi YAMAMURA So AOYAMA
Sugisaku ASAGIRI Kyoko |
dre |
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''Ibsen's House''
Monté en parallèle
du projet concurrent de la Toho L'Actrice, L'amour de l'actrice
Sumako est une biographie romancée de la véritable Matsui
Sumako (1886 - 1919). Une nouvelle occasion pour Mizoguchi de brosser le
sensible portrait d'une femme forte - entièrement engagée
à l'amour de son art et de son mari -, le cinéaste et son
fidèle scénariste Yoshikata Yoda ne parviennent pourtant pas
à rendre entièrement justice à leur
modèle.
Le directeur marié d'une
compagnie de théâtre, Hogetsu Shimamura, tombe amoureux de la
nouvelle recrue Matsui Sumako lors de la préparation de la pièce
adaptée d'Ibsen, A Doll's House / La maison de poupées.
Bravant les interdits et les racontars s'ensuivant leur relation commune, ils
seront pourtant le pivot central de la création du mouvement de
Théâtre Japonais Moderne, le shingeki.
Suite aux difficiles conditions de
la sortie de Cinq femmes autour d'Utamaro, Mizoguchi se porte dans
l'idée d'adapter les Cinq amoureuses d'après le grand
romancier Saikaku. L'idée ayant avortée, le cinéaste
charge son fidèle scénariste Yoshikata Yoda d'adapter la
biographie de l'actrice Matsui Sumako pour concurrencer le même projet
monté en parallèle par la Toho. Toujours soucieux de s'accaparer
de son matériau d'origine à ses propres desseins, Mizoguchi
demande à ce que Yoda se démarque de la réalité en
faisant de l'actrice un personnage sympathique et soumise à son mentor
Shimamura. Son parti pris ne s'avèrera cette fois pas payant, le
portrait étant trop édulcoré par rapport à la
réalité et pâtissant de la comparaison du projet
concurrentiel autrement plus réussi.
Femme engagée, Sumako avait
été en avance sur son temps. Femme libérale, elle n'avait
eu cure de la médisance et du mépris affichées par la
rigide société japonaise n'acceptant pas l'officielle relation
entre un homme marié et de sa maîtresse. Dévouée
toute entière au théâtre, ses idées et son jeu
d'acteur progressistes étaient tout d'abord rejetés par une
population bousculée par la modernité de ses pièces
adaptées occidentales ; ce n'est qu'après son suicide - au
firmament de sa gloire et s'étant totalement identifiée à
son dernier personnage interprétée, Carmen - que toute la
répercussion de son travail en collaboration avec son amant a
été mesurée. Mizoguchi détourne donc toute une
partie de sa personnalité pour dresser le portrait d'une femme
entièrement dévouée au travail de son mari. Respectant la
logique de sa propre thématique poursuivie, qui était de brosser
le portrait de femmes conditionnées par les hommes, le cinéaste
se démarque par trop d'un personnage ayant véritablement
vécu. Peut-être le film aurait été autrement plus
réussi, s'il ne s'était pas revendiqué d'en faire une
biographie, mais avait choisi de s'inspirer de son modèle pour en
réaliser une version re-adaptée et en en changeant les noms des
protagonistes.
Reste une œuvre mineure dans
la filmographie de son réalisateur aux qualités
indéniables : outre sa thématique personnelle poursuivie,
Mizoguchi rend un autre hommage appuyé à une forme d'art, ici
l'avènement du théâtre japonais moderne, le shingeki.
Développée par de petites compagnies dès le début
du XXième siècle, cette variante du théâtre
était en fait l'adaptation et la représentation de pièces
occidentales au Japon. Parmi les répertoire, les pièces de
Shakespeare étaient les plus reprises. Le choix de la rencontre des deux
amants lors de la répétition d'une pièce d'Ibsen n'est pas
innocente. Dramaturge norvégien, Henrik Ibsen (1828 - 1906) était
connu pour l' avant-gardisme de ses pièces de théâtre ou
recueils de poèmes. Durant la majeure partie de sa vie, il avait
dû affronter un conservatisme hermétique et rejetant en bloc ses
idées progressistes. La plupart de ses créations traitaient
d'hommes ordinaires, qui se retrouvaient soudain face à un acte
bouleversant leur vie. Les parallèles à la propre vie des
protagonistes principaux sont donc rapidement établis : par
l'introduction d'une nouvelle forme de théâtre et leurs mœurs
libres en décalage avec une société autrement plus rigide,
les deux amants doivent affronter le conservatisme de leurs
congénères. Plus troublant encore, la dernière
pièce d'Ibsen, ''Quand nous nous réveillerons d'entre les
morts''(1899), montrait un sculpteur âgé s'interroger sur tous les
sacrifices entrepris durant sa vie pour sa seule passion de l'art. Le couple
dans le film ne semble jamais remettre en doute leur passion commune, mais
certaines séquences laissent tout de même sous-entendre leur
sacrifice au profit du seul théâtre. Mizoguchi, en lecteur vorace,
devait certainement s'identifier aux œuvres de l'auteur norvégien :
outre le fait, que le cinéaste était lui-même
dévoré personnellement par sa passion de faire du cinéma,
il partageait également le goût en commun avec le dramaturge
concernant l'appréhension de la psychologie humaine. Connu pour
être le ''Freud'' du théâtre, Ibsen s'intéressait
notamment dans toute la dernière décennie de sa création
à la profonde psychologie humaine. Mizoguchi, à travers
principalement ses sensibles portraits de femmes, ne s'est pas lassé
à disséquer leur difficile condition due la gente masculine et
à la société en général.
La mise en scène est
soumise entièrement à l'intrigue ; si l'histoire est d'abord
introduite par la présentation du personnage masculin, l'intrigue
progressant établit définitivement l'actrice comme protagoniste
principale. Les plans statiques et larges ne se rapprochent de Matsui que
lorsqu'elle répète ou joue sur scène. Le choix d'opter
dans un premier temps pour des cadrages très éloignés de
la scène, quasiment aux derniers rangs du public, signifie
évidemment la distanciation des spectateurs pour des spectacles peu
familiers, avant de rendre compte de leur adhésion enthousiasmante.
Il
est simplement dommage, que Mizoguchi ne se soit pas attaqué
plus tardivement à cette biographie ; en vue des progrès
réalisés sur ses derniers films, il aurait certainement
porté une réflexion plus mûre et approfondie
sur le sujet. En l'état, ne reste que le portrait superficiel
d'une protagoniste maladroitement appréhendée. |