.Another Lonely Hitman
 
Titre original:
Kanashiki Hittoman
   
Réalisateur:
Mochizuki Rokuroi
Année:
1995
Studio:
Gaga Communications
Genre:
Yakuza-eiga
Avec:
Ishibashi Ryo
Sawaki Asami
Yamada Tatsuo
Kanayama Kazuhiko
 
Un yakuza à nu 

Dans le monde du yakuza-eiga contemporain, Rokuro Mochizuki fait figure de pilier au même titre que Takashi Miike ou Shinji Aoyama. Encore peu connu en Occident (hormis son Onibi en 1997), la découverte de Another Lonely Hitman, précédé d'une flatteuse réputation, témoigne de l'univers singulier de l'auteur dans ce genre ultra-formaté. Pourtant, difficile de s'enthousiasmer pour ce qui n'est finalement qu'un yakuza-eiga somme toute très classique. A l'instar du méconnu Un Yakuza contre la meute, l'histoire se déroule dans une société où le jingi, code d'honneur mafieux, ne constitue plus qu'une façade désuète pour certains yakuza nostalgiques tel Tachibana qui vient de purger sa longue peine de prison. En marge de ses confrères et fidèle à ses principes, ce tueur à gage va se retrouver en porte à faux puis isolé pour son plus grand malheur.

D'emblée, Another Lonely Hitman frappe par l'académisme de sa mise en scène et sa construction très linéaire. Plans fixes éloignés, ellipses et irruptions soudaine de violence sèche, environnement urbain aux filtres verdâtres dépressifs , personnages peu loquaces. Un score jazzy peu inspiré aux forts relents eighties affadit un film à l'esthétique déjà bien terne. Handicapé par une brochette d'acteurs peu impliqués, le film de Mochizuki peine à s'extraire du ventre mou du genre et repose avant tout sur un script solide tiré d'une nouvelle de l'écrivain Yukio Yamanouchi. Le regard est distant, se concentrant sur les moments creux dans les arrières rues désertes de la banlieue d'Osaka. Un détachement qui teinte le film d'un voile d'irréalité qui sous tend un pessimisme rampant. Comme souvent chez ce réalisateur, le personnage est un électron libre gravitant autour d'un monde qu'il ne reconnaît plus. Personnage libre, vulnérable et faillible aussi ; une bavure commise lors de l'exécution d'un contrat le hante ; l'homme est impuissant incapable même d'avoir une simple relation sexuelle. Tachibana va faire la connaissance d'une prostituée junkie qu'il s'efforcera de remettre dans le droit chemin. Ce couple se réfugiera dans une chambre d'hôtel où il apprendront à se connaître et se reconstruire. La relation du couple va se retrouver au centre du récit reléguant les affres mafieuses au second plan. Le monde de la pègre est ici assimilé de manière froidement réaliste à une économie de marché en crise : trahisons et alliances, manœuvres financières constituent le pain quotidien de ces membres obligés de faire tourner des vidéo porno pour subsister.

Another Lonely Hitman met longtemps pour passer du simple film commercial à une œuvre un peu plus singulière et intimiste. Adaptation sans doute très fidèle de la nouvelle originale, Mochizuki se contente d'un travail purement illustratif et peine à donner corps à ses personnages qui finissent tout de même à prendre un peu d'épaisseur mais sans jamais dépasser leur statut de stéréotype : l'homme mur protecteur, la jeune femme perdue. Pourtant ici et là se profilent quelques beaux moments pathétiques tel le douloureux sevrage de sa protégée où Tachibana révèle une sensibilité dissimulée sous un masque d'impassibilité. Des moments de lassitude, d'humour noir et de violence viscérale relèvent le tout, de petites touches personnelles qui font de Mochizuki un honnête faiseur à défaut d'un véritable auteur. La fin (forcement) dramatique ne fait que mettre en lumière l'absence de véritables enjeux émotionnels forts. Si Another Lonely Hitman représente le haut du panier du genre, il le doit plus à l'indigence de ses concurrents qu'à de réelles qualités artistiques. On gardera néanmoins un œil attentif sur ce réalisateur par la suite.



 
Martin Vieillot

Another Lonely Hitman est disponible chez Artsmagic