.Big Bang Love - Juvenile A
 
Titre original:
Yonju roku okunen no koi
   
Réalisateur:
MIIKE Takashi
Année:
2006
Studio:
-
Genre:
Drame
Avec:
MATSUDA Ryuhei
ANDO Masanobu
ISHIBASHI Renji
ENDO Kenichi
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Artsploitation

Après plus de 70 réalisations, la posture du personnage Miike reste toujours aussi floue et ses nouvelles orientations ne font que complexifier davantage la grille de lecture de ses œuvres. En effet, si le réalisateur évolue désormais avec aisance dans le domaine du blockbuster (Great Yokai War), l’aspiration auteurisante semble désormais être son credo affirmé. Auteur de troubles dérives vers des univers lynchiens (l’inégal mais séduisant Gozu en 2003) ou bien encore rénovateur moderniste et torturé du chambara (Izo en 2004), son dernier opus se voit comme un manifeste cachant mal un besoin vital d’affiliation à des sphères cinématographiques plus nobles. Car si l’on n’aurait jamais cru citer Genet et Godard comme sources d’inspirations du génial escroc, le résultat laisse plutôt dubitatif quant au réel fond de cet objet voulu sulfureux. Et de constater que même sur un format court, le réalisateur n’a pas son pareil pour plonger son auditoire dans la léthargie la plus profonde.

Comme bien souvent chez Miike, un duo de personnage masculin forme le pôle autour duquel va s’articuler une enquête policière. Sauf qu’ici la déconstruction et le dispositif semblent plus importer qu’une trame narrative nourrie. Big Bang Love – Juvenile A est donc plutôt à voir comme une mise en abîme du film de genre (ici le film de prison à forte tendance homosexuelle) qu’une énième variante classique voguant entre moments creux et provocations gratuites. Soit l’histoire parallèle de Jun (Ryuhei Matsuda) et Shiro (Masanobu Ando), deux (beaux) garçons qui se retrouvant un univers carcéral hostile vont nouer une amitié profonde qui catalysera les pulsions de jalousie des codétenus. Le film, qui s’ouvre sur la scène montrant Jun agenouillé sur le corps sans vie de Shiro, consistera donc en un lent et tortueux flashback mené par deux inspecteurs (Renji Ishibashi et Kenichi Endo).

Comme le laisse deviner son titre original (quelque chose comme ‘4,6 milliard d’années d’Amour’), l’approche du sujet à vite fait de virer dans le ressassement nébuleux à haute teneur métaphorique sur le thème de l’isolement et l’aliénation. Si la clarté n’a jamais été le fort du réalisateur, cet imbroglio psychologique aux accents homo-érotiques affirmés n’arrive jamais à dépasser son stade de film-concept et de laisser en l’état ses décors déstructurés, ses psychologies tourmentées et ses symboliques ostensibles mais vides de sens. Pourtant ce huis-clos aux accents post-apocalyptique ne laisse pas indifférent et parvient à séduire par instant dans sa peinture d’un espace temps figé aux teintes vives et douces, où les espaces sauvages forment le contrepoint apaisé d’intérieurs hostiles et géométriques. Dans cette promiscuité propice aux pulsions érotiques électriques, on y devine l’influence souterraine d’Un chant d’Amour de Genet (1950). De belles velléités que le cinéaste saborde en encombrant son récit d’éléments policiers aboutissant à une structuration liberticide de son hymne à la sensibilité masculine. Comme un Godard des mauvais jours, on y voit donc le cinéaste s’essayant à la relecture et la déformation narrative purement gratuite. Soit autant de flash-back, d’entrecroisement de points de vues réels et fantasmés, de répétitions de scènes, de distanciation qui finissent par épuiser une approche psychologique de bazar déjà bien fragile. De cet enchaînement chaotique de décors conceptuels, de divagations fondamentales ne restent que les caractéristiques manipulations de son auteur et des scènes de strangulation viscérales reconnaissables entre milles. De quoi désamorcer totalement la conclusion globale du film sur la perméabilité des hommes à la corruption inconsciente de leur environnement proche.   

Désormais bien loin de ses dynamitages irrévérencieux des années 90, Miike a désormais mûri mais n’en continue pas moins d’étonner. S’il y reste un persistant arrière-gout de produit frelaté, Big Bang Love – Juvenile A n’en constitue pas moins une étape importante dans la maturation artistique de son auteur, une phase annonciatrice de nouvelles orientations esthétisantes, psychologiques et sensorielles. Pour le meilleur ou pour le pire ?

 
Martin Vieillot