.Blindbeast vs Dwarf
 
Titre original:
Môjuu tai Issunboshi
   
Réalisateur:
Ishii Teruo
Année:
2001
Studio:
Ishii Prod.
Genre:
Rampo
Avec:
Tsukamoto Shinya
Lily Franky
Hirayama Hisayoshi
Fujita Mutsumi
Hashimoto Reika
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Rampo-holic

L'écrivain Edogawa Rampo a fortement marqué l'inconscient collectif d'un grand nombre d'artistes japonais. Plus connu en Occident pour sa poésie du macabre et de l'étrange, Rampo jouit aussi d'une grande cote d'amour auprès de la jeunesse qu'il régalait avec ses histoires de détectives. Son œuvre a donné lieu à plusieurs adaptations cinématographiques qui constituent d'indéniables réussites, que ce soit le pinku-eiga avec Watcher in the attic, la célèbre Bête aveugle de Masumura, Gemini de Tsukamoto ou encore le très culte Horror of Malformed Man de Ishii Teruo.

Début de l'ère Showa, une célèbre chanteuse de cabaret disparaît ; un détective (Tsukamoto) est engagé pour retrouver sa trace. Bientôt il fait d'étranges découvertes morbides qui le mette sur la piste de la bête aveugle, une étrange créature dont la chanteuse est entre-temps tombée amoureuse…

Déjà auteur d'un peu convaincant Jigoku, Ishii produit lui même ce film afin de bénéficier d'une totale liberté ''artistique''. Pas étonnant donc de retrouver sur Blindbeast vs the dwarf tout une certaine scène underground nippone gravitant autour de l'auteur (Ishii, Tsukamoto et une pléthore de caméos). A ce titre, le résultat doit plus être assimilé à une sorte d'hommage collectif qu'à une véritable œuvre cinématographique. En effet, par son esthétique vidéo, son budget qu'on devine inexistant, son scénario et ses acteurs plus qu'approximatifs, le film de Ishii ne fait pas illusion une seule seconde. Ce n'est d'ailleurs sûrement pas la première de ses préoccupations tant le film est joyeux bazar revendiqué. Mélange foutraque de scènes hétéroclites, Blindbeast vs the dwarf vaut uniquement pour son cachet d'étrangeté distillé ici et là. Le film fait d'ailleurs mentir son titre, en fait d'affrontement, on n'y trouvera que des exactions isolées des deux individus qui se livrent à distance à une sorte de concours artistique morbide.

A voir le résultat franchement décalé , on se demande si Ishii vit encore dans notre époque. Son film est un curieux télescopage entre son esthétique tout personnelle et celle issue du monde du V-cinéma érotique ( Takao Nakano y fait d'ailleurs un caméo). L'enquête, extrêmement poussive, menée par Tsukamoto lie tant bien que mal ce qu'il convient d'appeler des vignettes, des scènes parachutées dont ne sait où et qui constituent le seul intérêt du film. Scène de cabaret funky ou mélo, scène de comédie avec rires pré-enregistrés (!), scènes érotiques SM, et bien évidemment tout une faune étrange : un nain, un aveugle, un travesti. Là où Blindbeast vs the dwarf séduit, c'est dans la représentation des obsessions de Rampo: mutilation et pourrissement du corps, déviance artistique, Ishii arrive a distiller un parfum d'étrangeté fidèle à la thématique de son mentor. Scène de cannibalisme (une femme est dévorée, un homme fait de la viande à partir de restes humains), démence créatrice (un mur hérissé de bras et muni d'une bouche géante, des statues faites de chair et de sang). Ce théâtre du grand guignol, ces cartons pâtes naïfs procurent ce que le spectateur curieux est venu chercher, pour le reste on repassera.

Film décevant mais pas forcement inintéressant, Blindbeast vs the dwarf jouit d'un joli petit succès culte au Japon. Cependant, son profil pour le moins singulièr le réserve forcément à un public très ciblé, les autres resteront de marbre devant un tel "objet". Le grand hommage à Rampo reste donc encore à faire. Peut etre que Rampo Jigoku saura y arriver? Un film omnibus inspiré de nouvelles de l'écrivain avec notamment Tadanobu Asano et Hisayasu Satou qui marque là son grand retour, voilà qui excite l'imagination!



 
Martin Vieillot