Titre
original:
Ohayo |
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Réalisateur:
Ozu Yasujiro |
Année:
1959 |
Studio:
Shochiku
Genre:
Comédie |
Avec:
Sata
Keiji
Kuga Yoshiko
Ryu Chisu
Miyake Kuniko
Sugimura Haruko
Shimazu Yoshihiko |
dre
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Au
revoir les enfants
Bonjour
signe le retour à la comédie qu'affectionnait
tant Ozu à ses débuts ; mais le lourd sous-contexte
délivre également une féroce charge contre
les méfaits du progrès et de la modernisation
de la société japonaise.
Dans un nouveau
quartier résidentiel animé par les commérages
quotidiens des femmes au foyer, deux frères décident
d'entamer une grève de la parole pour obtenir une télévision
à domicile.
Revenant à
des ''chroniques de gens ordinaires'', Ozu brosse le terrible
portrait d'une petite communauté vivant les uns sur les
autres dans de maisons fraîchement construites. La modernité
a fait son entrée et si les habitations ont gagné
en richesse et en luxe, se dégage un certain malaise
oppressant. Les maisons contiguës ne présentent
que peu d'ouvertures vers le monde extérieur et donnent
sur une butte artificielle derrière laquelle se trouve
un immense terrain vide. Butte, qui sert de chemin pour aller
à l'école pour les enfants, mais derrière
laquelle les enfants se cachent également pour déguster
un goûter dérobé à une voisine. Retranché
derrière leurs murs, les gens n'ont pourtant que peu
d'intimité de par l'incessant va et vient des voisins,
qui font irruption dans leur espace intime sans se donner la
peine de frapper aux portes. Même les colporteurs franchissent
le seuil sans demander avis tout en refermant la porte derrière
eux. Dans ce cadre, Ozu s'en prend directement à la communication.
Parler pour ne rien dire (les banales conversations entre voisins),
les paroles inavouées (la timide approche du traducteur
pour sa cliente ; les accusations du vol d'argent de l'association
en début du film) et les commentaires sur-dramatisés
(les incessants commérages non-fondés prenant
une ampleur toujours croissante). Le silence des enfants ne
fait que mieux ressortir l'absurdité des dialogues des
adultes, qui en ont perdu jusqu'à la compréhension
du langage des signes maladroitement exposé par des enfants
qui n'ont jamais appris à s'en servir correctement. Silence
qui est doublement significatif . D'une part, les enfants n'obtiennent
pas ce qu'ils veulent par la simple argumentation / parole et
sont donc obligés de se taire pour se faire entendre.
D'autre part, il présage déjà l'avenir
: regarder la télévision, c'est ne plus communiquer,
mais écouter ce que les programmateurs veulent bien faire
entendre.
Charge sociale
absolument terrifiante, Ozu ressent donc l'arrivée du
progrès comme une véritable intrusion dans le
bonheur des gens : perte de libertés, gain de rancœurs
et fin de la communication sensée. Les critiques à
l'égard de sa vision encore utopiste du monde dans Le
récit d'un propriétaire auront donc eu raison
de son relatif optimisme ; Ozu traite directement de la réalité
des choses et y porte un regard résolument pessimiste,
même sous le couvert d'une comédie. Un très
grand film. |
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