.Casshern
 
Titre original:
-
   
Réalisateur:
KIRIYA Kazuaki
Année:
2004
Studio:
Shochiku
Genre:
Manga live
Avec:
ISEYA Yusuke
ASO Kumiko
TERAO Akira
HIGUCHI Kanakoi
 dre
Révolution désuète

Inspiré d'une série animée des années '70s de Tasunoko PRO, Casshern ne doit son adaptation que par la persévérance tenace du photographe de mode et réalisateur de clips vidéo Kazuaki KIRIYA à vouloir porter ses visions sur grand écran. Avançant une volonté farouche de redéfinir le langage cinématographique, il a su convaincre quelques investisseurs du bien-fondé de son ambition démesurée. En résulte une prouesse visuelle d'autant plus étonnante en raison d'un budget peu conséquent (un peu moins de 6 millions de dollars), uniquement anéantie par un scénario confus et une mise en scène clipesque desservant les (trop) nombreuses idées colportées.

Au XXIième siècle, la Terre a été dévastée par une guerre nucléaire opposant les pays asiatiques à l'Europe. Le généticien Azuama est sur le point de découvrir un moyen de soigner les cellules humaines malades. De son laboratoire, frappé par la foudre, s'éveille une armée de méchants, prête à en découdre avec la poignée de survivants et de prendre le pouvoir. Seul le fils du professeur, également revenu d'entre les morts et désormais doté de super-pouvoirs, semble en mesure de stopper l'invasion.

L'ancien photographe de mode et réalisateur de clips vidéo Kazuaki KIRIYA se disait prêt à en découdre avec le cinéma dit ''traditionnel''. Clamant - à qui voulait l'entendre - qu'il saurait bouleverser un langage cinématographique depuis trop longtemps obsolète, son résultat avait du moins attisé la curiosité du cinéphile. Les échos d'un tournage épique et les premières images dévoilées dans la presse et sur Internet semblaient confirmer au moins une véritable maîtrise de la scénographie ; il en va tout autrement du résultat final. Montage survolté et sur-vitaminé, le rythme frénétique du découpage bien supérieur à la moyenne des plans d'un clip MTV ou des dernières productions de l'américain Michael Bay, cette mise en scène constitue moins une totale réinvention du langage cinématographique, que l'horripilant tic actuel des clippeurs passés à la réalisation d'en mettre plein la vue. Cette frénésie se retrouve jusque dans un style narratif éclaté et faisant fi des notions du temps et de l'espace. Mélanges de retours dans le passé et au présent, entremêlant le destin de plusieurs personnes, parfois en un simple fondu, brouillent la bonne assimilation d'un spectateur de toute façon perdu dans une intrigue confuse. Las de révolutionner le cinéma, KIRYIA s'empêtre dans un effet de mode déjà passé d'actualité comme en témoignent les derniers échecs de produits (américains) similaires.

Si la mise en scène et la scénarisation sont donc propres à refiler un sérieux mal de crâne à tout esprit normalement constitué, le décor finit par achever l'attaque cérébrale. Film entièrement tourné devant des écrans verts, l'intégration d'une surenchère d'inserts à base d'effets numériques écrase le fond et les personnages par leur imposante présence. Directement empruntés des univers des récents Avalon, Steamboy ou de l'américain Sky Captain and the world of tomorrow (basé sur une approche similaire), ils sont certes de toute beauté, mais pas toujours d'un réalisme saisissant. Trop digitalisés, l'interaction avec les acteurs humains est approximative, les palettes numériques trop pixelisées. Il n'en reste pas moins qu'ils constituent le seul véritable point fort du (trop) long métrage.

Basé sur le dessin animé des années '70s, KIRIYA tente d'inclure un maximum d'éléments auparavant traités dans la série. A vouloir ratisser trop large, il n'arrive pas à lier les différentes parties distinctes et est même obligé de recourir aux raccourcis scénaristiques par manque de temps et d'enchaînements rationnels possibles (notamment la découverte par les méchants de la forteresse incluant un laboratoire propice à créer une armée de robots…). Supposant la parfaite connaissance de la série originelle, certains aspects du métrage achevé demeurent singulièrement obscurs pour le spectateur lambda. Au milieu de ce ratage cinématographique surnagent pourtant quelques rares moments de grâce. Si les plaidoyers sont extrêmement simplistes (la guerre n'est pas une bonne chose ; attention à la pollution, …), elles arrivent parfois à toucher, tant les préoccupations semblent tenir au cœur du cinéaste. Si la réalisation n'est qu'une immense boursouflure prétentieuse, elle dégage de bonnes idées jusqu'à contenir des germes de la meilleure transposition d'un manga sur grand écran, tel l'affrontement dans les airs entre Casshern et un redoutable adversaire ou son attaque contre l'armée des robots. Rares moments perdus dans un trop long et vain effort de vouloir à tout prix convaincre le spectateur de sa supériorité technique.

Production ambitieuse, Casshern fait partie de ces productions japonaises récentes à grand spectacle, donnant une vision plutôt pessimiste quant à l'avenir de la nation. Reflet d'une société en pleine déroute économique après avoir été le chef de file d'une Asie en plein boom, le constat est plutôt inquiétant. Reste, que la nouvelle génération de réalisateurs devrait cesser de privilégier la forme plutôt que le fond pour asseoir définitivement leur position.

 
Bastian Meiresonne