Titre
original:
Kuroe |
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Réalisateur: RIJU Go |
Année: 2001 |
Studio: -
Genre: Drame |
Avec:
NAGASE Masatoshi TOMOSAKA Rie
TSUKAMOTO Shinyai AOYAMA Shinjii |
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L'écume des jours
Qui serait
véritablement surpris d'apprendre que le plus célèbre
roman de l'écrivain français Boris Vian, L'Ecume des
Jours, a été adapté au cinéma par un
réalisateur japonais ? Après avoir lu les romans de Boris Vian et
alors que je découvrais peu à peu la culture japonaise et le
cinéma en particulier, je me suis toujours dis que les deux partageaient
un certain nombre de points communs, notamment au niveau esthétique et
dans ce penchant vers l'étrange emprunt d'une profondeur
indéniablement poétique. Et qui d'autre parmi les
réalisateurs japonais que Go Riju qui a réalisé le
très touchant Elephant Song pouvait réussir le pari de
transposer l'univers très particulier de Boris Vian au cinéma. Si
certain vont soulever la question de l'adaptabilité d'un roman au
cinéma, comme c'est le cas pour Lord of the Rings, la question
s'invalide d'elle-même lorsque l'on évoque L'Ecume des Jours. Un
tel roman comme est suffisamment abstrait pour qu'une adaptation stricte ne
soit pas nécessaire, comme justement Lord of the Rings qui ne
peut que être le plus proche qu'il peut du roman. Et Go Riju a
été suffisamment intelligent pour bien comprendre qu'une
adaptation réussie ne pouvait passer que par une trahison
nécessaire, même si partielle.
L'action de Chloe, le film,
se déroule de nos jours au Japon, avec des personnages tous japonais.
Jamais, si ce n'est dans quelques détails tels que le nom de
Kuroe/Chloé ou un bar appelé La Fesse, l'origine française
du roman n'apparaît. Sans pourtant renier l'atmosphère typiquement
française du roman, Go Riju a réalise un film tout aussi
typiquement japonais. Pour le meilleur, et pour le pire.
Le défi le plus difficile
à relever était certainement d'adapter la prose
surréaliste du romancier au cinéma. Et de ce point de vue, les
amateurs de Boris Vian risquent d'être fort déçus.
Plutôt que de tenter d'insérer du surréalisme à tout
bout de champs, Go Riju préfère le choix de l'absence quasi
totale de surréalisme. Choix aussi facile que difficile que celui
inverse de coller strictement au roman, choix qui aurait très
certainement nuit à la lisibilité générale. S'il
conserve les éléments primordiaux, la fleur dans le poumon de
Chloé et la maison qui rapetisse, il évoque un monde à
l'apparence tout à fait ordinaire. Pourtant, avec une subtilité
qui n'a de rivale que celle de Boris Vian, le film recèle de quelques
détails légèrement surréalistes mais surtout
morbides - la mort d'un patineur, de l'ami de Colin ou le meurtre de Kitano
(Shinji Aoyama). Mais pas question du fameux Piano-Cocktail ou d'autres objets
étranges dans le film. Go Riju semble d'ailleurs plus
intéressé par les détails sanglants que par la
poésie surréaliste du roman, ne retenant principalement qu'un
côté particulièrement désespéré et
noir, certainement la un trait du cinéma japonais, mais aussi proche du
faux romantisme présent dans l'oeuvre écrite. Au niveau des
principaux thèmes du roman, Go Riju n'en conserve finalement que
très peu. Disparition des thèmes de la musique et de la cuisine
pour ne garder que ceux de l'Amour, de l'amitié et de la maladie. De
plus, il effectue quelques très légères modifications dans
l'apprehension qu'a Colin du monde qui l'entoure. En effet, ce dernier semble
à plusieurs reprises surpris par des faits se produisant autour de lui,
comme s'il était d'une certaine manière étranger à
ce monde. Ce décalage se retrouve dans la façon dont sont
dépeintes les relations sociales. Rejet, ostracisme du couple victime du
malheur de la maladie mais surtout qui refuse la mendicité, la
pitié et d'une certaine manière la société
bourgeoise dans son ensemble, l'argent plus particulièrement.
Et en l'absence de la
poésie étrange du roman dans le film, ce dernier ne peut
éviter quelques longueurs. La lenteur générale du rythme
ajoutée à l'atmosphère mélancolique et aux malheurs
qui s'abattent sur le jeune couple, s'ils renforcent le côté
puissament pessimiste du film, amènent également quelques
passages ennuyeux. Heureusement, par un choix extrêmement judicieux des
acteurs, Masatoshi Nagase et Rie Tomosaka en premier lieu mais aussi Shinya
Tsukamoto, le film reste toujours à flot. En s'accaparant l'univers de
Boris Vian plutôt qu'en le transposant simplement en images, Go Riju
réussi sans aucun doute une adaptation sensible, et faussement
simplifiée, qui conserve le coeur du roman sans tomber dans les
pièges du superflu. Cependant, la longueur et le rythme auront
certainement du mal à maintenir tout du long l'intérêt chez
le spectateur. |