Titre
original:
Utamaro o
meguru gonin no onna |
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Réalisateur: MIZOGUCHI Kenji |
Année: 1946 |
Studio: Shochiku
Genre: Drame |
Avec:
BANDO Monisuke TANAKA Kinuyo OHARA
Eiko KAWASAKI Hiroko |
dre |
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Amours et Châtiments
Oeuvre largement
sous-estimée dans la riche filmographie de Kenji Mizoguchi, Cinq
femmes autour d'Utamaro se présente pourtant comme l'un des
métrages les plus personnels du grand réalisateur.
Adaptation romancée d'une
partie de la vie du peintre sur bois Utamaro Kitagawa vers la fin de ses jours,
l'intrigue suit les querelles amoureuses entre différents personnages de
l'immédiat entourage du peintre. Offensé par des écrits
d'Utamaro affirmant que ses peintures valent toutes les uvres d'autres
écoles, le jeune Seinosuke va retrouver le célèbre
artiste. Battu lors d'un duel de dessin, puis aidé par Utamaro pour
terminer une commande, l'accusateur demande à devenir le disciple du
peintre, abandonnant son école et sa femme, Yukie. Parallèlement,
la muse d'Utamaro, le modèle Okita, tombe éperdument amoureuse du
coureur de jupons invétéré Shozaburo, qui, lui, n'a d'yeux
que pour Oman. Le célèbre artiste traverse alors une relative
période de vaches maigres, jusqu'à retrouver la force de son
talent en peignant Otan, de laquelle s'éprend son disciple Seisoku.
Seuls le servant d'Utamaro, Takemaro et sa fiancée Oshin - la
cinquième femme du titre du film - filent le parfait amour. Tous ces
destins s'entrecroisent lors d'une dramatique finale opposant Okita à
son amour éperdu et sa maîtresse, tandis qu'Utamaro est
arrêté pour outrage de l'Autorité Suprême.
Pour son adaptation de la vie du
célèbre peintre sur estampes, Utamaro Kitagawa (1753-1806), le
scénariste et proche ami de Mizoguchi, Yoshikata Yoda, avoue
s'être très fortement inspiré des caractéristiques
même du réalisateur. Cette transposition et identification
à son personnage principal se retrouve naturellement dans le film et
Mizoguchi délivre avec ce métrage mal connu du grand public l'une
de ses meilleures uvres. Réalisé au sortir de la Seconde
Guerre Mondiale, le projet faillit ne jamais aboutir. L'un des premiers films
à être soumis au comité de censure américaine
CI&E - Civil Infirmation and Education division - fraîchement
instaurée par le général MacArthur, le réalisateur
et son scénariste ont dû se plier à de longs
interrogatoires pour prouver que le métrage se plie aux bonnes normes
exigées par l'occupant. L'uvre ne devait comporter aucun combat au
sabre, ni d'allusions à une quelconque idéologie nationaliste ou
au système féodal passé. Ainsi restreint, de nombreux
réalisateurs ont été fortement réduits dans leur
liberté d'expression et le genre du chambara - par exemple - n'a su
ressusciter que durant les années '50s.
L'évocation de la vie
d'Utamaro sonne donc comme une fine transposition des propres problèmes
rencontrées par Mizoguchi. De son vrai nom Ichitaro Kitagawa, le peintre
vécut la toute fin du règne du shogunat et l'avènement de
l'ère de la modernité. Au cur d'une société
déchirée entre ses institutions rigides et une certaine
libéralisation des murs, il se taille rapidement une solide
réputation pour ses calligraphies osées de femmes de joie
embauchées comme modèles dans les quartiers chauds des grandes
villes. Son succès ne remporte pourtant pas la totale adhésion de
tous : décrié pour son style avant-gardiste par ses pairs
(recherche d'expressions plus humains ; représentation
idéalisée du corps féminin), ses illustrations
érotiques dépassèrent le seuil de tolérance
lorsqu'il représenta le Seigneur Toyotomi Hideyoshi en compagnie de sa
femme et de ses cinq concubines. Considéré comme un outrage
à la plus haute autorité, il fut condamné à porter
des menottes (ou un anneau de fer autour du cou selon d'autres sources)
cinquante jours durant. Cette condamnation provoqua une grande déprime
qui dura jusqu'à sa mort, deux ans plus tard à l'âge de
cinquante ans. Laissant derrière lui une uvre riche de plus de
2000 peintures (identifiées en tant qu'originaux), son travail fut
repris par ses plus fervents disciples et son talent reconnu jusqu'à nos
jours.
La sentence au port de menottes et
à l'interdiction d'exercer son métier pendant cinquante jours
renvoie directement aux propres problèmes de Mizoguchi dans
l'impossibilité de réaliser durant la Guerre, puis privé
de sa totale liberté artistique lors de l'avènement du
comité de censure américain. La représentation du
dévouement pour l'art du personnage d'Utamaro renvoie également
au travail de Mizoguchi ; non seulement le réalisateur a
transposé et exploré la thématique de la passion pour un
art dans bon nombre de ses uvres, mais il fait également preuve du
même souci de perfectionnisme et de représentation
émotionnelle que le peintre à travers ses créations dans
le film (et au réel).
Un
autre parallèle peut se dresser entre la fascination
pour la gente féminine dans le cas des deux artistes
: si Utamaro poussait toujours plus en avant la représentation
du corps féminin, Mizoguchi n'aura de cesse de développer
des personnages de femme extrêmement forts à travers
sa filmographie. L'étude de leur comportement ne cessera
de se développer au fil de ses films pour se rapprocher
au plus près d'une représentation réaliste
très poussée. Quintessence de ses propres idées,
Mizoguchi s'empare à merveille du fidèle scénario
de Yoshikata Yoda sans toutefois desservir l'uvre d'Utamaro
au profit de sa propre personne ; et de réussir à
décrire une parfaite métaphore de sa propre condition
sous les restrictions d'une censure américaine terriblement
castratrice. |