.La Condition de l'homme 3 - La prière du soldat
 
Titre original:
Ningen no joken
   
Réalisateur:
Kobayashi Masaki
Année:
1961
Studio:
Shochiku
Genre:
Drame
Avec:
Nakadai Tatsuya
Aratama Michiyo
Ryu Chisu
Nakamura Tamao
 dre
Fin du Calvaire

Le troisième et dernier volet du film-fleuve de Kobayashi clôt cette trilogie monumentale sur une note des plus pessimistes, mais s'impose comme l'un des classiques de l'Histoire du Cinéma Mondial les plus méconnus.

Après l'échec cuisant contre les tanks soviétiques, Kaji et une poignée de soldats parcourent l'immense territoire de la Mandchourie pour s'éloigner des lignes ennemies. Confrontées aux horreurs de la guerre, ils finissent par être faits prisonniers des forces russes. Les conditions de vie sont une nouvelle fois déplorables, mais Kaji n'a plus de forces pour s'opposer à l'injustice ambiante. Réussissant finalement à s'évader du camp, il tente vainement de rejoindre sa femme

Episode le plus réussi, mais également le plus noir et déprimant, Kobayashi continue à explorer le côté obscur des hommes en les mettant cette fois face à eux-mêmes. Tentant de survivre et d'échapper aux forces russes libératrices, Kaji et ses soldats ont fort à faire pour trouver leur chemin et de quoi se nourrir. Les hommes sont poussés dans leurs derniers retranchements, régressant quasiment au stade d'une bête. A l'opposé des épisodes précédents, Kaji fait la douloureuse expérience de se détacher de son prochain pour lutter uniquement avec lui-même et de développer une pensée altruiste pour se maintenir en vie. Le retour à la civilisation se fait dans de difficiles conditions. Les rencontres avec d'autres écorchés servent autant à dénoncer une nouvelle fois le lourd tribut à payer pour une guerre, que de dévoiler la cruauté du prochain. L'épisode des prostituées renvoie directement au premier volet et aux filles de joie mises à disposition des prisonniers chinois pour évacuer leur violence. Kaji se refuse encore à tomber dans la ''norme'' en refusant de s'adonner aux plaisirs charnels avec l'une d'entre elles ; ce ne sera que lors de son emprisonnement au camp russe, qu'il finit par abandonner tous ses idéaux. Retour de ma cruauté également symbolisé par la terrible anecdote du soldat - pourtant revenu de loin - qui finit par violer une jeune adolescente. Chassez le naturel et il reviendra au galop !

Finalement, Kaji se retrouve capturé par les forces russes. Après avoir été du côté du ''bourreau'' dans le premier épisode, puis intégré au sein même des forces militaires, il découvre donc toute l'horreur d'être un prisonnier. Exploité pour effectuer des travaux forcés, mourant de faim, il n'a même plus la force, ni la volonté de s'opposer aux injustices ; tout juste garde-t-il encore un semblant de rébellion, en refusant de porter les habits russes et en protestant (faiblement). Son organisation d'avec ses congénères se limite à organiser le ramassage d'épluchures de pommes de terres pour nourrir ses compagnons ou de demander de l'aspirine pour soigner un prisonnier malade. Egalement rattrapé par le passé, il se retrouve à la merci d'un ancien ennemi. Son idéologie - apparenté dans les épisodes précédents à al pensée communiste - est totalement brisée en découvrant la réalité des faits : le camp est bien évidemment métaphore d'une certaine organisation communiste : des efforts surhumains pour le ''bien communautaire'' au détriment de sa propre vie, nourriture suffisante pour tous et une hiérarchie peu compréhensive. Ironie du sort, s'il avait été traité de ''communiste'' par ses anciens congénères, il est désormais appelé ''samouraï fasciste'' par les nouvelles forces occupantes.

Brisé et poussé à bout par le douloureux exercice de la vie, Kaji n'a finalement d'autre solution que la violence (un meurtre) et la fuite ; tout l'inverse de ce qu'il prêchait jusque-là. Ce qui ne change pas est sa considération en tant qu'étranger : réussissant à s'échapper du camp, il est malmené par la population locale n'ayant aucune compassion pour son sort. La fin est logique, mais empreinte d'un pessimisme sans bornes : partant des bons principes, jamais Kaji n'aura réussi à imposer son idéologie et sa bonne volonté de faire le bien. Broyé par la logique e la vie, il mourra dans l'indifférence générale.

Ce film aura une énorme influence sur le Japon. Les spectateurs ont vu dans le personnage de Kaji une sorte de martyre, représentatif d'une bonne part de leur population, voire même de leur pays. L'audace du projet monumental et des messages particulièrement osés ont largement bouleversé spectateurs, comme critiques et aura une forte influence sur les films à sortir par la suite. Sorte de tabou, Kobayashi n'a pas hésité à dénoncer aussi bien les méfaits d'une guerre, que la part de responsabilité propre aux japonais. Bon nombre de réalisateurs reprendront par la suite le flambeau en abordant le sujet sous des angles inédits. Reste, que le film n'occupe pas la place méritée dans l'Histoire du Cinéma Mondial ; peu cité, il s'agit pourtant d'un chef-d'œuvre du cinéma classique tant au niveau de sa réalisation, que par rapport à son impact. Une trilogie à découvrir de toute urgence, dont les images hanteront l'esprit du spectateur pendant longtemps.
 
Bastian Meiresonne