.Contes des chrysanthèmes tardifs
 
Titre original:
Zangiku monogatari
   
Réalisateur:
MIZOGUCHI Kenji
Année:
1939
Studio:
Shochiku
Genre:
Drame
Avec:
HANAYAGI Shotaro
TAKADA Kokichi
MOTOKARIYA Yuikai
KAWARAZAKI Gonjuro
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Avec cette tragédie shinpa, Mizoguchi réalise un film réussi se passant dans le milieu du théâtre kabuki sans toutefois atteindre le degré de perfection de ses futurs chef-d'œuvres.

Sur le point de succéder à son père à la tête d'une célèbre troupe de kabuki, Kikunosuke Onoe VI comprend vite qu'il ne doit sa popularité qu'aux imposants liens familiaux. Loué par son entourage, les spectateurs se moquent en réalité de son jeu inégal. Seule la nourrice Otoku ose lui dire la vérité en face. Tombant amoureux de la jeune femme, le couple décide de fuir l'emprise familiale leur interdisant de se fréquenter à cause de leur différence de rang social. Kikunosuke décide de suivre une troupe de théâtre ambulante, afin de faire progresser son jeu théâtral. Après la faillite de cette dernière, Otoku réussit à négocier la réintégration de son amant au sein de la troupe familiale à Tokyo sous condition à ce que le couple se sépare pour de bon.

Le kabuki est une forme de théâtre japonais. Puisant ses origines des spectacles religieux du début du XVIIe siècle, des acteurs uniquement masculins maquillés - mais sans masques - interprètent des tragédies ou comédies à l'aide de chansons, danses ou mouvements définis. Au cinéma, le shinpa est un drame sentimental se terminant de manière tragique ; curieusement, c'est également une ancienne forme de théâtre sous l'ère Meiji concurrençant un temps donné le théâtre kabuki avant de perdre de sa popularité. Conçu à l'origine comme film véhicule pour le populaire acteur kabuki Shotaro Hanayagi, Mizoguchi acceptait la réalisation du film pour pouvoir y développer deux de ses thématiques préférées: l'existence vouée à l'art et le sacrifice d'une femme par amour et pour la réussite de son mari. Seul subsistait un problème de taille : l'âge du personnage principal. La quarantaine bien sonnée au moment du tournage, Hanayagi interprète dans le film le rôle d'un homme de vingt ans. Mizoguchi opta alors pour l'utilisation d'objectifs à focale large et une mise en scène basée essentiellement sur des longs plans larges ; ce choix alla profondément marquer sa réalisation de ses futures œuvres.

Peu habitué à son parti pris et sans doute réellement handicapé par l'impératif de devoir cacher le véritable âge de son acteur principal, la réalisation de Mizoguchi paraît donc moins maîtrisée, même si elle ne dessert pas la qualité du film. Cette distanciation pourrait même se rapprocher d'une représentation théâtrale vue du public ; mais elle a pour désavantage de se sentir moins proche des personnages et notamment lors des principaux moments tragiques. En même temps, Mizoguchi redéfinit totalement sa propre mise en scène - qu'il ne cessera de peaufiner par la suite - réussissant même l'exploit de tourner exactement 140 plans pour une durée de 140 minutes. Il avouera plus tard, que ce métrage lui aura pour la première fois procuré le sentiment d'avoir su créer son propre film. Si sa mise en scène balbutiante ne nuit pas à l'ensemble de son métrage, il en va autrement du scénario. Magnifique représentation du théâtre kabuki et d'une époque révolue, ainsi qu'un nouveau sensible portrait de ses protagonistes principaux - et notamment d'une femme forte envers tous les torts sociaux - le scénario s'étire inutilement en longueur. Larmoyant, Mizoguchi ne réussit pas toujours à éviter les clichés propres à une tragédie à l'instar d'une fin inutilement bavarde. Reste, que les Contes des chrysanthèmes tardifs est un très beau film, véritable rupture de ton dans la mise en scène de son réalisateur, mais en-deçà de la qualité de bon nombre de ses œuvres futures.
 
Bastian Meiresonne