.Contes cruels de la jeunesse
 
Titre original:
Seishun Zankoku Monogatari
   
Réalisateur:
Oshima Nagisa
Année:
1960
Studio:
Shochiku
Genre:
Drame
Avec:
Kawaku Yusuke
Kuwano Miyuki
Watanabe Fumio
Kobayahsi Toshiko
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Basic Instincts

Nagisa Oshima - plus connu pour ses brûlots provocateurs que sont L'Empire des Sens, Furyo, Max, mon Amour ou le récent Tabou - rend un vibrant hommage aux films français de la Nouvelle Vague.

Makoto est une jeune femme un peu naïve, qui profite d'une éducation assez lâche pour courir les dancings et bars de nuit. Se faisant raccompagner à son domicile par des inconnus, elle est un jour sauvé d'attouchements par le loubard Kiyoshi. Simple histoire de sexe pour l'un, premier amour pour l'autre, Makoto emménage chez son ami contre l'avis de ses proches. Coulant une vie insoucieuse, ils mettent au point une combine pour extirper de l'argent à des inconnus. Leur relation s'envenime au fur et à mesure que Makoto réalise leur vie dissolue ; jusqu'au jour où la jeune femme tombe enceinte.

Nagisa Oshima n'a que vingt-sept ans, quand lui est confié la réalisation de Street of Love and Hope (Une ville d'amour et d'espoir) par le directeur du studio déclinant Shochiku. Premier long métrage - après un court de 7 minutes l'année précédente - et adapté de la nouvelle Le garçon vendeur de pigeons, le film est connaît une brève carrière dans les cinémas de quartier. Malgré la relative déception de ses producteurs, les critiques sont suffisamment élogieuses, pour que le studio accorde une seconde chance au jeune réalisateur. Oshima propose alors le scénario des Contes cruels de la jeunesse, brûlot social de la jeunesse désœuvrée, thème de prédilection du moment d'un studio concurrent, la Nikkatsu.

Situé en plein soulèvement des étudiants et gauchistes contre le Pacte de Sécurité nippo-américaine de 1960, Oshima intègre des images d'archives pour immortaliser le moment. S'attachant à l'histoire particulière des deux jeunes amants, il créé à travers eux une sorte de métaphore de toute une jeunesse japonaise désœuvrée. Makoto représente la jeune fille naïve, issue d'un milieu social aisée, mais dont l'éducation - à la différence de celle de sa sœur - est plutôt lâche. Les parents de la jeune fille semblent assez désemparés devant l'évolution d'une société en pleine ébullition et accordent une certaine liberté à leur seconde fille. Makoto joue avec ses limites et est naïvement attirée par tout interdit. Kiyoshi, à l'inverse, est un loubard. Entouré de mauvaises personnes, il n'a pour seule attache affective que le refuge occasionnel d'une femme bien plus âgée que lui, le maternant et semblant se substituer à une véritable carence parentale. La relation des deux personnages va apporter une totale privation de libertés à Makoto, qui - perdant tout repère entre le bien et le mal - franchit la limite du non-retour et court droit vers sa perte (horrible…). Kiyoshi trouve une fragile stabilité en Makoto, mais motivé par les excès de son amie ne pourra trouver le droit chemin.

Tous deux punis par un triste sort en fin de film, Oshima condamne clairement cette prise de liberté d'une jeunesse désœuvrée ; mais il s'oppose également à une morale établie par le personnage de la sœur de Makoto, Yuki. Cette dernière avait été élevée ''à la dure''. Bravant également les interdits à sa manière, elle avait entamé une vague affaire avec un jeune de son âge, avant de finalement épouser un homme plus âgé qu'elle pour rentrer dans un certain moule traditionaliste. Désormais divorcée, elle est totalement perdue et ne saura même pas rattraper le temps passé en la personne de son ancien amant, devenu un docteur minable. Oshima ne propose aucune solution et ne fait que condamner ses personnages. Fortement influencé par la Nouvelle Vague française, il utilise des longs plans contemplatifs (Kiyoshi mangeant une pomme en temps réel), plans caméra à l'épaule (simulation de la fragilité relationnelle et l'instant vécu) et gros plans pour coller au plus près des acteurs et de les enfermer dans un cadre oppressant. Il pousse pourtant les limites du genre plus loin de par une mise en scène plus désinvolte et un réalisme plus fictionnel.

Brisant bien des tabous de par sa virulence et dénonciation extrêmes, le film sera un énorme succès et marque une date dans le cinéma japonais. La carrière d'Oshima est lancée et est dite avoir sauvé de la faillite les studios de la Shochiku - qui ne pourra empêcher le jeune réalisateur obstiné de partir fondre sa propre société de production après un différent artistique concernant la sortie de Nuit et Brouillard au Japon.



 
Bastian Meiresonne