Titre
original:
Zenka Onna - Koroshi Bushi |
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Réalisateur:
MIHORI Atsushi |
Année:
1973 |
Studio:
Toei
Genre:
Yakuza-eiga |
Avec:
IKE Reiko CHII Takeo
SUGIMOTO Miki
HAYAMI Ryoji
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Manipulatrices
Premier volet d’une nouvelle franchise conçue pour succéder à la série des Sukeban et consors, Criminal Woman (Zenka Onna) ne fait que confirmer l’orientation du genre Pinky Violence, à savoir l’effacement progressif des héroïnes enragées au profit de figures masculines plus violentes. Sous ses atours de série B féminine, Criminal Woman se pose donc là comme un témoignage intéressant d’une mode passagère (‘70-73) qui pliera finalement face aux jitsuroku sous testostérone. Signé par un scénariste confirmé du genre ( Fumio Konami déjà auteur des efficaces Guerre des Gangs à Okinawa, Cops vs Thugs,…), le récit consiste en une variation contemporaine du postulat d’un Yojimbo, à savoir un gang de femmes fatales et débrouillardes qui fera office de catalyseur d’une guérilla mortelle entre deux clans yakuzas ennemis. Sauf que contrairement à l’habitude du sous-genre, les hommes restent ici les figures dominantes du récit à l’image de Ryoji Hayama, vétéran yakuza de la Nikkatsu qui impose ici une patine traditionnelle à l’ensemble. Si de nombreuses variations made in Toei s’échinent à monter une rivalité factice entre les deux égéries sexy maison (Reiko Ike et Miki Sugimoto), ces deux figures se trouvent ici sous le joug des hommes et symboliquement opposées de par leur statut (Ike en femme libre cherchant à venger la mort crapuleuse de son père, Sugimoto en femme à la solde de son clan). L’accent est désormais mis sur ces jeunes filles rebelles devenues femmes matures et calculatrices.
Malgré son pitch attrayant, le film souffre d’une mise en place de rivalités trop stéréotypées et simplistes pour insuffler une veine féministe métaphorique. Débutant d’abord comme un WIP léger et routinier (une laborieuse entame aux enchaînements de flashbacks patauds, un univers carcéral quasi-surréaliste de par son ambiance de colonie de vacances), Criminal Woman ne débute vraiment lorsque Maki (Ike) sort de prison quelque années plus tard et met sur pied un girl-gang à ses ordres. Si de par ses ressorts extravagants et charmants d’alliances et trahisons, le potentiel dramatique se trouve désamorcé, Atsushi Mihori n’en utilise pas pour autant ce décalage pour nourrir le potentiel divertissant de son projet. La tonalité appliquée ne contrastant que trop avec certains moments ‘bis’ qui en paraissent dès lors presque inopportuns. On retrouve ces curieuses alternances dans ces brides d’éclats qui retombe vite dans un certain classicisme : le personnage qui crache des chewing-gums tels des projectiles, la séquence de la torture à la tronçonneuse, le jeune chien-fou qui s’abreuve continuellement de sa bouteille de saké, le duel au couteau des tough-girls (qui débute et clôt symboliquement le film). La dimension sexuelle des femmes, habituellement ostensible et offensive, n’est manifestement par le souci de Mihori qui parsème sans passion son œuvre de passages érotiques contraints. On retiendra cette séquence curieuse de prostitution ‘joyeuse et romantique’ où une Maki insouciante couche avec des gaijins pour récolter des fonds, une manière de dire (qui rejoint le ‘message’ du film) que les femmes-manipulatrices sont toujours in-fine dépendantes des hommes. Loin de théoriser un pur film commercial, cette quasi-antipathie féminine s’insinue pourtant tout au long du métrage jusqu'à distiller une certaine ambiguïté devant l’absence de franche adhésion du réalisateur envers ses icônes sexuées et sa perversité prononcée.
Criminal Woman n’en reste pas moins un produit efficace estampillé Toei, avec les habituels qualités et défauts du genre. Le ton sardonique, un script bien huilé sans grosses baisses de régime, des scènes d’actions énergiques (même si bien trop brouillonnes) s’ajoutent à une réalisation d’honnête artisan qui sait se rendre nerveuse et jouer avec les regards de ses acteurs. Le cachet pop d’époque en retrait devant une certaine sobriété (abondance de décors ternes et monochromes) ainsi que le sérieux (de façade) du casting supportent efficacement un résultat globalement positif. Néanmoins, on ne sera pas étonné de voir la série morte-née s’achever ici sans pouvoir redonner l’impulsion féministe bienvenue , ni de voir son réalisateur-artisan s’éloigner définitivement de ces femmes-fatales…
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