.Cutie Honey
 
Titre original:
Kyuti Hani
   
Réalisateur:
ANNO Hideaki
Année:
2004
Studio:
WOWOW
Genre:
Manga live
Avec:
SATO Eriko
ICHIKAWA Mikako
MURAKAMI Jun
KATAGIRI Hairi
 dre
L'Amour est éternel

Célèbre auteur de manga depuis les années '60s au Japon, Go Nagai reçoit finalement les ''honneurs'' de quelques adaptations live de ses aventures sur grand écran. Si Devilman était une véritable trahison par rapport à son matériau d'origine, Cutie Honey reste bien plus fidèle à l'univers décalé et faussement naïf du manga, grâce au judicieux choix du réalisateur / dessinateur Hideaki Anno aux commandes du film. La réussite semblait à portée de main.

Honey Kisaragi n'est pas une jeune fille de son âge comme les autres. Morte, elle n'a été ressuscitée que par le génie scientifique de son père, qui en a fait une androïde capable de se transformer en Cutie Honey sur simple action d'un bouton en forme de cœur et de combattre de méchants vilains. Dans cet épisode, elle doit affronter le groupe des ''Four Claws'', responsable de la mort de son père et de l'enlèvement de son oncle. Ils sont au service de ''Sister Jill'', une mystérieuse entité éternelle régnant sous forme d'un gigantesque arbre rose bonbon, qui soutire son énergie nécessaire à la survie de jeunes femmes (vierges ?) innocentes. Ayant eu vent des pouvoirs surnaturels de Cutie, ils cherchent à s'emparer de son système ''I / Love'', capable d'assurer la transformation de l'androïde, mais également la éternelle jeunesse. En compagnie d'une reporter séduisante et d'un policier intrépide, Cutie Honey s'en va affronter les méchants pour tenter de libérer son oncle.

En 1973, Go Nagai.crée le personnage de Cutie Honey essentiellement destiné à un jeune public de filles pubertaires ; mais la candide sexualité sous-jacente et les nombreux combats de l'androïde sexy ont tôt fait d'éveiller l'intérêt d'un lectorat masculin. L'adaptation du manga originel laissait augurer du pire : la série n'est pas des plus originales et le candide univers rose bonbon aurait pu n'être qu'un prétexte pour un défilé des dernières tendances japonaises à la mode, des acteurs issus du ''J-Pop'' inclus. Heureusement, la tâche incomba à Hideaki ANNO, réalisateur des estimables Love & Pop et Ritual et lui-même dessinateur de mangas. L'adaptation est une réelle réussite - dans les limites imposées du genre. Nantie d'un budget restreint et singulièrement handicapée par un scénario pouvant tenir sur un ticket de metro, la transposition de l'univers débridé du manga originel est comblé de lacunes ; pourtant Anno fait preuve d'une folle inventivité créatrice et rend un vibrant hommage au matériau d'origine.

Les personnages ressemblent comme deux gouttes d'eau à leurs illustres modèles dessinés ; seul le costume de Cutie subit un lifting, pourtant parfaitement en phase avec son modèle. L'intrigue pourrait être tout droit sortie de la série animée et ne prend que peu de libertés avec l'histoire originale. Enfin - et le plus important - le monde dans lequel évolue Cutie supporte sans peine le passage des planches dessinées sur grand écran. Ni parodie du film de super-héros, ni tentative de supplanter les actuels efforts du genre, le réalisateur respecte scrupuleusement l'œuvre de Nagai tout en insufflant un véritable vent de folie. Sachant qu'il ne dispose pas d'un budget suffisant pour assurer l'avalanche d'effets spéciaux requise, il propose un curieux mélange entre images numériques de pointe et effets spéciaux faits de bric et de broc. D'un côté, des boules de feu traversant plusieurs buildings au cœur de Tokyo sont irréprochables ; de l'autre, des incrustations maladroites d'acteurs filmés sur fond bleu ou leur interaction devant un écran géant, tout comme quelques maquillages - dont particulièrement celui de Sister Jill - sont indignes des standards actuels. A noter une impressionnante technique imaginée par Anno, qui consiste à faire défiler à grande vitesse des plans fixes autour de Cutie donnant l'impression à ce que ce soit ELLE qui soit en mouvement.

En résulte un ensemble bancal, mais à l'image du manga originel ; mieux, Anno prolonge l'imaginaire débridé du créateur en incluant également des références cinématographiques. Les sous-fifres au service du clan des ''Claws'' renvoient directement aux vilains des aventures télévisuelles (et cinématographiques) de l'américain ''Batman'' des années '60s et l'influence pop des décors et de certains personnages ont subi une influence majeure des films de Seijin Suzuki. Quant à son implication à l'intrigue, Anno étonne par l'apport d'un sérieux élément, certes sous-jacent, mais clairement visible pour un public (adulte) averti : l'homosexualité féminine. Cutie a du mal à cacher son attirance certaine pour la reporter. Pouvant certes se référer l'attitude d'une petite fille n'ayant jamais grandie devant la maturité d'une femme affirmée, ses nombreux compliments (''Tu es mignonne quand même !'') ne laissent planer aucun doute. Même cas devant le dévouement sans bornes de la fidèle assistante (moustachue…) pour Sister Jill. Intéressant parti pris du réalisateur, qui se joue allégrement de l'attirance certaine de la gente masculine pour l'icône Cutie Honey…

Tout le talent de Hideaki Anno ne peut pourtant empêcher le film de sombrer dans un certain ridicule. Toutes ses trouvailles visuelles ne font pas toujours mouche et sont parfois même carrément laides. Le rythme soutenu provoque un certain excès dans la surenchère. Les acteurs cabotinent à outrance et rendent d'autant plus évident le singulier jeu effacé de la mannequin (pour la grande marque des maillots de bains japonais ''Yellow Cab'') Eriko Sato dans le rôle principal. La mince intrigue débouche sur un final sirupeux à souhait, qui met d'autant plus en avant le candide univers finalement énervant de Cutie Honey.

Dans la même lignée que l'effroyable série télévisuelle Pretty Guardian Sailor Moon, Anno assure un spectacle haut en couleurs en transcendant le manga originel par un apport personnel. Seuls rebutent le manque de budget et la candeur d'un produit essentiellement destinée à un public (féminin) adolescent, qui pénalisent grandement le résultat final.

A noter l'apparition furtive du créateur du mangaka him-self, le bien-nommé Go Nagai dans le rôle du conducteur de voiture sur laquelle retombe - fesses contre pare-brise - Cutie Honey.

 
Bastian Meiresonne