Titre
original:
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Réalisateur: IIDA Joji |
Année: 2003 |
Studio: Tohoi
Genre: Drame |
Avec:
TSUMABUKI Satoshii YAMADA Takayuki
FUJIKI Naohito KONDO Yoshimasa |
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Terre et Cendres
Adaptation du manga fleuve de
Minetaro MOCHIZUKI, Dragon Head s'ajoute à la longue liste des
retranscriptions de la petite case sur grand écran totalement
ratées et prouve une nouvelle fois qu'une grosse production ne rime pas
forcément avec réussite artistique. Privilégiant le
spectaculaire au détriment du fond, le réalisateur IIDA prive
l'uvre de l'essence même de sa géniale vision
crépusculaire.
Seuls survivants d'un
déraillement de train survenu dans un tunnel, Teru et Ako
découvrent que le Japon a été sujet à un terrible
cataclysme. Progressant difficilement à travers un pays
dévasté, ils tentent tant bien que mal de survivre et de trouver
d'autres survivants. Leur quête sans véritable but les fait
rencontrer moult personnages profondément traumatisés par le
chaos environnant et s'adoptant chacun à sa manière à leur
nouvelle (sur-)vie.
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Manga culte au Pays du Soleil
Levant, la vision apocalyptique de son créateur MOCHIZUKI n'est pourtant
pas des plus faciles ; sa première publication française a
d'ailleurs été un désastre en 1998, le public peu
affilié avec un sujet aussi austère et adulte à travers
les cases autrement plus sombres que les autres séries à
paraître à la même l'époque. Démarquage
à peine cachée du Seigneur des Mouches dans sa phase
d'introduction, la suite est une nouvelle lecture d'un scénario
catastrophe intimement lié aux traumatismes de son pays d'origine.
Vision apocalyptique, y sont esquissés autant les possibles
dévastations du Japon par des phénomènes naturels
(tremblements de terre, éruptions volcaniques, inondations,
), que
le post-traumatisme toujours d'actualité du largage des bombes atomiques
durant la Seconde Guerre Mondiale. La cause du chaos ambiant ne sera
révélée qu'en toute fin du manga (et du film) avec une
symbolique toute particulière pour les japonais difficilement
appréhensible pour un public occidental peu affilié aux croyances
et cultes de ce pays asiatique.
A travers la quête
hasardeuse des deux personnages principaux et de leurs rencontres avec des
figures emblématiques, MOCHIZUKI brossait une terrible vision à
peine décalée de l'actuelle société nippone. Les
adolescents sont décrits comme une jeunesse désuvrée
et sans but précis. Les forces autoritaires ont perdu tout pouvoir : les
soldats vont à l'encontre de leur fonction première, en pillant
et violant les survivants, plutôt que de leur porter secours ; le
policier n'est plus qu'un fantôme, menaçant de tuer les
héros. Tous les personnages sont en déroute et - privés
d'une force organisatrice et autoritaire - perdent jusqu'à leur propre
identité au milieu du chaos. D'autre part, MOCHIZUKI renvoie directement
aux traumatismes les plus marqués de la population japonaise. Le
cataclysme d'origine inconnue se réfère bien évidemment
aux scénarios catastrophe occasionnés par la violence des
éléments naturels régissant l'archipel. L'état
chaotique est également le reflet d'un Japon dans l'immédiate
après-guerre, où le désordre et la peur d'une nouvelle
attaque atomique accablaient une population en pleine déroute. Les
enfants errants avec des masques à gaz dans le manga originel renvoient
aux milliers de progénitures orphelins ou abandonnés et les
personnages aux cicatrices prononcées reflètent un peuple
(physiquement) marqué à jamais.
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L'histoire originelle est
extrêmement noire, austère et pessimiste et bien loin des
archétypes du genre, mettant en scène des figures
héroïques capables de (se) reconstruire en un temps record. Le
Dragon Head originel ne verra aucun des ses personnages principaux se
surpasser, prendre la tête d'un semblant d'organisation ou même de
clore son cycle sur une note optimiste quant au devenir de toute une nation.
L'adaptation du manga était donc un sacré défi pour
quiconque se frotterait à un tel matériau anti-conformiste dans
une production cinématographique actuellement si standardisée.
Bénéficiant d'un budget record lors de la mise en chantier du
projet, le réalisateur IIDA a certainement dû se restreindre
dès le départ à un bon nombre de contraintes
éthiques de la part de ses producteurs ; ce qui n'excuse en rien sa
personnelle retranscription totalement policée du sujet originel. Le
cinéaste a clairement privilégié la forme sur le fond.
Tourné en un Ouzbékistan aux paysages apocalyptiques et
grandioses décors véritablement impressionnants, le
scénario n'est qu'une vaine succession de scènes sans
véritable queue, ni tête. Quelques raccourcis narratifs sont
parfaitement incompréhensibles pour tous ceux non affiliés au
manga originel (le personnage de Nobu, la séparation de Teru et d'Ako),
les rencontres avec les autres survivants totalement vidées de leur sens
métaphorique premier ou du moins réduites à leur plus
stricte caricature inhérente aux films de blockbusters actuels (un
méchant est un méchant
). Pire, si MOCHIZUKI s'attachait
finalement à rendre ses scènes d'actions peu spectaculaires au
profit d'une terreur plus intériorisée, IIDA n'hésite pas
à commettre l'exact contraire : la scène de la folle course de
voiture à travers les boules de feu s'écrasant sur terre ou -
pire - la scène de l'hélicoptère sont directement
inspirées des derniers action movies américains sans grande
âme. En vue de la durée du film par rapport à la
complexité de l'uvre, de nombreux personnages et situations sont
ellipsés ou alors insuffisamment traités. La séparation de
Teru et d'Ako, notamment, constitue un élément important dans le
matériel d'origine, mais est réduit au stricte minimum sans enjeu
(et importance) dans son adaptation.
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SpoilerLa cause du
cataclysme est donc l'éruption du Mont Fuji - ou du moins de sa
réplique. Symbole de la beauté et d'inspiration philosophique, le
volcan est réputé pour abriter des Dieux sur ses pentes et de
cacher l'Elixir de la Vie en son for intérieur. Son réveil est
donc la métaphore d'une véritable fin du monde, ou du moins d'un
pays. Le film ne rend en rien justice à cette portée plein de
sens, mais ressemble à une simple éruption catastrophe
déjà aperçue dans des contre-types américains
récents de triste qualité. Fin Spoiler Autre
problème, de taille : le déséquilibre des
différentes parties du film. L'ouverture s'éternise sur une bonne
quarantaine de minute (sur une durée totale de près de deux
heures), au moins trop longue de moitié. Prologue réellement
important quant à la suite des événements, la lutte des
seuls survivants de l'accident du train ne rend également aucunement
justice à l'intelligence et la barbarie du manga originel. Grosse erreur
également sur le casting : les deux personnages principaux sont
insipides. Leur rôle n'était pas des plus évidents, la
faiblesse de leur caractère allant à l'opposé de ce que le
lecteur est en mesure d'attendre ; mais ce contre-pied radical ne se traduit
nullement dans le jeu effacé des comédiens principaux.
Enorme déception d'une
production à très gros budget, bénéficiant de
décors somptueux, mais ne rendant aucune justice au manga.
L'échec cuisant du film condamnera certainement d'autres projets
d'adaptations de grande envergure plus sombres et anti-conventionnelles que les
standards actuellement de mise. |