Titre
original:
Kokyu sopu
tekunikku 4 : Monzetsu higi |
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Réalisateur: ZEZE
Takahisa |
Année:
1994 |
Studio: Kokuei
Genre: Pinku-eiga |
Avec:
KURIHARA Saki ITOU Takeshi SHIMONO
Toshirou HADZUKI Hotaru |
dre |
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Destin tracé
Oeuvre issue de la première
moitié de la longue filmographie de Takahisa Zeze, Dream of
Garuda porte en son sein toutes les marques de son auteur. On y rencontre
déjà sa prédilection pour les environnements urbains
dépressifs qui font échos aux tourments existentiels de ses
protagonistes. En quelques plans fixes distants, Zeze circonscrit son univers
prolétaire à de lugubres cheminées industrielles, barres
HLM hors d'âges et ruelles crades. L'esthétique résolument
terne et la photographie en lumière naturelle brute contaminent tout le
récit tel un germe nocif se propageant inexorablement. De la même
manière que son camarade Toshiki Satou (qui se fend par ailleurs d'un
caméo), Zeze témoigne d'un séduisant sens de la
durée. Sachant étirer les scènes pour en faire ressortir
leurs substances, Zeze transcende ainsi des situations à priori banales
en les rehaussant de convaincants effets de montage qui brisent le cachet
statique de l'ensemble. L'ellipse est ici utilisée soit pour accentuer
les effets de répétitions (réminiscences de lieux ou de
situations) ou, plus étonnant, désamorcer la tension
érotique au beau milieu d'un ébat.
Si la dimension mythologique du
titre apparaît peu évidente et son emploi quelque peu
prétentieux, la présence implacable d'une force supérieure
et omnisciente est au centre du récit, une force qui accable
littéralement son personnage principal. Violeur récidiviste, il
finit enfin de purger sa peine pour se retrouver sans repère dans un
monde glacé. Sa rencontre et ébats sexuels avec une
prostituée constitue le catalyseur tragique de sa trajectoire
inéluctable. Trouvant refuge dans des soapland, ces hauts lieux
de la prostitution cachés sous des façades de salons de massages,
la relation qu'il entretient avec la prostituée revêt vite un
aspect plus profond et introspectif. Zeze adopte un point de vue distant sur ce
personnage ambigu, un homme paumé qui dissimule un violeur maladif
mi-prédateur mi-pénitent. On retrouve l'attrait du
réalisateur pour ces personnages en quête de renaissance voir
même ici de rédemption. Accablé par des pulsions
incontrôlables assimilées à une punition divine (pulsions
matérialisées par d'inquiétantes vues subjectives
superposants images réelles et bandes vidéos granuleuses de vols
d'oiseaux), cet homme n'aspire qu'au repos. Dès lors les
séquences de massage s'apparentent en quelques sortes à des
rituels purificateurs où le mal est chassé laissant enfin son
être apaisé. Zeze double ce personnage d'un pendant féminin
(asservi par un maquereau sans cur, le seul personnage 'normal' du film),
une femme qui comme un reflet lui renvoi en pleine face sa solitude et son
lourd passé. S'il apparaît que sa survivance quotidienne (dans une
misérable entreprise de récupération de ferrailles ou avec
une épouse de substitution) peut constituer un temps durant un palliatif
à sa dérive, sa trajectoire toute tracée entraînera
des incompréhensions tragiques qui précipiteront sa fin.
L'épilogue puissant et métaphorique se fait l'écho de
cette punition divine tout en accentuant le pathétique de sa situation.
Bel exemple de pinku-eiga
qui sacrifie ses impératifs érotiques pour dépeindre la
trajectoire torturée d'un homme, Dream of Garuda distille sous un
pessimisme assommant une plongée introspective viscérale
empreinte de violences physiques ou psychologiques. Un témoignage
intéressant sur un pan encore trop méconnu du cinéma
japonais contemporain. |
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