Titre
original:
Yasagure
anego den : soukatsu rinchi |
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Réalisateur: ISHII Teruo |
Année: 1973 |
Studio: Toei
Genre: Ninkyou-eiga |
Avec:
IKE Reiko BONTEN Taro UCHIDA
Ryohei ASHIKAWA Makoto |
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Retour gagnant
Suite directe du Sex and
Fury de Norifumi Suzuki, Female Yakuza Tale narre les nouvelles
aventures de la belle Inoshika Ocho. Plus qu'une simple itération dans
la série, ce nouvel opus marque le passage du témoin à
Teruo Ishii, le réalisateur extravagant de la Toei. Le film constitue un
bel exemple de la liberté créative qu'autorisait alors le studio
au plus fort de la vague psychédélique pinky violence. En
effet hormis le contexte historique et une tendance certaine à
l'inflation érotique, ces deux opus témoignent de deux approches
bien distinctes d'un même matériau de base. Là où
Suzuki offrait une relecture distanciée et irrévérencieuse
du genre, Teruo Ishii offre une variation moins froide et théorique en
la détournant selon ses canons personnels. Bien que situé au
début du XXème siècle, Ishii débarrasse son script
des éléments inhérents au genre du ninkyou eiga
à savoir héroïne romantique et ancrage profond dans les
traditions du milieu yakuza et ses immuables cérémonies et
rituels. On retrouve là la touche toute personnelle du
réalisateur qui offre une relecture beaucoup plus moderne du
récit se rapprochant à s'y méprendre de ses nombreux
polars noirs contemporains des années soixante. En effet, la trame, ses
situations, ses personnages sont de purs décalques tirés de ses
anciennes réalisations agrémentés des inévitables
excès érotiques et violents typiques de l'ère de fin de
règne du studio. Contrairement à Sex and Fury et son
script ambitieux traité par dessus la jambe, Ishii offre un canevas
simple et linéaire qui va à l'essentiel. Bien rythmé et
sans gros déséquilibre narratif, pourvu des personnages
caricaturaux mais mémorables, Ishii confirme son statut de solide
artisan capable de transcender un matériau ouvertement opportuniste et
commercial .
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En fait de ninkyou eiga,
Female Yakuza Tale diverge vite le film de détective typé
60's tels ses opus de la série Chitai avec qui l'uvre en
question entretient de troublantes similitudes. Au niveau des lieux tout
d'abord, l'héroïne se retrouve baladée dans un Tokyo
populaire avec ses ruelles étroites et encombrées, sa population
pauvre, braillarde et extravertie. On retrouve également ces ambiances
d'arrières cours, d'entrepôts et de zones portuaires chères
au réalisateur ainsi que les typiques figures de prostituées et
petites frappes fortes en gueule. Au niveau de la réalisation ensuite,
les caméras posées de Suzuki font place à d'efficaces
caméra portées à l'épaule qui restituent bien la
promiscuité et l'agitation de l'environnement urbain. La caméra
se perd dans les ruelles labyrinthiques en offrant un rythme alerte et ludique.
Ishii recours aussi à de convaincants jeux d'appareil-voyeur pour
illustrer l'ambiance de manigances et de secrets qui se trame. Caméras
cachées derrière des fenêtres entrouvertes offrant ainsi
des angles distordus lorsque les personnages s'épient ou se filent.
Utilisation de la caméra subjective lorsque Ocho s'attarde dans un
bordel en regardant dans le détail les ébats des clients, une
méthode efficace pour introduire les scènes érotiques sans
rupture de style. La photographie rehausse un beau et vibrant patchwork de
couleurs électriques et témoigne d'une attention quasi-maladive
portée à l'esthétisme des décors et
vêtements, véritable trademark du genre. Moins
maniéré et porté sur l'expérimentation visuelle que
Suzuki, Ishii ne se prive pourtant pas d'accentuer la tendance avec des plans
graphiques purement gratuits jouant avec les reflets, l'éclairage et les
teintes du décors. On remarquera aussi quelques travellings bien
exécutés et cadrages soignés qui font mentir sa
réputée réalisation brouillonne .
Le script somme toute banal
séduit par son extravagante et ses parti pris assumés. S'il
s'agit d'un énième histoire de trafiquants de drogues, Ishii en
profite pour introduire une dimension érotique omniprésente. En
effet, les trafiquants de drogues recrutent des femmes qui prêtent leur
entre-jambes afin de dissimuler la précieuse marchandise ! En
découlent des situations hénaurmes pas toujours très
finaude mais indéniablement drolatiques. Dans une veine moins sensuelle
que Suzuki, Ishii reste assez éloigné de ses perverses tortures
dont il s'est fait le chantre avec sa série Tokugawa quelques
années plus tôt même s'il ne rechigne pas devant quelques
ligotages bien exécutés ou des allusions coquines (les
godemichés disproportionnés qui traînent dans le repaire
des passeurs de trafiquants de drogue, ou encore ce long majeur d'un bandit
qu'Ocho renonce à trancher sous la pression de son épouse
suppliante...). La dimension humoristique bien présente et le traitement
ironique du récit insufflent une revigorante fraîcheur
irrévérencieuse à l'ensemble sans pour autant
dérégler l'ensemble. S'ajoute à cela un large casting
féminin mené par une Reiko Ike au délicieux accent lascif,
une simili Sasori déguisé en nonne, un détective et des
malfrats lubriques formant une microcosme aussi inattendu
qu'irrésistible.
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Ishii se repose avant tout sur un
canevas ludique bien troussé qui compense en partie l'absence de
dramaturgie et d'enjeu. Les inévitables scènes labellisées
'cultes' sont ici mémorables et bien intégrées au
scénario. La scène d'introduction, par exemple, qui fait
écho au combat nu du précédent opus ainsi qu'à
l'ouverture de son Blind Woman Curse, on retrouve là une force
graphique pleine de panache où Ocho se bat avec sabre et ombrelle sous
la pluie et ses filtres psychédéliques pour finir par se
retrouver nue sans pour autant stopper la joute. Autre scène
mémorable rappelant certains moments d'Orgies of Edo ou Horror
of a Malformed man, une étrange disgression surréaliste dans
un asile-fantôme perdu dans le brouillard où une patiente
infortunée se fait torturer à l'électricité. Ses
tortionnaires dérangés et engoncés dans de curieux
accoutrements clownesques exécutent de théâtrales danses
mécaniques en couvrant les cris de la suppliciée par un
phonographe et sa comptine mélancolique offrant un beau contraste du
rapport son/image. Enfin l'inévitable affrontement final qui vient
rappeler in extremis l'ancrage du film dans le genre du ninkyou,
Ocho et sa bande de femmes énervées prenant l'assaut du
repère des malfrats, une étrange back-room surréaliste
enveloppée par l'obscurité et des paravents pourpres avec en son
centre un curieux jacuzzi verdâtre où flottent des cadavres en
plastiques. Inspiration évidente du combat du pavillon bleu de Kill
Bil Vol.1, un Ishii jubilé se répand dans les poses cultes et
bravades. Après les présentations de mise, Ocho et sa bande s'en
vont nues pourfendre l'ennemi dans une mémorable et brouillonne
mêlée générale.
Enfin, et au risque de se
répéter, le score de Sou Tsuguki constitue une des plus belles
réussites du genre. A l'instar des blaxploitations, les bande
sons pinky violence (ainsi que leurs homologues made in Nikkatsu) sont
l'écho représentatif d'une bouillonnante et talentueuse
scène groove japonaise 70's encore trop méconnue en Occident.
Beaucoup plus présent que dans Sex and Fury, le brassage
classieux et expérimental de sonorités hétéroclites
tire constamment le film vers le haut : groove jazzy entêtant appuyant
l'action, sonorités suspendues accentuant les moments de suspense lors
des traques dans la ville et aussi nappes mélancoliques plus classiques
dans les moments dramatiques. Curieuse manie aussi de faire à tout prix
chanter le thème principal par l'actrice, même si celle ci n'est
ici manifestement pas douée pour l'exercice.
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Recyclage 70's de ses polars
d'antan, Teruo Ishii ajoute encore une variation à son arc après
le ninkyou classique Gendai ninkyoushi et le surprenant
ninkyou matiné de fantastique Blind Woman Curse. Rythme
alerte, réalisation solide et inspirée, l'ironie palpable
compense un script efficace mais sans implication. Au final et par leur large
spectre de variations, les aventures méconnues d'Inoshika Ocho sous la
houlette de Suzuki et Ishii représentent par leurs qualités et
défauts l'essence même d'un certain cinéma populaire et
irrévérencieux perdu à jamais. |