Titre
original:
Nobi |
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Réalisateur: Ichikawa Kon |
Année: 1959 |
Studio: Daiei
Genre: Guerre |
Avec:
CURTIS Mickey FUNAKOSHI Eiji
HAMAMURA Jun
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Cannibal Holocaust
Adaptant le roman anti-guerrier
par excellence de Shohei Ooka, Kon Ichikawa prolonge de manière radicale
sa réflexion sur les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale entreprise
dans son précédent La Harpe de Birmanie .
Les forces japonaises en
déroute vers la fin de la Seconde Guerre Mondiale sur les îles
philippines, Tamura est un soldat à la dérive. Atteint de
tuberculose, il est rejeté par son unité pour cause d'inaptitude
à pouvoir combattre efficacement, mais ne peut intégrer
l'hôpital militaire faute de place et de provisions suffisantes. Fuyant
les avancées américaines, il parcourt les paysages
dévastés par la guerre et la jungle à la recherche de
quelque nourriture. Intrigué par d'étranges feux dans les
plaines, il cherche à avertir ses compatriotes
mobilisés.
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Une nouvelle fois, Kon Ichikawa
adapte, en collaboration avec sa femme Natto Wada, un roman traitant de la
Seconde Guerre Mondiale. Le roman originel a été écrit par
Shohei Ooka, un passionné de la littérature française - et
plus particulièrement des romans anti-guerriers de Stendhal - fait
prisonnier sur les îles philippines par les américains durant la
Seconde Guerre Mondiale. Publiant tout d'abord des mémoires
basées sur son incarcération, il n'aura de cesse de
dénoncer les affres et horreurs d'une Guerre. Le présent ouvrage
repose autant sur des souvenirs personnels, que des faits véridiques
rapportés d'actes de cannibalisme de soldats mourant de faim. Le roman
Feux dans la plaine< se devait d'être une bonne source
d'inspiration pour le réalisateur Kon Ishikawa. Lui-même un ancien
prisonnier et fortement marqué par l'épisode douloureux de
l'implication de son pays d'origine dans le conflit mondial, Ishikawa avait
déjà exorcisé une partie de ses souvenirs dans La Harpe
de Birmanie ; mais si la précédente uvre incluait
encore quelque note d'optimisme - malgré ses durs passages montrant
toute l'étendue des horreurs de la Guerre - Feux dans la Plaine en
serait une relecture désespérée et nihiliste poussant sa
représentation dans ses derniers retranchements.
A commencer par la
solidarité des soldats malgré leur difficile condition. La
Harpe de Birmanie dépeignait une forte entité d'hommes, qui
surmontaient leurs peurs en se serrant les coudes, qui n'auront de cesse
à retrouver leur ami supposé perdu et qui trouveront même
un terrain d'entente avec l'ennemi américain tant craint par leurs
chants. Feux dans la plaine prend une direction parfaitement
opposée et ce dès le début du film : Tamura est
giflé par son supérieur, parce qu'il a osé revenir de
l'hôpital duquel il est sans cesse renvoyé sans ménage.
Tout au long du film règne un perpétuel climat de méfiance
à l'égard de ses congénères, qui n'ont de cesse de
sauver leur propre peau au détriment même de la vie de leurs
compatriotes. Tamura daigne certes à partager ses maigres rations
trouvées en route, mais ce n'est que pour ne pas éveiller
d'agressivité à son égard. Autre différence notable
: la représentation de l'ennemi local et venu d'ailleurs. Si dans La
Harpe de Birmanie, les habitants de l'île offraient encore
hospitalité à leurs envahisseurs, marchandaient avec les soldats
et venaient écouter les prisonniers de guerre chanter, ils seront cette
fois hostiles aux japonais. Une première fois en feignant offrir
l'hospitalité, puis lors de la finale désespérément
noire. Quant aux américains, ils sont craints par les rumeurs et
n'apparaissent qu'à travers leurs attaques meurtrières.
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Semblable à la
réflexion de Kobayashi dans sa trilogie de La Condition de
l'homme, Ichikawa s'intéresse avant tout à l'individu seul et
au comportement de l'homme dans les situations extrêmes. L'entier film se
concentre sur Tamura. Livré seul à lui-même en parcourant
l'île ou face à ses compatriotes suspects, son inévitable
déchéance physique et mentale est le paraît reflet de
l'emprise de sa raison s'effritant petit à petit. Poussés
à l'extrême, les autres soldats n'hésiteront pas à
tirer le moindre profit de n'importe quelle situation pour survivre. Vols (la
grenade ; les bottes et rations des tués), menaces de mort,
manipulations, plus aucune confiance n'est possible en son prochain. Tel
qu'illustré dans le troisième volet de La Condition de
L'Homme, les soldats japonais régressent petit à petit
à l'état sauvage jusqu'à s'entretuer pour pouvoir se
nourrir du cadavre de leur prochain.
Ichikawa réalise des
images extrêmement fortes et perturbantes, allant bien au-delà des
horreurs déjà illustrées précédemment dans
La Harpe de Birmanie et de ses cadavres décomposés qui
jonchaient le sol. Les soldats ressemblent au fur et à mesure à
de véritables morts-vivants, parcourant les plaines d'un pas chancelant
et déséquilibré. Le plan du visage barbouillé de
sang du soldat dévorant le cadavre de son ancien comparse
fraîchement abattu semble tout droit sorti d'un film de zombies et il
sera d'ailleurs abattu d'une balle dans la tête. Ishikawa se
réfère même à La Harpe de Birmanie en
réintégrant un plan d'une foultitude de cadavres jonchant le sol
après l'attaque des américains. Enfin, le plan du soldat mangeant
de la terre boueuse - ressemblant étrangement à des
excréments - restera également longtemps gravé de tout
spectateur.
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La puissance visuelle est d'autant
plus renforcée par la judicieuse mise en scène d'Ishikawa.
Utilisant de larges plans pour isoler ses protagonistes dans le cadre et de
montrer l'étendue paysage dévasté, ses rares inserts sur
les visages de plus en plus ravagés des soldats affamés sont
d'autant plus choquants. A noter, que le réalisateur privait
volontairement ses acteurs de repas suffisants et de toute hygiène pour
renforcer le caractère réaliste de l'uvre ; une
équipe d'infirmières encadrait constamment l'équipe en cas
de malaise des acteurs. La déchéance physique des personnages
résonne avec les paysages dévastés de l'île par la
guerre. De multiples références bibliques (la chair humaine
rappelant le corps du Christ ; la croix scintillante guidant les pas de Tamura
vers son destin) parsèment le métrage et rappellent que la Guerre
n'est que la seule uvre des hommes et non pas de Dieu.
Véritable
film coup de poing, ''Feux dans la plaine'' est l'une des plus
belles ( ?) dénonciations des horreurs de la Guerre, un
film dont la vision marque à tout jamais la mémoire
du spectateur. |