.Focus
 
Titre original:
-
   
Réalisateur:
ISAKA Satoshi
Année:
1996
Studio:
Ace Pictures
Genre:
Drame DV
Avec:
ASANO Tadanobu
UNNO Keiko
HIRAI Akira
SANO Tetsuo
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L'œil public 

Avant The Frame, le réalisateur Satoshi Isaka s'est déjà intéressé aux méfaits d'une presse opportuniste et racoleuse, prête à tout pour dégotter un scoop.

Une équipe de télévision suit le quotidien de Kanemura. Banal et sans histoires, le jeune homme timide et renfermé ne vit que pour sa passion des écoutes de fréquences radios, épiant policiers ou pompiers et les conversations téléphoniques de ses voisins. Captant un mystérieux coup de fil passé entre yakuzas leur indiquant la cachette d'un pistolet, le réalisateur décide d'aller récupérer l'arme dans le casier d'une gare. Son acte aura de fatales séquences au sein de la petite équipe.

Surfant sur la vague des dénonciations d'une presse manipulatrice des images amorcées par différents scandales du monde télévisuel et par des films tels que Natural Born Killers et C'est arrivé près de chez vous, Isaka réalise un premier film au budget réduit. Précédant de quelques années la mode des métrages tournés sans grands moyens à l'aide d'une caméra DV, Focus se présente comme la version non éditée du reportage télé. L'entière histoire est montrée à travers la caméra du cadreur toujours invisible et inclut les mises en place des plans à tourner, les recommandations du pitoyable présentateur et même les prises ratées. Le procédé ellipse donc tout naturellement tous les moments prenant place entre les différentes prises de vue et ne montre que le fil conducteur naturel du reportage. Heureusement, l'équipe réduite de télé (un présentateur-réalisateur, le cadreur et une assistante preneuse de son) se débrouille comme des amateurs et enregistre tout et n'importe quoi. Trop long et usant à la longue, l'intrigue peine à décoller dans une première demi-heure servant à introduire les personnages et notamment celui du protagoniste principal. Réellement sans grand intérêt et fâcheusement rigide dès que la caméra tourne, sa métamorphose n'en est que plus impressionnante lors du rebondissement final. Trouvaille scénaristique, qui éveille finalement quelque peu l'attention d'un spectateur passablement endormi pendant la première partie du film, même si elle ne paraît pas totalement justifiée : quel scoop le présentateur espère-t-il tenir en allant simplement récupérer le pistolet, plutôt que d'en savoir un peu plus sur les mystérieux intervenants entendus par téléphone ?

Les intentions d'Isaka deviennent par la même très claires. La première partie dénonce la mise en scène d'un reportage dit - par défaut - réaliste, alors que le présentateur préfère retourner certaines prises pour obtenir des images plus intéressantes ou à mener son personnage principal à faire dire, ce qu'il veut bien entendre. La seconde partie dénonce le voyeurisme d'une telle mise en scène en accusant frontalement le spectateur. A la base, le reportage signifie déjà une intrusion par défaut dans la vie privée de son sujet pour satisfaire la curiosité naturelle de son public. Sachant le spectateur d'avantage friand de tout parfum de scandale, le présentateur ira de plus en plus loin dans sa recherche du spectaculaire, jusqu'à ce que sa manipulation se retourne finalement contre lui-même. Et à son public d'être aux premières loges de sa propre violation de sa plus profonde intimité. Mûre réflexion d'un système véritablement perverti et allant crescendo par le biais du développement de la télé-réalité sur nos petits écrans depuis quelques années, Isaka ne réussit pourtant pas tout à fait par atteindre ses ambitions. La faute à une première partie bien trop longue - malgré la courte durée totale du métrage d'à peine plus d'une heure - et une seconde partie un brin trop expéditive. Bien évidemment, le personnage principal est poussé à bout, mais sa réaction excessive n'est pas entièrement crédible et sent plutôt la surenchère d'idées d'Isaka pour profondément choquer son public. A titre de comparaison, la fin de C'est arrivé près de chez vous était autrement plus réussie dans le même type de dénouement. Reste l'extraordinaire performance de Tadanobu Asano, qui fait instantanément oublier son charisme et son prestige pour se glisser dans le rôle du jeune et replié Kanemura.
 
Bastian Meiresonne