.Ghost Actress
 
Titre original:
Joyu-Rei
   
Réalisateur:
NAKATA Hideo
Année:
1996
Studio:
Bandai Visual
Genre:
Kaidan-eiga
Avec:
YANAGI Yurei
SHIROSHIMA Yasuyo
ISHIBASHI Kei
OSUGI Ren
 dre
Somebody up there doesn't like me

Premier long métrage cinématographique réalisé par NAKATA Hideo et déjà co-écrit avec TAKAHASHI Hiroshi , Ghost Actress (akaDon't Look Up) contient tous les prémices de leur future collaboration sur la série des Ring. Petit film de fantômes d'honnête facture, il est surtout intéressant de suivre leurs premiers pas avant leur renommé mondiale.

Jeune réalisateur, Murai est étonné de trouver sur les rushes de sa dernière production en cours de tournage d'étranges scènes d'un film tourné au début des années '70s. Remuant de désagréables souvenirs d'enfance, le cinéaste tente d'en connaître davantage et enquête également sur l'étrange silhouette d'une petite fille (aux longs cheveux noirs) se tenant en arrière-plan des mystérieuses images.

Afin de pouvoir financer la finition de son documentaire sur Joseph Losey, réalisé durant son séjour en Angleterre trois ans plus tôt, NAKATA accepte la proposition du jeune producteur SENTO Takenori de réaliser un film d'horreur. Fort de son expérience dans le genre par la réalisation de trois docu-fictions pour la télévision, NAKATA retrouve d'ailleurs son comparse scénariste TAKAHASI Hiroshi pour co-écrire le scénario de ce métrage conçu pour les séances de minuit des grandes villes japonaises. Le film résultant n'est pas très bon et ne rencontre d'ailleurs aucun succès à sa sortie : moins de mille spectateurs durant ses six semaines d'exploitation dans les salles obscures ; en revanche, il regorge d'anecdotes personnelles des deux hommes et contient tous les ingrédients leur assurant l'immense succès de leur futur Ring. Platement mis en scène, le principal défaut du présent film est le scénario sans grand intérêt. Si le point de départ est intriguant - des images d'une autre production hantent les rushes du film tourné au présent - l'histoire au final n'est que très peu développée. Le plus gros du métrage est accordé aux conditions du tournage ; certes sympathique et donnant un relatif aperçu de l'envers du décor de la conception d'un film, aucun parallèle éventuel n'est établi avec l'intrigue principale. L'histoire de fantômes se fait donc cruellement attendre et ne trouve - du coup - pas d'aboutissement satisfaisant dans sa maigre résolution finale. Si NAKATA sait déjà créer une certaine tension et un malaise palpable, il est pourtant loin de ses prouesses visuelles de ses principales œuvres à venir. Quelques décadrages et plans sur des visages inquiets créent certes l'angoisse, mais ce n'est finalement que grâce à sa future fructueuse collaboration avec le compositeur KAWAI Kenji qu'il sait insuffler toute la dramaturgie nécessaire pour faire bondir les spectateurs hors de leur siège. Une autre erreur de jeunesse commise - et leçon retenue d'après le propre aveu du réalisateur - est le fait de montrer bien trop tôt le fantôme. Moins un cinéaste en montre, plus l'imagination du spectateur travaille ; les éparses apparitions plus ou moins cachées de la future Sadako seront là pour témoigner de l'exemple. Enfin, si le final est un exemple de la scénographie du film d'angoisse à retenir, le film laisse pourtant trop de questions soulevées en suspens et se termine de manière trop abrupte. L'épilogue de l'actrice principale fouillant l'appartement du réalisateur est d'ailleurs totalement inutile et le plan final ne sert que d'hommage de NAKATA à sa propre personne, se moquant - telle la gamine - du tour de force joué au spectateur ; clin d'œil tombant quelque peu à plat en vue du résultat d'ensemble.

Au-delà de ses erreurs de jeunesse, l'entreprise regorge pourtant d'honorables intentions de la part de ses auteurs. Le long portrait des conditions d'un tournage n'est ni plus, ni moins un hommage à leur métier. NAKATA a envie de rendre compte des difficultés de son métier et choisit de dépeindre les différentes étapes de l'élaboration d'un tournage. Des préparatifs de la mise en scène représentés dès l'introduction par des poupées malléables dans une maquette du décor reconstruite ; en passant par le nombre impressionnant de collaborateurs nécessaires sur un tournage jusqu'à l'anxieux visionnage des rushes et les pourparlers avec les exécutifs du studio décidant du sort final du film, NAKATA n'oublie de citer personne dans son rapide portrait. Aujourd'hui réalisateur émérite, dès ses débuts il n'a oublié de rendre hommage aux gens et au métier qui ont fait de lui ce qu'il est aujourd'hui - comme en témoigne également son futur documentaire de celui qui lui aura tout appris, KONUMA Masaru.

Premiers pas tâtonnants, réalisateur et scénariste esquissent pourtant déjà leurs futures préoccupations. Si l'eau n'apparaît qu'au détour d'une courte séquence, elle est une nouvelle fois annonciatrice de mort de par le (faux) cadavre y flottant. Si aucune relation familiale n'est développée, le "Mère" chuchotée par la jeune actrice à l'intention de sa collègue intrigue au moins autant le spectateur que les protagonistes du film. Aucun réel raisonnement ne sera jamais donné, mais aura donné à l'héroïne la force nécessaire de donner le meilleur (jeu d'acteur) d'elle-même. D'une réalisation plutôt classique, généralement en larges plans fixes, mettant les protagonistes principaux au centre du cadre, quelques décadrages et plans rapprochés servent parfaitement l'instauration d'un climat plus angoissant. D'autre part, NAKATA use de quelques trouvailles plus parlantes : un plan rapproché sur l'objectif de la caméra lance le début du tournage du "film dans le film" ; il remettra un plan similaire juste avant le premier meurtre, comme pour signifier le point de départ d'un autre film (au bout de quarante minutes) - celui de son histoire de fantômes. Le générique du début apparaît au moment où l'équipe effectue une prise des deux actrices devant regarder anxieusement le plafond. Là, dans la pénombre du colombage, semble se tapir une présence inconnue et menaçante. Apparaît alors le titre : Don't Look Up ! (Ne regarde pas en haut / Ne lève pas la tête). Au titre du film répond également la recommandation agacée de Murai envers la jeune actrice de ne pas regarder vers le bas - après avoir obéi, il ne lui reste plus très longtemps à vivre. Un plan en apparence très simple semble pourtant regorger d'une bonne double lecture : lors du tournage en extérieurs et à la campagne, un plan sur le réalisateur - à l'écart de l'équipe - dévoile des imposants gratte-cieux en arrière-plan : d'une Nature vierge de l'immédiate après-guerre, le plan passe à la proximité toute proche d'immeubles modernes. Tout ceci n'est en fin de compte que du cinéma.

Les premiers pas du tandem NAKATA / TAKAHASHI ne sont certes pas concluants, mais augurent de leurs futures prouesses à venir. Si le fantastique n'est pas particulièrement réussi, la volonté de transcender un matériau apparemment opportuniste pour en faire quelque chose de plus personnel est plutôt salutaire et se ressent à l'écran. Si l'intrigue s'étire en longueur, l'ensemble se laisse suivre sans grand déplaisir. Le court final est saisissant, mais noyé par un épilogue inutile et quantité de questions laissées sans réponse. Un must see pour tout fan du futur réalisateur de la série des Ring ; dispensable pour les spectateurs en quête de sensations fortes.

 
Bastian Meiresonne