.Ghost Cat of Otama Pond
 
Titre original:
Kaibyo Otamage-Ike
   
Réalisateur:
ISHIKAWA Yoshihiro
Année:
1960
Studio:
ShinToho
Genre:
Kaidan Eiga
Avec:
Date Shozaburo
Kitazawa Noriko
Numata Yoichi
Satsuki Fujie
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Train fantôme 

Profitant de la vague des kaidan eiga (films de fantômes) produits dans les années '50s, Yoshihiro Ishikawa tourne une version re-adaptée de son scénario Borei kaibyo yashiki (The Mansion of the Ghost Cat), réalisé par Nobuo Nagawa deux ans plus tôt. En résulte un plaisant film d'horreur valant surtout pour ses qualités plastiques.

Un couple est perdu dans les montagnes. Trouvant refuge dans une maison abandonnée, la femme est prise d'hallucinations fiévreuses. Cherchant de l'aide, son mari rencontre un mystérieux prêtre, qui rapproche les visions cauchemardesques d'une malédiction ayant frappé la région cent ans plus tôt : Suite à l'assassinat d'une famille, un chat hante les environs pour se réincarner en méchante sorcière et de se venger des bourreaux de ses maîtres.

Le folklore japonais est riche en histoires de fantômes. De nombreux contes et légendes transmis à travers les générations ont créé maintes créatures spécifiques au Pays du Soleil Levant. Le chat tient une place toute particulière dans la mythologie et notamment du temps du Japon féodal. Importé par un riche marchand de la Chine au XIIe siècle, le chat était dit diabolique, mesquin, déchirant les minces murs de maisons en papier et se faisant ses griffes sur tous supports de bois. Le bruit courait, que le serpent et le chat avaient été les deux seuls animaux à ne pas avoir pleuré la mort de Bouddha, le félin ayant même chassé le rat, parti chercher de la médecine pour le religieux souffrant. La superstition voulait, que les queues des félins se devaient d'être coupés, sinon l'animal deviendrait un nekomata (chat gobelin). Les gens pensaient également qu'en vieillissant, le chat se transformait en obake-neko (fantôme) et saurait contrôler les esprits malveillants. L'immédiate après-guerre était une nouvelle fois propice à l'éclosion d'un nouveau genre : les kaidan eiga (films de fantômes). Les âmes sont dits de pouvoir reposer en paix, que lorsque les morts ont été humblement enterrés et leurs fautes expiées. Le traumatisme occasionné par la Seconde Guerre Mondiale, les milliers de morts ou de disparus et la nation meurtrie elle-même servait donc de parfaite métaphore aux histoires de fantômes. Contes, légendes et pièces de kabuki étaient recyclés à tour de bras par bon nombre de réalisateurs et leur assuraient une forte popularité parmi un public friand du genre. Les studios de la Shintoho avaient été les premiers à lancer la mode, mai suite à leur faillite au début des années '60s, d'autres studios comme la Daiei, la Toho et la Toei leur enjoignaient le pas.

Ishikawa a su profiter de l'émulation des films du genre pour réaliser lui-même quelques rares métrages. Il reprend le scénario - auquel il avait participé deux ans plus tôt - de The Mansion of the Ghost Cat, qui raconte l'histoire d'une servante aux prises avec un chat possédé voulant se venger de l'assassinat de ses maîtres. L'intrigue de Ghost Cat of Otama Pond s'attache davantage à décrire les faits passés. Se passant au présent, un jeune couple perdu dans la campagne rencontre un mystérieux prêtre, qui leur raconte les origines de la malédiction. Visiblement fort inspiré du gothique des productions britanniques des studios de la Hammer, Ishikawa mise surtout sur une ambiance particulière et une esthétique soignée. Si le début présentant le couple en train de vaguer dans un paysage marécageux désolé est laborieux, il n'en reste pas moins une intelligente mise en place d'une atmosphère inquiétante et menaçante. La première hallucination de la jeune femme est réalisée de manière très efficace et n'a rien à envier à la renaissance actuelle du genre, rapide travelling avant sur la sorcière inclus. Une fois l'ambiance instaurée, Ishikawa passe la vitesse supérieure en ponctuant une intrigue autrement classique de nombreux effets chocs d'apparitions fantômesques et cadavériques jusqu'à aboutir à une finale surfaite, où la véritable charge visuelle perd malheureusement son spectateur décontenancé en route. Si les effets spéciaux ne sont pas toujours à la hauteur, le minutieux travail sur l'éclairage compense les faiblesses dues à leur époque et à un budget réduit. Apparitions monstrueuses plongées dans une teinte verdâtre, le pont évoqué dans le titre et le marécage sont d'un rouge écarlate en référence au sang des nombreux victimes. De véritables morceaux de bravoure que ne devrait pas renier le réalisateur italien Dario Argento. Enfin, l'envoûtant score composé par Watanabe Chumei sert parfaitement l'inquiétante atmosphère.

Certes pas un classique de son genre par une histoire peu originale, une direction d'acteurs et une mise en scène approximatives et certaines séquences hilarantes de nullité, le film se place pourtant loin au-dessus de bon nombre d'œuvres opportunistes du même acabit et reste plus que jamais d'actualité devant la renaissance d'un genre… finalement pas si novateur.
 
Bastian Meiresonne