.Give it all
 
Titre original:
Ganbatte ikimasshoi
   
Réalisateur:
ISOMURA Itsumichi
Année:
1998
Studio:
Pony Canyon
Genre:
Comédie dramatique
Avec:
TANAKA Rena
SHIMIZU Mami
WAKANA Aoi
MANO Kirina
dre
Souvenirs de jeunesse 

Adapté du roman de Yoshiko SHIKIMURA, Give it all est réalisé par Itsumichi ISOMURA, plus connu pour ses films érotiques tournés dans les années '80s ou en tant que producteur de la société Altamira Pictures (Shall we dansu, Water Boys), crée en collaboration de Masayuki Suo.

Etsuko est une jeune fille traversant la difficile phase de l'adolescence. Fraîchement intégrée au lycée, elle décide de braver la tradition et d'y former une équipe féminine d'aviron. Après un premier échec cuisant à la course inter-lycéenne de fin d'année, les cinq filles décident de s'entraîner d'avantage pour remporter la victoire l'année suivante. Assistée par une mystérieuse coach peu bavarde sur son passé de championne d'aviron, elles font d'étonnants progrès ; mais Etsuko tombe malade et se blesse le dos, la privant de sa seule raison de vivre : participer à la prochaine course…

Distribué dans un seul cinéma indépendant, le film ne doit son grand succès populaire que grâce au favorable bouche-à-oreille de son public lui assurant finalement une large distribution nationale et de nombreuses récompenses à divers festivals. Etabli sur la même formule éprouvé que Water Boys ou Swing Girls réalisés depuis, un large casting national a assuré la distribution des rôles à des inconnues n'ayant jamais pratiqué l'aviron auparavant. Deux mois d'entraînement intensif ont été nécessaires pour assurer un semblant de crédibilité quant à la progression des personnages dans le film. Certes moins voyant que lors des finales de deux autres œuvres citées ci-dessus, le résultat est pourtant tout aussi probant à l'écran pour celui qui se serait déjà essayé à ce sport particulièrement difficile à maîtriser.

Construit en apparence sur l'éternel même schéma classique des jeunes prêtes à en découdre pour se dépasser et remporter victoire sur victoire dans un sport qu'elles n'avaient jamais pratiqué auparavant, Give it all se distingue pourtant de nombreux autres films du même genre. A commencer par la période à laquelle se situe le film : 1976 était charnier pour le Japon. De longues années de manifestations étudiantes avaient engendré une jeunesse en déperdition et sans motivation, surnommée L'Age des Trois Rien : ne RIEN donner, ne se préoccuper de RIEN, n'être ému par RIEN ; cette attitude trouve une étrange résonance à notre époque et n'a visiblement laissé insensible un jeune public en mal d'identification s'étant déplacé en masse lors de la sortie du film. La volonté des filles de se dépasser est donc d'autant plus lourd de signification et de mérite. Le subtil pré-générique fait justement la sensible transition entre l' époque actuelle et le passé en montrant des hommes inspecter l'ancien hangar à bateaux où se passe la majorité du métrage à venir. Leur visite en vue d'un éventuel rachat symbolise bien évidemment l'actuelle vague de destruction d'une bonne partie du patrimoine au profit du seul business, mais également la perte de mémoire du passé. La photo toujours accrochée au mur évoque un lieu chargé de souvenirs, même si l'histoire anecdotique des filles ne revêt finalement de l'importance que pour elles-mêmes.

En cela réside la principale force du film : contrairement à d'autres films du même genre, l'équipe d'aviron n'ira pas très loin et n'acquiert aucune futile renommée nationale. Comme dans le superbe Ping Pong, la victoire n'a que peu d'importance, mais comptent les choses acquises personnellement. Portrait intimiste, ISOMURA ne s'attache qu'au seul personnage d'Etsuko, évitant par la même de tomber dans le cliché éculé d'une équipe composée de stéréotypes caricaturaux. L'objectif principal de remporter la course inter-lycéenne devient secondaire et passe au premier plan la sensible description d'une jeune adolescente en passe de devenir adulte. Perdue, elle souffre de la relative indifférence de ses parents au détriment de sa sœur aînée, qui vient de réussir l'examen d'entrée à l'université et ils travaillent d'arrache-pied dans une blanchisserie pour assurer la bonne survie de leur famille. L'histoire parallèle inaboutie de ses amours éplorés pour Boo ne constitue pas un épisode à part, mais fait partie de la description de sa difficile adolescence. La constitution d'une équipe d'aviron et la compétition sont donc autant de raisons de vivre pour Etsuko, se donnant un but personnel dans sa vie. Sa désaffectation suite à ses problèmes de santé et de dos sont donc autant d'échecs vécues comme une injustice, qu'elle se devra de surmonter, tels les nombreux tracas qu'elle devra endurer dans sa vie à venir. Le personnage de l'entraîneuse sonne donc comme un double plus âgée de la jeune fille : trimballant un lourd secret, qu'elle ne veut dévoiler, la coach semble une copie confirme d'Etsuko, qui aurait grandi trop vite sans réussir à se débarrasser de son spleen. L'avenir à toutes deux sera incertain après le générique final, au spectateur de s'imaginer la suite.

Give it all est donc moins un produit standardisé du genre, qu'une véritable étude du difficile passage de l'adolescence à l'âge adulte d'une jeune femme. Négligeant peut-être quelque peu les personnages secondaires et manquant du talent d'un réel auteur pour donner suffisamment de consistance à son personnage principal, ISOMURA réalise pourtant un portrait attachant et passionnant récompensé à juste titre par un succès public et critique. A voir en se posant la question : où serons nous dans dix, vingt ou trente ans, qu'aurons nous fait et retenu de notre jeunesse ?
 
Bastian Meiresonne