.Glamorous Life of Sachiko Hanai
 
Titre original:
Hatsujou Kateikyoushi - Sensei no Aijuu
   
Réalisateur:
MEIKE Mitsuru
Année:
2003
Studio:
Kokuei
Genre:
Pinku-eiga
Avec:
KURODA Emi
HAYAMI Kyoko
ITO Takeshi
HOTARU Yukijiro
dre
Trois idées rigolotes ...

S’il n’y a qu’à se baisser pour trouver des pinku incontournables tournés dans les années 70, les choses deviennent immédiatement plus épiques dès que nous nous éloignons de cet âge d’or. Arte semble pourtant avoir déniché un échantillon récent (2003) digne d’être diffusé sur ces ondes. Car oui, la chaîne franco-allemande a décidé de diffuser il y a déjà plusieurs semaines un authentique pinku. Même pas un classique, aucune caution culturelle, la simple et courageuse volonté de montrer un échantillon du cinéma érotique japonais contemporain, avec un seul nom à mettre en avant, le scénariste Takao Nakano, connu en France pour ses potacheries inoffensives (la série des Exorsister, diffusée chez nous en vidéo il y a une dizaine d’années). Un petit artisan, dont les interviews révèlent une saine modestie et un authentique amour pour son métier.

Même au sein d’un cycle autoproclamé trash, le choix de programmation avait de quoi interpeller, il fallait obligatoirement en rendre compte. Le film s’ouvre donc assez pragmatiquement par une scène de sexe comme toujours 100% simulée osant nous refaire le coup du cours très particulier, avec prof allumeuse et élève en rut. La caméra est portée à l’épaule, le décor exigu, la photo au mieux approximative, la comédienne raisonnablement mignonne (encore heureux), tout respire le bricolage pas forcément antipathique. Suite à l’acmé fonctionnelle et guère élégante de « l’élève », nous comprenons que tout cela n’était qu’un jeu de rôle et que l’enseignante est une prostituée vaguement pimbêche, Sachiko Hanai. L’amorce du deuxième acte est presque prometteuse : suite à une fusillade filmée à la sauvette dans ce qui doit être le restaurant du beau-frère de la maquilleuse, Sachiko Hanai se prend une balle dans la tête, survit (!!) et entre surtout en possession d’un mystérieux cylindre métallique convoité par un tueur à gages déterminé. A ce stade du récit nous avons déjà compris l’extrême modestie du projet, entre jeu d’acteur fonctionnel et mise en scène lourdement handicapée par le budget de l’affaire. Pour tenir la distance l’équipe ne peut que compenser sur le ton. Comment s’y prendre ? Délire cartoonesque ? Erotisme extravagant ? Brûlot dénonciateur ?

Ce sera finalement un certains sens de l’absurde à froid : transformée en génie par sa blessure, Sachiko Hanai se met à réciter du Schopenhauer en plein ébat, emballe un professeur de philosophie bedonnant et connaît des orgasmes à retardement. Le point maximum du film est atteint à mi-chemin quand le McGuffin convoité par tous s’avère être… le doigt cloné de George W. Bush (dont l’ongle est verni aux couleurs du drapeau US !), doté d’une volonté propre et bien décidé à aller farfouiller dans la culotte de l’héroïne. « Waouh, trop délire ! Quand les japonais veulent faire un film de cul original, ils y vont pas de main morte ! ». Sauf que trois idées rigolotes ne font pas un film, surtout quand il reste encore 45 minutes à meubler avec un récit qui prend l’eau de toute part, des scènes de sexe devenues totalement mécaniques et un anti-américanisme vain et puéril. Racontant en 90 minutes ce qui aurait pu tenir en 70, le film s’autodétruit à ses deux tiers lors d’une scène de viol sordide en porte à faux complet avec l’humeur globalement joyeuse du reste du métrage. Exigence de la production ? Tentative désespérée pour réanimer la narration? La gratuité absolue de la scène laisse supposer un remontage sauvage (il existerait une version courte, selon toute logique bien supérieure), qui n’aurait de toute façon pas sauvé un troisième acte dénué du moindre intérêt, qu’il soit érotique, intellectuel, émotionnel ou même, soyons fous, politique.

Il faut pourtant croire que c’est ce sentiment vaguement antibushiste qui a valu au film une diffusion sur une prestigieuse chaîne hertzienne, ce qui laisse songeur quand on pense aux authentiques réussites du genre qui végètent à l’intérieur des frontières de l’archipel nippon. Oui, les films diffusés par Arte sont dans les faits « trash ». Mais cette notion n’est pas incompatible avec un standard minimum de qualité, et des choix de programmation hasardeux (un Mario Bava notoirement charcuté, un Jean Rollin mineur) peuvent vraiment générer l’effet contraire d’une idée de découverte et d’éducation, au point que l’on peut soupçonner que la moquerie et la stigmatisation de genres méconnus au travers de films ratés ait été dès le départ le but de l’entreprise.

On notera pour finir l’étrange épilogue de la carrière française de The glamorous life of Sachiko Hanai, lors d’une diffusion du Service Après Vente des Emissions, des comiques générationnels Omar et Fred. On y voit le comédien Omar Sy, prendre l’appel d’un « téléspectateur » joué par son comparse Frédéric Testot. Celui-ci est habillé branché, son regard est fixe, il demande d’une voix monocorde si son interlocuteur a vu The glamorous life of Sachiko Hanai. Omar Sy raccroche immédiatement, ayant clairement affaire à un intello snob doublé d’un fétichiste pervers. Dans la théorie le sketch trahit une ignorance et un mépris certains. Dans la pratique on ne peut pourtant pas dire que le film de Mitsuru Meike l’ait volé. Tout ça pour ça…

 
Fredéric Maffre