.Goyokin
 
Titre original:
Goyokin
   
Réalisateur:
Gosha Hideo
Année:
1969
Studio:
Toho
Genre:
Chambara
Avec:
Nakadai Tatsuya
Asaoka Ruriko
Nakamura Kinnosuke
Tamba Tetsuro
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Pour une poignée de louis d'or de plus 

Œuvre ouvertement nihiliste sur la fin du règne shogunat et les dernières heures des samouraïs, Hideo Gosha réalise un chambara western de grande envergure.

Le samouraï Magobei est prêt à renoncer à son statut de ronin, lorsqu'il apprend que son beau-frère prépare un nouveau massacre pour s'emparer de l'or d'un bateau shogun. Risquant de rééditer le même acte barbare que celui commis quelques trois ans plus tôt, Magobei part en croisade contre son propre clan pour empêcher la réalisation du plan machiavélique et de chercher la rédemption.

Goyokin constitue un double chant du cygne : genre en plein déclin suite à sa relance au début des années '60s par les films de Kurosawa (Yojimbo) et de Kobayashi (Hara Kiri et Rebellion), ce chambara (ou jidai geiki, ''film historique'') place également l'action à la fin du règne du shogunat avant l'avènement de la modernité sous le règne de l'Empereur Meiji. Les rares samouraïs encore en activité suite à la vague de démission depuis le XVIIe siècle savent leurs jours comptés. Contrairement aux figures humanistes pleins de valeurs tels que dépeints par Kurosawa, les personnages étaient apparus au fil de leurs représentations au tard des années '60s comme des êtres désœuvrés plus que l'ombre d'eux-mêmes. Gosha pousse cet état de fait à son paroxysme. Plaçant son intrigue durant les dernières années du règne du shogunat, les personnages semblent évoluer au sein même d'un paysage apocalyptique. Monde de neige et de désolation, les samouraïs y sont représentés comme des bêtes de foire (Magobei se donnant en spectacle en début du film) ou comme des ronins brigands de grande route (le beau-frère invente des plans machiavéliques pour dépouiller des bateaux de leur cargaison d'or pour payer ses dettes). Magobei est prêt à raccrocher les gants en vendant son épée. S'avouant lui-même comme mort, suite au massacre du village des pêcheurs lors du premier assaut d'un bateau, il se reproche d'être allé à l'encontre même de ses principes et de sa raison d'être de samouraï. Par son effort d'empêcher le carnage de se reproduire, il cherche autant sa rédemption, que de tirer un trait définitif sur son passé en combattant son propre clan.

Les paysages sont représentatifs de l'état de désolation des personnages. Vastes plaines enneigées en bordure de mer et bâtiments désaffectés suite au massacre et envahis par les corbeaux (signe de mort), le Japon semble très loin de l'imminente arrivée d'une modernité. Paysages, comme individus représentés sont d'ores et déjà condamnés à disparaître. Les dernières phrases du film en sont en tous points: ce n'est pas une fête, mais l'enterrement symbolique des samouraïs qui est célébré sur la plage. L'ambiance est étrangement comparable aux westerns transalpins de la même époque. Même désenchantement d'un genre phare en bout de course, Gosha s'inspire fortement des premiers films de Sergio Leone pour sa mise en scène, mais surtout des œuvres postérieurs réalisés par d'autres personnalités. Œuvres de plus en plus nihilistes, Django et surtout Le Grand Silence signé Sergio Corbucci et précédant Goyokin de près d'un an tracent d'intéressants parallèles thématiques et stylistiques. Pas étonnant de voir également Goyokin à l'origine d'un remake américain tout aussi désenchanté, The Master Gunfighter réalisé par Frank Laughlin (ou plutôt par son père, Tom).

Tourné dans des conditions extrêmes par des températures atteignant les - 20 C° et poussant ses acteurs jusqu'au bout, Gosha ne lésine pas sur les moyens pour mettre en scène sa vision - une nouvelle fois - pessimiste. Premier film à avoir été tourné en Panavision, Gosha tire entier profit de la meilleure maniabilité des caméras plus légères pour mettre en scène son histoire d'une manière étonnamment moderne pour son temps : outre les magnifiques mouvements de caméra, le réalisateur utilise à bon escient les possibilités de zoom et exploite à merveille la meilleure profondeur de champ pour ses paysages. Scénario s'adaptant à merveille à la vision pessimiste et de sa manière de mettre en images, plutôt que de s'embarrasser avec un lourd scénario démonstratif et bavard, Gosha réalise le magnifique désenchantement d'une époque historique et d'un genre cinématographique.
 
Bastian Meiresonne