Titre
original:
Bakuto Gaijin
Butai |
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Réalisateur: FUKASAKU Kinji |
Année: 1971 |
Studio: Toei
Genre: Yakuza-eiga |
Avec:
TSURUTA Koji WAKAYAMA Tomisaburo
ANDO Noboru MOROKA Keijiro |
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Yakuzas on the rocks
Réalisé avant ses
plus grands succès, Guerre des gangs à Okinawa est un
yakuza eiga mineur dans la riche filmographie de Fukasaku, mais n'en
constitue pas moins une uvre embryonnaire de ses futurs classiques
à venir.
Après avoir passé
dix ans de sa vie derrière les barreaux, le vieillissant yakuza Gunji
rassemble les anciens membres du clan auquel il appartenait. Ensemble, ils
décident de quitter Tokyo pour tenter de faire main basse sur
l'île d'Okinawa occupée par les américains.
Déclenchant une guerre des gangs, ils agrandissent petit à petit
leur territoire avant de s'attaquer aux principaux clans installés dans
la région.
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Après avoir
réalisé le sixième épisode de la série des
Bakuto (Bakuto Kaisanshiki, 1968), Fukasaku reprend le flambeau
de la saga en adoptant cette fois çi une approche différente. Si
Bakuto Kaisanshiki évoquait l'élégie d'une race en
voie de disparition, ce nouveau volet marque une nette transition et se
différencie par une approche résolument moderne ainsi qu'une
appartenance pleinement revendiquée au monde du serial. Pensant tout
d'abord à donner une suite à son Japan Organized Crime
Boss' (Le caïd de Yokohama), Fukasaku change d'avis
après avoir été fortement impressionné par La
Bataille d'Alger. Prenant donc une nouvelle fois pour point de
départ le décalage de génération d'un ancien yakuza
ne retrouvant plus les anciens codes d'honneur des gangs à sa sortie de
prison, le réalisateur étend son propos à la
différence culturelle à l'intérieur même de la
société japonaise. Fukasaku déplace ainsi l'action du
quartier de Yokohama à Okinawa, île occupée par les marines
américains. Dans le film, Gunji explique son choix par le fait que
là-bas subsistent encore les anciens codes d'honneur des yakuza et qu'il
leur est donc donné la chance de se faire une petite place parmi les
mafieux. Pour Fukasaku, ce déplacement de l'action vers le sud de
l'archipel permet surtout une allégorie sur les retrouvailles des
traditions et l'affrontement entre ''citadins / métropolitains'' et
''campagnards'' ; cela lui permet également d'aborder un autre sujet de
prédilection : l'occupation américaine. Pendant les dix ans
d'emprisonnement de Gunji, la société a fortement
évolué et les codes d'honneur du milieu des yakuzas ont
radicalement changé. Les chefs de clans se cachent derrière les
façades de riches corporations et des éventuels différents
se règlent à coups de revolvers. Ne s'y retrouvant plus, le gang
fraîchement recréé s'expatrie donc en province et y
conquiert petit à petit un territoire grandissant. La campagne est donc
symbole d'anciennes traditions perdues et lors d'un affrontement
délicat, le gang ne devra effectivement son salut que par le respect de
codes d'honneur autrement bafoués à la ville. Cette perte des
traditions se traduit également par l'arrivée impromptue d'un
capitalisme rampant. Les chefs des yakuzas se donnent pour business men et
leurs louches affaires transitent sous couvert de sociétés
uniformisées. L'île d'Okinawa est encore régie par
différents gangs ; mais cette organisation est
éphémère. Les nombreux panneaux publicitaires ou enseignes
de grandes sociétés mondialement connues présagent
déjà l'arrêt prochain d'une telle structure et
l'arrivée du gang de Yokohama confirme ses dires. Au-delà de la
simple histoire de rivalités, Gunji et ses hommes se battent donc contre
la perte des traditions et d'un certain capitalisme omniprésent.
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Autre thème de
prédilection du réalisateur : l'occupation américaine.
Fukasaku a dénoncé dans nombre de ses films une occupation qui -
selon lui - a causé beaucoup de tort à son pays. Le portrait
qu'il en dresse dans le présent métrage ne fait pas exception
à la règle. L'arrivée des citadins est vue d'un mauvais
il des gangs locaux de l'île ; les traitant d'étrangers ou
de ''métropolitains'', ils disent vouloir tout faire pour empêcher
l'invasion de leur terres. Propos ironique, alors qu'Okinawa est sous forte
occupation américaine, comme en témoignent de larges
séquences dédiées à la présence
américaine et l'omniprésence de pancartes publicitaires ou
produits US en cours du film. La plus parlante concerne évidemment
l'emploi abusif des enseignes de Coca-Cola. Apparaissant
généralement en arrière-plan des combats, Fukasaku s'amuse
même jusqu'à créer une véritable opposition
Etats-Unis / Asie, en montrant successivement des pubs pour Coca et pour Pepsi
derrière deux gangs adverses respectifs juste avant leur affrontement !
La rivalité entre les gangs de l'île et des terres symbolise donc
également l'invasion de l'occupant de l'après-guerre.
Perfectionnant son propre style (photo-montages pour les flash-back ;
arrêt sur images ; personnages introduits par des titres à
l'écran), il rend également hommage au cinéma qu'il
chérit. Outre La Bataille d'Alger, l'intrigue rappelle les polars
français de l'après-guerre, l'approche documentariste de
l'île d'Okinawa est calquée sur le modèle
néo-réaliste italien ou celle du Chien Enragé de
Kurosawa et la présentation des personnages est reprise de celle de
Sergio Leone. Sa manière de filmer aura inspiré à son tour
de cinéastes actuels, tels que Quentin Tarantino (Reservoir Dogs)
ou Takeshi Kitano (Sonatine, Brother).
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Film passionnant dans l'affinage
du style personnel de Fukasaku, il n'en demeure pas moins un film somme toute
assez moyen pâtissant d'une intrigue basique, de quelques longueurs et -
au contraire - de parties insuffisamment développées. Reste un
film largement au-dessus du lot des productions du même genre, un regard
ironique jubilatoire et le travail d'un réalisateur au vrai
talent. |