Titre
original:
Goyoukiba |
|
|
Réalisateur: Misumi
Kenji |
Année:
1972 |
Studio: Toho
Genre: Exploitation |
Avec:
Katsu Shintaro Asaoka Yukiji Atsumi
Mari Nishimura Kou |
dre |
|
Les crocs de la loi
Série estampillée
culte - sans doute plus par la difficulté de revoir ses oeuvres avant
leur récente réédition, que par une véritable
opinion fondée - les trois Hanzo the Razor sont finalement plus
alléchants sur papier qu'en adaptation live.
Se situant quelque part au milieu
du règne du shogunat Tokugawa (1603 - 1867), ce premier épisode
introduit le personnage du policier samouraï Hanzo, dit ''The Razor''.
Assisté par deux okapikki, des anciens criminels reconvertis, il fait fi
des autorités, applique sa propre loi en se servant de ses poings
dévastateurs ou de nombreuses armes pour interroger les principaux
suspects masculins et de son sexe pour faire parler les femmes. Bien
bâti, il entretient ses parties intimes en les endurcissant à
coups de bâtons en bois ou en les fourrant à grands coups de
bourre dans un panier contenant du riz sec, satisfaisant ainsi les personnages
féminins les plus réticentes à se confesser dans un
premier temps. Sa première enquête le mène sur la piste de
supérieurs hiérarchiques corrompus et une étrange femme
tatouée.
Avant toute chose, il faut
clarifier, que la série des ''Hanzo'' n'est pas un simple chambaras (ou
jidai geiki, films historiques), mais des ''goyokiki-eiga'', véritable
sous-genre à part et mettant en scène des enquêtes
policières. Les histoires se situent toujours du temps du Shogunat
Tokugawa. Période de relative paix et de prospérité, elle
voyait la mise en place du système actuel administratif du Pays au
Soleil Levant, mais également une première organisation de forces
de l'ordre. Base de départ pour de nombreux contes et légendes
à l'époque, ces récits se sont perpétués
dans le temps par des écrits, des représentations kabuki, puis
des adaptations télévisuelles dans les années '70s. Le
légendaire Juge Ooka Tadasuke inspira ainsi à sa mort en 1751 la
célèbre anthologie regroupant ses cas les plus populaires, encore
publiée de nos jours sous le nom de Okka Seidan (Les Fameuses
Enquêtes d'Ooka). Parmi les séries télévisuelles
les plus célèbres, Zenigata Heiji Torimono-hikae -
adaptée des intrigues policières de l'écrivain Nomura Kodo
- ou encore Abere Hassyuu (Le Samouraï et les
Justiciers).
Il n'est pas difficile de deviner
l'attrait de l'acteur Shintaro Katsu pour produire et tenir le rôle
principal dans la série des ''Hanzo'' adapté du manga
éponyme de Kazuo Koike . Prévoyant sans doute de marquer
l'histoire du chambara d'une pierre blanche en l'emmenant à un paroxysme
jusque-là inégalé, la trilogie devait également
asseoir son statut d'icône japonaise suite au succès intarissable
de la série Zatoichi et de renflouer sa richesse personnelle en
surfant sur la vague du temps. Réalisé un ans après
l'explosion de la blaxploitation (Shaft) aux Etats-Unis et de la sortie
du premier volet des aventures de L'Inspecteur Harry, Katsu était
séduit par les protagonistes à l'attitude ultra cool. Dans la
droite lignée de l'interprétation de son personnage
fétiche Zatoichi, celui de ''Hanzo'' lui permettait de pousser son
charisme plus loin. Policier en désaccord avec ses supérieurs,
ses interrogations musclées lui donnaient l'occasion de faire parler ses
poings ou de prouver une nouvelle fois son réel talent pour le maniement
des armes ; mais le rôle lui donnait surtout l'occasion d'instaurer la
légende d'une virilité survoltée sous la forme d'un sexe
surdimensionné. Pas farouche, il en profite pour exhiber à
longueur de la trilogie son corps (pas vraiment) attrayant. Image de dur
à cuire et de la virilité masculine par excellence, les femmes ne
lui tombent pourtant pas dans les bras. Peu de fois, ses futures victimes
d'interrogatoires particulièrement salaces sont-elles charmées
par sa brusquerie ; mais une fois violentées, elles le supplient de ne
pas s'arrêter.
Entourée de la solide
équipe technique de la série des Baby Cart (mettant en
scène son propre frère, Tomisaburo Wakayama) Katsu fait
également appel au mythique réalisateur de chambara Kenji Misumi.
Leur collaboration sera pourtant bien moins fructueuse que sur la série
Zatoichi. Ce premier épisode introduit donc le personnage
mythique de ''Hanzo'' et familiarise le spectateur avec l'univers particulier
du samouraï policier. Dès la première séquence, Hanzo
s'oppose violemment à ses propres supérieurs au nom d'une loi
plus saine. Les accusant de corruption et d'une mauvaise interprétation
des vraies valeurs de la loi, il refuse de signer son affiliation officielle au
sein des forces de l'ordre. Cette exposition permet d'instaurer le personnage
comme un rebelle face à une institution établie, mais pas
forcément des meilleures. La scène de torture selon la
méthode du "sorobanzume," (empilage de blocs de pierres sur des jambes
repliées) que s'inflige Hanzo pour éprouver ce que ressentent les
criminels, permet d'accentuer l'image du dur à cuire totalement
dévoué à son métier ; sont également
présentés les assistants particuliers de Hanzo, des anciens
criminels redevables au policier de ne pas avoir été
envoyé sur une île de bagnards. Ils accompagneront le protagoniste
principal tout au long de ses aventures.
Ce premier film présente
également les méthodes particulières pour endurcir le sexe
surdimensionné de Hanzo, les interrogatoires salaces des suspects
féminins, l'arsenal d'armes personnel, ainsi que la maison
truffée de pièges pour éliminer d'éventuels intrus.
Ces scènes clé seront toutes reprises dans les séquelles,
parfois même au plan près ; peu seront réellement
développées (l'arsenal d'armes et la maison
piégée). L'intrigue n'est que secondaire et sera d'ailleurs
expédiée d'une manière tellement rapide, qu'un
deuxième épisode - sans aucun lien avec ce qui a
précédé - assure le remplissage des 90 minutes
réglementaires du long métrage. Sans doute ajouté pour
d'avantage humaniser le personnage de Hanzo, le réalisateur Misumi
semble curieusement plus inspiré par la thématique
développée (l'euthanasie) et soigne d'avantage sa mise en
scène. Précédé d'un parfum de scandale et
réellement surprenant d'audace pour un film produit par les studios de
la Toho à l'époque, l'ensemble ne tient pourtant pas toutes ses
promesses. Le pitch sur papier semblait prometteur, son origine manga propice
à de réels délires et la réalisation d'un genre
d'exploitation par un réalisateur populaire aux accents auteurisants
intéressante. Il n'en est malheureusement rien. Le film se tient
à ses simples idées de départ sans jamais pleinement les
exploiter. L'intrigue est au final assez quelconque, voire carrément
insipide. La mise en scène de Misumi est tout en retenue, comme si le
réalisateur était assez peu à l'aise avec son
matériel de base. Peu inspiré, il assure le minimum syndical et
n'aura pour seul mérite que d'instaurer les scènes clé
resservant pour les séquelles. A noter, qu'il abuse de plans
reflétant l'action dans de l'eau, assumant un côté
délirant ''sens dessous dessus'', mais pouvant également
symboliser le détachement de son vrai regard de cinéaste. Un
premier épisode curieux et audacieux pour son époque, mais bien
en-deçà de son réel potentiel.
A noter,
que le titre original ''Goyoukiba'' est un jeu de mots dérivé
du terme ''Goyou-kiki'', ''Goyou'' signifiant l'officier. ''-kiki''
se traduit comme le verbe ''entendre (dans une affaire)'', ''enquêter'',
alors que ''-kiba'' signifie ''crocs''. L'épisode concernant
Lady Oraku ressemble étrangement au fait historique réel
concernant la châtelaine Lady Ejima entretenant une affaire
avec l'acteur populaire Ikushima Shingoroo. Lorsque le scandale
éclate au grand jour, le Shogun en personne a eu à
intervenir décidant carrément de raser l'un des
quatre théâtres officiels de la ville. |
|