.Himiko
 
Titre original:
Himiko
   
Réalisateur:
SHINODA Masahiro
Année:
1974
Studio:
ATG
Genre:
Drame
Avec:
IWASHITA Shima
MIKUNI Rentaro
KUSAKARI Masao
YOKOYAMA Rie
dre
Arthrose  

Parmi les initiateurs de la nouvelle vague Shochiku, Masahiro Shinoda reste le réalisateur qui eu le plus de difficulté à se renouveler dans le courant de la décennie suivante. Ainsi, l’énergie des débuts fait à place à un raidissement thématique et le projet esthétique dérive progressivement vers l’esthétisme complaisant. De retour dans le giron de l’ATG après Double Suicide à Amijima, Himiko s’inscrit à plein dans la tendance mystique d’un cinéaste se détachant des enjeux vitaux du cinéma pour s’essayer à des abstractions dénuées d’implications fortes. Projet original et ambitieux en marge des studios, le film se veut la recréation des mythes fondateurs du Japon où s’illustre la tragédie existentialiste de l’humanité.

Dans un environnement préhistorique se jouent les drames quotidiens d’une époque troublée à l’animalité violente. Himiko, oracle de la déesse du soleil, gouverne une société primitive où les croyances régissent les mœurs. Shinoda illustre les luttes incessantes des tribus et les oppositions binaires d’idéologies sacrées sur fond de chamanisme à l’image de la lutte entre les adorateurs des forces du Soleil et de la Terre. A la manière des tragédies grecques, les mythes mêlent la grande Histoire aux drames familiaux intimes. Recurrence thématique de l'ATG, le sujet de l'inceste y trouve sans surprise un nouveau terrain propice sans pour autant creuser ses questionnements. Typique de la veine misanthrope du cinéaste, Himiko se fait ainsi le constat amer de la versatilité de la croyance des hommes et de la fragilité existentielle ramenée à l’échelle de l’humanité. Autrefois adulée, Himiko se trouve bientôt remplacée par une jeune prêtresse docile pour qui le cycle immuable du changement ne tardera sans doute pas à frapper aveuglement. La conclusion du film se fait la mise en abîme originale d’un récit métaphorique où la forêt millénaire du drame se trouve en fait cernée par le bitume envahissant de la société contemporaine. Un procédé que Shinoda reproduira à l’identique dans Sous les cerisiers en fleur l’année suivante.

Si le projet thématique moderniste peut de prime abord paraître séduisant, il s’inscrit via une transposition manquant cruellement de finesse. La métaphore existentialiste du film échoue à trouver une résonance concrète à son époque, l’illustration se perdant dans son propos théorique où le détachement du cinéaste a tôt fait de virer en abstraction glaciale. Les grands axes du drame ne sont ainsi que des reprises attendues de rebonds narratifs bien connus s’épuisant dans des clichés freudiens sans épaisseur. Une artificialité pleinement manifestée par un projet de mise en scène esthétisant basée sur une théâtralité affirmée mais désespérément figée et sans âme ; à l’image des dialogues en forme de déclamations fatiguées et d’une tenue esthétique globale laide et fauchée que des cadrages soignés ne peuvent sauver. Un aspect daté d’autant plus renforcé par un étalage complaisant de nudité définitivement très dispensable. En résulte un projet dépourvu d’énergie vitale et de fulgurances, s’abîmant dans les travers bégayants d’un cinéma de l’artifice.

 
Martin Vieillot