Titre
original:
Youkai Hanta
- Hiruko |
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Réalisateur: TSUKAMOTO Shinya |
Année: 1990 |
Studio:
Shochiku Genre: Manga live |
Avec:
SAWADA Kenji KUDOU Masaki MUROTA
Hideo TAKENAKA Naoto |
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Demon Buster
Le projet de l'adaptation de
Torigorasu n'aboutissant pas, TSUKAMOTO accepte finalement de
réaliser une libre adaptation de deux nouvelles extraites de la
série manga Youkai Hanta (Demon Hunter) de MOROBOSHI
Daijiro pour le compte de la Shochiku. Certes un film de commande, TSUKAMOTO
saisit pourtant l'opportunité pour apprendre à travailler dans le
rigide cadre professionnel d'un grand studio. Le budget conséquent - le
plus gros jamais alloué de sa carrière - lui permet
également d'assouvir tous ses phantasmes conceptuels. Au final pas une
réelle réussite, mais un honnête divertissement largement
empreint de la patte indélébile du réalisateur et sans
concessions par rapport à son travail habituel
Un archéologue
découvre un étrange mausolée construit juste sous un
imposant édifice scolaire à la campagne. Par ses recherches, il
ouvre les portes de l'Enfer permettant à Hiruko le Gobelin de
s'échapper. Ce dernier a pour objectif de constituer une armée de
démons pour envahir la Terre. Seul le farfelu archéologue Hieda,
assisté du jeune étudiant Masao en proie à
d'étranges excroissances lui poussant dans le dos, pourraient
empêcher cette diabolique invasion
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Suite au succès de son
premier Tetsuo, TSUKAMOTO se porte dans l'idée d'adapter le livre
pour enfants Torigorasu de HASEGAWA Shuhei, contant l'histoire d'un
petit garçon méprenant le vent soufflant devant sa fenêtre
pour un immense oiseau de feu détruisant la ville. Soutenu tant bien que
mal dans ses démarches de recherches financières par les
responsables du festival du Film Indépendant de PIA, le projet s'enlise.
Ne chômant pas, il décide de s'atteler de son côté au
tournage de la suite des aventures de Tetsuo en demandant à des
bénévoles de bien vouloir entreprendre les premiers
préparatifs en vue d'un éventuel tournage. Lui parvient alors la
proposition du producteur NAKAZAWA Toshiaki d'adapter librement sur grand
écran deux nouvelles extraites du manga Youkai Hanta. Fan des
travaux du mangaka MOROBOSHI Daijiro à l'origine de la série et
restant dans l'idée d'un film destiné aux enfants, TSUKAMOTO
finit par accepter l'offre. Si cette commande implique bien évidemment
des concessions dans sa démarche artistique indépendante, le
travail à effectuer implique également de pouvoir apprendre en
collaborant avec une équipe technique professionnelle ainsi que de
discipliner sa légendaire inorganisation. Au vue de ses premières
réalisations balbutiantes, les exécutifs des studios adjoignent
au réalisateur de solides assistants lui permettant d'être soutenu
dans son nouvel environnement. Ainsi, HAYASHI Kaizo (Zipang) l'aide dans
l'écriture du scénario et tous les postes clés du tournage
sont confiés à des vétérans chevronnés,
permettant à TSUKAMOTO de se concentrer uniquement sur son travail de
réalisation; autrement les studios laissent entière carte blanche
à ses délires créatifs. Totalement
désarçonné dans la manière d'aborder son travail de
commande, les prises de vue sont à double tranchant. D'un
côté, TSUKAMOTO s'accommode mal de ne pouvoir garder l'entier
contrôle sur tous les postes pour se rassurer de la qualité
d'ensemble. Perdu, il a maille à ne disposer que d'une période
prédéfinie réduite pour emballer ses prises de vue.
Malgré le suivi de ses producteurs, il explose le budget s'obligeant
ainsi à travailler de nombreuses heures gratuites et à devoir
renoncer à nombres d'effets spéciaux prévus à
l'origine. D'un autre côté, il a tout loisir de dépenser
l'argent à sa guise et d'essayer de réaliser de nombreux trucages
autrement inaccessibles en raison de leur coût sur ses propres
productions. Ayant déjà dans l'idée de faire voler son
Tetsuo dans un prochain volet, il imagine donc des scènes d'attaques
célestes de la part des démons.
Le résultat final est un
curieux mélange des genres, bien loin du film initialement pensé
pour les enfants. Contenant bon nombre de ses thèmes récurrents,
TSUKAMOTO n'a pu s'empêcher d'inclure une véritable violence
enragée qui rend impossible toute exploitation auprès d'un public
familial. Inversement, les origines du manga, le personnage principal et le ton
enfantin enjoué n'étaient pas très compatibles avec un
public adolescent ou adulte. Malgré de gros renforts de
publicités, les responsables de la Shochiku ne sauront comment vendre le
film et essuieront un énorme échec. Qu'à cela ne tienne,
TSUKAMOTO a su préserver son âme au sein même d'un travail
de commande, même si ses premiers pas sont plus maladroits que ceux
effectués neuf ans plus tard dans Gemini.
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Dès l'ouverture du film,
TSUKAMOTO recourt à ses personnages récurrents. La
présentation d'un archéologue un peu farfelu lui permet une
nouvelle fois de présenter un personnage isolé de ses pairs en
raison de son étrange caractère et de ses inventions
délirantes. Pourtant, il sera par la suite celui qui sauvera
l'humanité de l'invasion des démons à l'instar du petit
garçon mal dans la peau dans Adventure of Denchu Kozo. Second
personnage clé, celui de TSUKUSHIMA, jeune adolescente et future Hiruko.
Introduite par une scène champêtre (elle fait du vélo
à travers la campagne), elle est immédiatement sexuée
(elle pousse de légers gémissements). Une idée
renforcée plus tard en la montrant avec des lèvres charnues en
rouge vif ou en illustrant ses perversions entreprises sous la forme de femme
araignée. Elle sera de nouveau un élément
extrêmement fort du film puisqu'elle incarnera une adversaire quasiment
invincible, un élément catalyseur du dépassement de soi
des deux protagonistes principaux. Le personnage du jeune Masao s'apparente en
grande partie à celui de Denchu. Intégré au sein d'un
groupe de garçons (amené à mourir, il sera à
nouveau isolé), il est la proie d'une étrange mutation dans son
dos, renvoyant directement au poteau électrique de Denchu ou aux
mutations des personnages de Tetsuo. Ces mêmes excroissances
seront d'ailleurs la clé pour arriver au bout des démons en fin
de film. Garçon renfermé, encore sous le choc d'un traumatisme
d'enfance (, il arrivera finalement à surmonter ses blocages pour
contrer l'invasion des démons sur terre. Autre récurrence dans la
filmographie de TSUKAMOTO : l'utilisation des souvenirs. Les personnages
principaux sont tous deux habités par un mauvais souvenir commun, tels
les adversaires de Tetsuo 2 ou Tokyo Fist. Tout comme dans
Tetsuo 2, un personnage maléfique va directement influer sur leur
subconscient, évoquer et modifier des souvenirs pour les pousser
à agir (abuser de la violence dans les films futurs; se suicider dans
celui-ci).
L'intrigue est cette fois
située non plus en ville mais en rase campagne. Connaissant l'influence
de la ville sur ces personnages, il est particulièrement
intéressant de voir comment le réalisateur aborde cet
environnement. Sa vision ne déçoit pas : lors des rares
scènes en extérieur, il idéalise carrément la
grande verte en filmant de larges prairies verdoyantes ou de champs de fleurs
au premier plan. Ses cadrages sont bizarrement inspirés de dessins
animés et notamment de la représentation de la Nature dans Mon
voisin Totoro. Le paysage de nuit s'ouvre à un vaste ciel
étoilé, signe cinématographique de liberté,
d'évasion et d'appel aux entités célestes par excellence.
Intrigue oblige, ces représentations ne sont évidemment que de
courte durée, le gros de l'action se réduisant finalement
à des lieux confinés tels l'enceinte d'une école ou une
grotte maléfique. TSUKAMOTO filme également le personnage de
l'archéologue rentrant chez lui au sein de ce qui semble un village
(constructions en bois); le réalisateur le montre absent et soucieux de
quelque chose et l'enferme directement dans le cadre, comme s'il le filmait
dans Tokyo.
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TSUKAMOTO propose une mise en
scène directement inspirée du manga. De nombreux cadrages
ressemblent donc à s'y méprendre aux cases dessinées
d'origine; les acteurs adoptent un style de jeu outrancier, souvent
énervant, mais finalement proche de celui des personnages de manga.
Enfin, les nombreuses trouvailles visuelles sont également typiquement
cartoonesques, à commencer par les inventions farfelues du professeur
d'archéologie, jusqu'à l'apparence des démons en fin de
film. TSUKAMOTO rend également un hommage bien plus appuyé que
d'accoutumé à ses illustres réalisateurs favoris, comme
s'il sentait le besoin d'imiter leur style en étant passé au sein
d'une production commerciale. Avouant lui-même l'influence directe des
démons du remake de The Thing par John Carpenter, impossible
également de croire les paroles du réalisateur affirmant n'avoir
jamais vu les premiers films de Sam Raimi tant ses mouvements de caméra
sont directement empreints des Evil Dead. Mais l'influence principale -
déjà clairement perceptible dans ses précédents
Adventure of Denchu Kozo et Tetsuo - demeure incontestablement
James Cameron. Le réalisateur américain étant
lui-même fan des films japonais et des mangas, TSUKAMOTO lui doit de
larges influences empruntées de Alien 2 (détecteur de
démons; apparence des monstres et langue sortant de la bouche de Hiruko)
et Abyss (plan final directement repris de la créature d'eau du
film américain). Bien évidemment, les matières organiques
renvoient directement au cinéma de Cronenberg.
Quant à l'adaptation du
manga originel, TSUKAMOTO préfère signer une très libre
transposition à l'écran, s'appropriant le matériau
originel pour rester plus fidèle à son propre univers et - par
là même - ne pas passer trop loin de son sujet. Si le pari sera
largement plus réussi dans son futur second film de commande
Gemini, il ne faut pas oublier, que TSUKAMOTO ne se trouvait encore
qu'au tout début de sa carrière, cherchant à
maîtriser l'outil cinématographique et à délimiter
son propre univers. En cela, Hiruko the Goblin constitue une
réussite indéniable. Pour tous les autres, le film
représente un honnête divertissement largement empreint de culture
manga et pour un film de ce genre, étonnamment sanguinolent dans sa
représentation de la violence. |