Titre
original:
Yokihi |
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Réalisateur: MIZOGUCHI Kenji |
Année: 1955 |
Studio: Daieii
Genre: Drame |
Avec:
KYO Machiko MORI Masayuki YAMAMURA
So SHINDO Eitaro |
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Cendrillon sino-japonaise
Dans un souci d'étendre son
empire sur les autres continents asiatiques, Run Run Shaw - gérant des
mythiques studios de production chinois Shaw Brothers - se rapproche de
Masaichi NAGATA pour étudier les possibilités d'une future
collaboration. En bon homme d'affaires, ce dernier ne sait refuser et propose
à Mizoguchi d'assurer la réalisation de l'ambitieux projet
coproduit. Sans doute écrasé par l'envergure, le cinéaste
reste certes fidèle à sa vision personnelle, mais est
obligé de se plier face aux contraintes de l'entreprise
La Chine au VIIIième
siècle. L'empereur Hsuan Tsung pleure la récente mort de son
épouse. Ses subordonnés se bornent à lui trouver une
nouvelle femme, mais leurs tentatives restent infructueuses jusqu'au jour
où le général An Lu-Shan présente une servante,
Yang Kwei Fei, ressemblant fortement à la défunte. Après
des débuts timides, l'Empereur succombe finalement à la
beauté et la bonté de la jeune femme, délaissant par la
même occasion les affaires d'Etat. Profitant de sa faiblesse, An Lu-Shan
réussit le soulèvement du peuple et des principaux
subordonnés de l'Empereur pour tenter de prendre le pouvoir. Le monarque
et sa nouvelle épouse sont menacés de mort
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Impératrice Yang
Kwei-fei est un projet ambitieux; non seulement il représente la
première tentative des influents studios des Shaw Brothers de d'imposer
sur un marché jusque-là resté hors d'atteinte, mais en
plus les relations sino-japonaises sont toujours restées
extrêmement tendues depuis la guerre de Mandchourie et surtout depuis la
Seconde Guerre Mondiale. La tentative de coopération, en-dehors de
l'aspect purement financier, est donc salutaire entre les producteurs Run Run
Shaw et Masaichi NAGATA et les scénaristes et le réalisateur du
projet final sauront garder l'entier respect entre les deux cultures. La
méconnaissance mutuelle toute relative ressort d'ailleurs du discours du
scénariste Toshida YODA au moment de l'écriture de l'intrigue,
décrivant ses étonnantes découvertes de nombreuses
influences chinoises au sein même des traditions japonaises ; le
mépris existant entre les deux nations ont fait oublier leurs
étroits liens d'un lointain passé, qui ne sont désormais
plus enseignés en cours d'Histoire à l'école.
Perfectionniste, cultivé et
en amateur d'art ancien éclairé, Mizoguchi exige à ce que
ses scénaristes Tsuji KYUICHI, Masashige NARUSAWA et Toshida YODA se
documentent au mieux de l'époque passée pour assurer la plus
fidèle reconstitution historique possible ; en revanche, il leur ordonne
également de coller au plus près à ses propres
thématiques poursuivies tout au long de son uvre. Pas une mince
affaire concernant le personnage historique de la princesse Yang Kwei-Fei,
aujourd'hui célébrée aussi bien en Chine qu'au Japon
à travers maints récits très éloignés de sa
véritable personne. Si Mizoguchi avait décidé de respecter
au mieux l'histoire de la princesse, il aura été très
éloigné de ses principes personnels, car à l'origine, elle
était réputée odieuse, vénale, égoïste
et hypocrite
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L'histoire de la princesse Yang
Kwei-fei (719-756) ayant servi de base à tant de contes et de
légendes dérivés, il est aujourd'hui difficile de retracer
les véritables événements historiques. Elle a
effectivement été choisie par l'empereur Hsuan Tung (ou Ming
Huang) à devenir une femme de choix à ses côtés ;
certains historiens affirment, qu'elle n'était pas la seule élue,
l'Empereur ayant également une seconde maîtresse du nom de Mei
Fei. La femme est dite n'avoir pas eu très bon caractère, abusant
de son statut de pouvoir, se montrant odieuse avec ses congénères
et profitant des richesses lui étant offertes. Quelques versions la
décrivent comme ''la princesse de jade'', puisqu'elle avait
ordonné à ce que tout mobilier - jusque son lit ou la flûte
sur laquelle elle aimait jouer - soit exclusivement fait de cette
matière. Elle avait beaucoup d'influence sur l'Empereur, qui
négligeait ainsi les affaires d'Etat courantes et se pliait
entièrement aux envies capricieuses de sa bien-aimée. Quant au
soulèvement du peuple, là encore les avis divergent : certains
affirment, qu'il s'agissait des suites d'une simple affaire de murs,
l'Empereur découvrant que la princesse entretenait une liaison et la
condamnant ainsi à la mort. D'autres versions content, que Yang Kwei-fei
a adopté le général d'origine turque An Lu-Shan comme son
fils et que celui-ci a commencé une violente querelle avec le
frère de la femme quant à la succession au pouvoir. Le peuple et
les gardes royales se soulevaient et forçaient l'Empereur, abdiquant,
d'ordonner la mise à mort de son ancienne maîtresse. Quoiqu'il en
soit, la version finale réalisée par Mizoguchi est loin de toutes
ses représentations négatives de la princesse Yang Kwei-fei et
bien plus proche des contes et légendes inspirées de son
histoire. Les trois scénaristes chargés de l'adaptation avaient
eu pour mot d'ordre par Mizoguchi d'édulcorer l'histoire
véridique et surtout de faire de la princesse un personnage fort, bon et
héroïque. Guidés par le fidèle Toshida YODA,
totalement dévoué et affilié à l'univers
particulier de son ami de longue date, ils changèrent donc
profondément le véritable personnage et imaginaient un pur
mélodrame, duquel Yoda s'est d'ailleurs distancié dans la
dernière phase d'élaboration en raison des partis pris trop
libertaires par rapport au matériel d'origine. Libre adaptation, la
version finale avait au moins pour mérite d'être fidèle
à l'univers du cinéaste.
En l'état, l'histoire de la
princesse Yang Kwei-fei était donc une relecture adulte de la
légende de Cendrillon. Sortie des cuisines, où elle avait
été placée par sa famille ingrate, elle arrive à
séduire l'Empereur par ses bonté et beauté ; mais la
méchanceté des hommes, envieux de sa fulgurante ascension, lui
voudront de connaître une déchéance fatale. Mizoguchi sait
brosser un nouveau portrait plein de tendresse et de sensibilité pour
une femme forte et digne, conditionnée par la société
(elle est mise derrière les fourneaux ; elle sera déchue par la
cruauté de son entourage). Minutie et méticulosité
assurent une reconstitution historique de toute beauté, décors et
costumes reproduits à l'identique à l'aide de longues recherches
et témoignages (écrits, calligraphies,
) rapportés de
l'époque. Obligé de tourner son ambitieux projet en couleur - la
baveuse et trop jaunâtre ''Daiei Color'' spécialement produite
pour la société de production, mais vouée à
l'échec après seulement quelques mois - Mizoguchi s'en accommode
surtout pour représenter fidèlement les costumes ; avouant
n'avoir jamais eu d'autres affinités avec le procédé et
préférant les tournages en noir et blanc, il ne fera pas d'autre
usage visuel particulier du procédé. La mise en scène est
une nouvelle fois économe, mais parfaitement adaptée à
l'histoire, les scènes de foule parfaitement maîtrisées et
le jeu des acteurs activement dirigé des mains du cinéaste. Se
dégage pourtant un sentiment d'inabouti de toute cette surenchère
visuelle, essentiellement dû au manque d'une véritable implication
émotionnelle autre que celle provoquée par les purs moments
mélodramatiques de l'intrigue. Le tournage en couleurs enlève la
force des forts contrastes en noir et blanc exploités à merveille
dans ses précédents films. L'ampleur du projet écrase
quelque peu le côté intimiste du tragique destin de
l'héroïne principale. Les fortes libertés narratives prises
choquent par rapport à la véracité historique initiale.
Malgré les efforts louables et respectables de coller au plus
près à la réalité, les trop fortes
différences culturelles entre la Chine et le Japon semblent curieux dans
la réalisation, notamment pour tous ceux affiliés au
cinéma des deux pays. Agréable spectacle, cette
réalisation semble plus que jamais un vain effort de la part de
Mizoguchi pour toucher un public toujours plus large et international et ainsi
s'imposer sur le marché mondial.
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Intéressante
superproduction et renouvellement des formules éprouvées du
cinéma de Mizoguchi, cette ambitieuse coproduction n'arrive pourtant pas
pleinement à convaincre ; la faute à un scénario trop
éloigné de la véracité historique, trop
mélodramatique et souffrant des différences culturelles
apparentes. Mizoguchi n'a jamais été meilleur que dans ses
projets plus personnels et intimistes, les films de commande plus ou moins
imposés manquant de l'âme et du génie de son réel
talent. |