Titre
original:
- |
|
|
Réalisateur: Ishii
Sogo |
Année: 1992 |
Studio: Wowow
Genre: Experimental |
Avec:
Taguchi Tomorowo |
dre |
|
En attendant mieux
Takenori
Sento démarra sa carrière comme producteur en 1992 en
lançant ses séries J-Movie Wars pour la télévision
satellitaire japonaise WOWOW. Pour le premier volet, il fit appel aux services
d'un dénommé Ishii Sogo qui se morfondait alors dans une retraite
bien involontaire. Le format court (quatre sketches d'une durée totale
de trente minutes) et une totale liberté artistique font de ce projet
l'occasion idéale pour Ishii de se remettre en selle. Soyons clair,
jamais J-Movie Wars n'aurait attiré l'attention si un autre
réalisateur était derrière la caméra.
L'intérêt de la vision d'une telle uvre est de
déceler rétrospectivement les germes des futures influences qui
nourriront, trois ans plus tard, des films tel Angel Dust ou August
in the Water. Le format particulier de ces courts, conçus comme des
sortes de respirations entre les programmes TV, nécessite d'ailleurs
plusieurs visionnages pour saisir et ressentir la marque de son auteur. Pas de
thématique à proprement parler, juste diverses expériences
ayant en point commun la lourde présence d'un mystérieux
Tokyo.
Le
premier sketch, Street Noise, est un travail sensoriel sur l'oppression
et la paranoïa urbaine. La nuit, un homme perdu au milieu de la foule
tokyoïte va peu à peu être pris de panique jusqu'à
finir par littéralement s'échapper dans une course folle qui
rappelle le prologue de Burst City. Caméra distante isolant
l'homme dans son environnement nocturne, travail sur le son : murmure de la
foule et vacarme des voitures, attachement à de petits détails :
une bouche d'aération, des néons qui clignotent. Ishii fait
ressortir l'étrange et l'oppression d'un cadre a priori classique. Le
sketch souffre cependant d'une trop courte durée pour pouvoir convaincre
mais préfigure déjà l'oppressant Angel Dust.
Le second
court, plus inhabituel, est une ballade en vélo de deux
collégiennes à Tokyo. Une veine légère, presque
iwaienne s'en dégage. Courtes évocations de premiers amours, de
premiers rendez vous. En contre point, la lourde présence d'une ville de
fer et de béton (ponts, chemins de fer) . Ishii inscrit l'organique dans
le minéral dans une antithèse du premier sketch où
l'humain s'accommode parfaitement de sa condition urbaine, Tokyo pouvant
même assimilé à une sorte de présence
rassurante.
La
troisième partie intitulée Ana , littéralement
"trou" est un exercice de style, une sorte de cadavre exquis autour du
thème du trou. L'ambiance irréelle, ouatée baigne dans une
lumière verdâtre, le lieu : un asile de fous qui à des airs
de laboratoire secret. L'excellent Taguchi Tomorowo y incarne un fou à
la recherche de ses souvenirs traumatiques aidé en cela par deux
scientifiques. Ana est volontairement flou, chacun y trouvera son
explication (dimension sexuelle et psychologique). Le fil conducteur
surréaliste zigzague jusqu'à à mener à un final
cathartique très métaphorique (l'homme perce la terre au fond
d'un égouts, celle ci laisse échapper des cris de nourrissons).
La réussite de Ishii est d'installer en peu de temps une ambiance
étrange à la lourdeur à la fois rassurante et
inquiétante, le travail sur le son y contribue pour beaucoup.
L'étrange pointe au beau milieu du quotidien, un exercice qu'on peut
rapprocher de ceux de Higuchinsky (Uzumaki, Long Dream).
Pour
conclure J-Movie Wars, Ishii s'échappe de Tokyo pour un sketch
qui peut être vu comme un prologue à August in the water.
Sur un poème philosophique déclamé par une voix enfantine,
se déroule un livre d'images, des plans fixes d'une nature
étrange et inhabituelle : gros plans sur des pierres ou des insectes,
pilones électrique et maisons distordues. Un court abstrait et onirique
qui suit un mystérieux fil conducteur tracé par l'animisme. Ishii
termine ce volet par une belle respiration qui révèle le
coté poétique de son auteur.
J-Movie Wars n'intéressera que les amateurs de Ishii
qui seul pourront faire l'effort de rentrer dans cet univers en faisant
abstraction de la courte durée et d'un manque de moyen. Pour eux,
J-Movie Wars se verra comme une sorte de recréation de son
réalisateur. Pour les autres, ce recueil de sketches apparaîtra
malheureusement quelque peu vain et opaque. |