Réalisateur:
Yamaguchi
Kazuhiko |
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Année:
1975 à 1977 |
Studio:
Toei
Genre:
Karate-Eiga |
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KARATE
BULLFIGHTER |
Titre
original:
Kenka
Karate Kyokushin Ken |
Avec:
Sonny
Chiba
Takigawa Yumi
Ishibashi Masashi |
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KARATE
BEAR FIGHTER |
Titre
original:
Kyokuskin
kenka karate burai ken |
Avec:
Sonny
Chiba
Go Eiji
Shihomi Etsuko
Nakajima Yutaka
Tamba Tetsuro |
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KARATE
FOR LIFE |
Titre
original:
Karate
Baka-Ichidai |
Avec:
Sonny
Chiba
Hongo Kojiro
Murota Hideo
Shiga Masaru |
dre |
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Souvenons nous des années 70
Cette période
où tout film d'arts martiaux qui sortait sur les écrans
(des salles de quartier bien sur !) se voyait labellisé
comme un film de Karaté. Une belle simplification des
choses, liée à la célébrité
de l'art martial Japonais qui phagocytait les autres arts martiaux
existants à son profit, et ne s'appliquait en rien à
la très grande majorité de ces longs métrages
en provenance de Hong Kong ou Taiwan. Mais il faut dire que,
paradoxalement, le Japon s'est assez peu penché sur son
patrimoine martial. Alors que le Chambara est un genre aux uvres
innombrables, les films de Karaté se comptent en petit
nombre. L'homme qui a le plus uvré dans ce "mini
genre", c'est l'incontournable Sonny Chiba. Bien qu'il soit
gymnaste de formation, Chiba ne perdit pas de temps pour pratiquer
les arts martiaux et se spécialisera dans les disciplines
nippones les plus emblématiques : Le judo, le ju jitsu,
le kendo, l'aikido et bien sur le Karaté. La série
des Streetfighter est l'uvre la plus emblématique
du Bruce Lee Japonais malgré (ou plutôt à
cause) ces débordements bis. Mais on peut dénombrer
d'autres films martiaux dans la filmographie du grand Shinichi
comme l'excellent Shoryouji Kempo, la trilogie Karaté
(Karate Bullfighter, Karate Bearfighter et Karate
for Life) ou bien encore Gekitotsu! Aikidô.
Cette trilogie se veut l'adaptation filmique de la vie du légendaire
Mas Oyama, fondateur du Karaté Kyokushinkai (une forme
de Karaté reconnue pour sa dureté) et authentique
mentor martial de Chiba. L'homme ayant eu une vie pour le moins
agité, il y avait matière à une uvre
ambitieuse et intéressante. D'autant plus que dans les
années 70, le cinéma Japonais conservait une impressionnante
qualité technique. Mais ces belles intentions doivent
être tempérées en précisant qu'il
ne s'agit pas d'une biographie directe de la vie d'Oyama mais
de l'adaptation d'un manga retraçant à sa façon
(comprendre de manière très exagérée)
la vie du légendaire artiste martial. On comprend mieux
pourquoi les films de la trilogie s'avèrent si décousus
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Le tueur
de taureaux.
Karate Bullfighter,
premier volet de la trilogie, est le film le plus satisfaisant
de la série. Le personnage d'Oyama nous est introduit
par le biais de deux séquences emblématiques.
Dans la première, on le voit participer à une
compétition de Karaté où il met impitoyablement
en pièce chacun de ses adversaires. Dans la seconde,
juste après le tournoi en question, il se saoule comme
un âne et montre son asocialité chronique. Tout
le personnage est défini par ces deux séquences.
Mas Oyame version Chiba est un maître de Karaté
quasi invincible mais asociale et à la moralité
douteuse. Malheureusement, Kazuhiko Yamaguchi, réalisateur
attitré de la série, ne saura jamais vraiment
profiter du potentiel que représente cette intéressante
dichotomie du personnage, préférant simplifier
au maximum les questionnements moraux. C'est particulièrement
visible à travers la première rencontre entre
Oyama et Chiyako. Leur romance s'établit en effet sur
un viol (!), traité par Yamaguchi comme un simple malentendu
pas si grave que ça. Dans le même registre, Fukasaku
avait donné de biens meilleurs résultats dans
des films comme Okita le Pourfendeur ou Le Cimetière
de la Morale. Cette maladresse dans le développement
du personnage se retrouvera tout le long du film comme durant
ce passage où l'élève d'Oyama perd la boule.
Le maître ne remettra même pas en cause sa méthode
d'enseignement
Un des problèmes
majeurs de Karate Bullfighter provient en grande partie
de son origine mangaesque. Le film n'a pas vraiment de fil directeur
et consiste en plusieurs historiettes collées les unes
aux autres sans qu'on puisse sentir une réelle évolution
dans la personnalité du fondateur du Kyokushinkai. Ainsi,
le passage où Oyama tue un taureau (ce que le vrai Oyama
a effectivement fait) n'a pas le moindre lien avec le reste
du film. La séquence nous est livrée telle qu'elle,
essentiellement pour livrer un spectacle gentiment bis (quoique
la fin de la séquence puisse heurter les amis des bêtes).
Karate Bullfighter a pourtant certaines qualités.
Si son récit est trop décousu, le thème
de certains des "sketchs" n'est pas toujours inintéressant.
La partie avec l'apprentie d'Oyama (déjà évoqué
un peu plus haut) permet de signer quelques jolies séquences
martiales comme ce beau Kata sur la plage. On a également
droit à une amorce de relation maître/élève
touchante. Quel dommage que Yamaguchi n'aille jamais plus loin
dans le développement de ces personnages (Oyama en tête)
L'histoire la plus intéressante du film nous est contée
dans le dernier tiers de Karate Bullfighter. Réalisant
enfin les conséquences de ses actes (à travers
le désespoir d'une femme et d'un enfant), Oyama cherche
son repentir en abandonnant sa pratique martiale pour se faire
paysan au coté de la veuve et son fils. Le film prend
alors une approche quasi Musashienne (être un maître
martial n'est pas juste être capable de tuer) qui permet
d'approfondir un peu le personnage. Evidemment, Yamaguchi n'ira
pas jusqu'au bout de son idée et la remise en cause d'Oyama
ne sera que passagère mais, dans le cadre des limites
du film, c'est déjà bien d'avoir eu ce petit passage
plus introspectif (les deux autres volets n'essaieront même
pas).
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Vu que le scénario
de Karate Bullfighter est loin d'être merveilleux,
on peut au moins espérer que les scènes de Karaté
soient réussies. A ce niveau, Chiba et Yamaguchi remplissent
leurs parts du contrat. La star Japonaise est parfaitement convaincante
en maître de Karaté. Quasiment jamais doublé,
Sonny démontre une belle technicité avec des coups
sans fioritures et puissants, exactement le style propre au
Karaté. Son jeu concentré achève d'en faire
un Oyama tout ce qu'il y a de crédible. Le réalisateur
de son coté est sous influence du style à la mode
dans le Japon des années 70 : Il use et abuse de caméras
tremblotantes, d'effets de montages et autres image arrêtés.
Une surenchère d'effets un peu trop artificiel mais qui
parvient tout de même à rester lisible. Yamaguchi
se révèlera même assez inspiré pour
son final au concept (encore une fois !) Musashien avec un Oyama
affrontant tout une école dans un champ aux hautes herbes.
L'artiste martial doit tirer avantage de son environnement,
économiser son souffle et faire preuve aussi bien de
stratégie que de force. Belle séquence qui permet
d'achever Karate Bullfighter sur une relative bonne impression.
Si on a pas eu droit à la biographie ambitieuse à
laquelle on pouvait s'attendre, on a au moins eu droit à
un bon petit spectacle divertissant.
Au tour de
l'ours !
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Le peu de développement
de personnage présent dans le premier volet de la trilogie
disparaît totalement dans le second épisode. D'entrée
de jeu, Oyama devient le gros bras d'un Yakusa (!) et perd le
gramme de moralité que le personnage semblait détenir.
Dans le cadre d'un film comme The Streetfighter, pourquoi
pas, mais en tant qu'adaptation de la vie d'un maître
d'arts martiaux (aussi bourrin soit il), ça la fout un
peu mal
Heureusement (sic), Yamaguchi est constant dans
son inconstance et fait évoluer le personnage systématiquement
du coq à l'âne (Yakusa un jour, pécheur
ami des enfants un autre
On se croirait dans l'univers
de Oui Oui !), sans de véritable lien entre les aventures
qui justifieraient ces changements drastiques de personnalité.
En cela, on peut dire que ce Karate Bearfighter est le volume
qui se rapproche le plus de son format mangaesque
Le réalisateur
essaie pourtant de lier les différentes historiettes
de son récit par un fil directeur mais, copié
tout droit du premier film (une école de Karaté
jalouse qui cherche régulièrement des noises à
Oyama), il apparaît bien trop artificiel. Placé
là uniquement pour qu'Oyama ait des "méchants"
à massacrer.
Sans histoire
cohérente et avec un personnage à la personnalité
fluctuante, que reste t-il à Karate Bearfighter
d'intéressant ? Certainement ses petits débordements
bis comme ce fameux combat contre un ours. Les connaisseurs
se rappelleront peut être d'un cultissime affrontement
entre (le faux) Bruce Lee et un lion dans Game of Death 2. Karate
Bearfighter, c'est un peu la même chose mais étiré
sur plusieurs minutes ! Traité super sérieusement,
on peut difficilement se retenir de sourire face à cet
étrange combat entre un Chiba concentré et un
pauvre comédien costumé censé incarner
le puissant animal. Le reste des combats est heureusement d'un
tout autre niveau. Chiba est en grande forme et ses assauts
encore plus exigeants physiquement. Le style des chorégraphies
et de la réalisation demeure en droite ligne de Karate
Bullfighter, fidèle à l'approche directe du
Karaté, le tout enrobé d'effets seventies. Pour
une fois, l'ultime adversaire d'Oyama est traité avec
un certain respect. Les moments où il intervient sont
visuellement et scénaristiquement parmi les meilleurs
du film. Regrettable cependant que son combat avec Oyama soit
expédié aussi rapidement
Mais pouvait on
espérer autre chose avec Yamaguchi aux commandes ?
Plus fort
qu'un taureau, plus fort qu'un ours : Voici venir les catcheurs!
Le dernier volet
de la trilogie commence sur des chapeaux de roues. Oyama pénètre
dans un Dojo plein à craquer et abat impitoyablement
la centaine d'artistes martiaux présents. Mélange
de Kill Bill et de Once Upon a Time in China 3
avant l'heure, le tout avec le style brutal qui caractérise
les combats made in Chiba, la séquence est superbe et
fait espérer le meilleur pour la suite. Parallèlement,
la conclusion du film fait un bel écho à cette
magnifique ouverture à travers l'expression aussi bien
visuelle que verbale de la profession de foi d'Oyama. Une véritable
déclaration d'amour pour le Karaté servie par
une réalisation sobre mais esthétique de Yamaguchi.
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Dommage qu'entre
ces deux moments intenses, il y ait un film avec tous les défauts
récurrents de la série : Histoire décousue,
personnage d'Oyama mal défini et débordements
bis. Car dans un mouvement de surenchère exploitationniste,
Yamaguchi ne trouve pas de meilleure idée que d'opposer
Oyama à des catcheurs ! Malgré tout le respect
qu'on peut avoir pour cette distrayante discipline, montrer
des catcheurs comme des guerriers ultimes est tout simplement
risible. Cela ne pose en tout cas aucun problème à
Yamaguchi qui, une nouvelle fois, met en scène les combats
le plus sérieusement sans se rendre compte du coté
ridicule de la situation (il n'y avait que lui pour oser en
rajouter une couche avec les noms des techniques qui apparaissent
à l'écran !). On ne peut cependant pas contester
une certaine valeur ajoutée "fun" lors de ces affrontements,
assurant le spectateur de ne jamais s'ennuyer. Bien emblématique
des forces et faiblesses de la série. Le reste du scénario
recycle avec de légères variations les situations
des deux précédents opus. A la place du gamin
de Karate Bearfighter, on a ici droit à une petite
bande de 4/5 enfants. En lieu de la belle Chiyako, Karate
for Life lui substitue une prostituée de service
(personnage hautement apprécié durant les années
70 !) avec le même type de relation romantique avortée.
Ni original, ni bien traité, ces moments sont parmi les
plus poussifs du film.
Plus intéressant
est la vague intrigue directrice censé faire tenir le
film en un tout cohérent. Evidemment, tout comme c'était
le cas dans Karate Bullfighter et Karate Bearfighter,
l'intrigue en question respire l'artificialité et ne
passionne réellement à aucun moment. Mais elle
a le mérite de se différencier des précédentes
à travers un repompage direct d'Enter the Dragon !
Une curiosité. Ainsi, tout comme Bruce Lee avait droit
à deux co-héros, Chiba se voit adjoindre les services
d'un autre expert en arts martiaux (de judo). Les compétitions
de catch à Okinawa font elles office de tournoi sur l'île
de Mr Han. L'inspiration devient encore plus flagrante avec
le final où Chiba rejoue quasiment telle qu'elle la séquence
des miroirs du dernier film de Bruce Lee. Tout cela pu l'opportunisme
commercial mais cela permet au moins de fournir de nombreux
prétextes aux affrontements martiaux. Et même si
les combats ne retrouvent jamais la puissance de la scène
d'introduction, ils sont d'un bon niveau général,
brutaux et violents à souhait. Toute l'attaque de la
maison des bad guys par Oyama et son compère mérite
ainsi largement le coup d'il pour les fans d'action.
Au vu du matériau
de base, propice à un mélange action/réflexion
ambitieux, la trilogie Karate est une déception.
Préférant les gimmicks de l'exploitation à
une histoire solide, Yamaguchi loupe complètement le
coche. Il ne reste plus à la série que sa valeur
divertissante pour se consoler et force est de lui reconnaître
une certaine efficacité dans le domaine !
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