Titre
original:
Satomi hakken-den |
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Réalisateur:
FUKASAKU Kinji |
Année:
1983 |
Studio:
Kadokawa
Genre:
Chambara |
Avec:
YAKUSHI Hiroko
SANADA
Hiroyuki
CHIBA Sonny
SHIHOMI Etsuko
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(Au) Nom d'un chien !
Autrement plus réputé pour ses films de yakuza eiga, le réalisateur Kinji FUKASAKU colle au plus près de son temps pour signer une étonnante adaptation heroic-fantasy du fameux roman-fleuve japonais Nanso Satomi Hakkenden (trad. litt.: L'histoire de huit guerriers aux noms de chien). Bien qu'ayant bien mal passé l'épreuve du temps par son aspect révolu, le résultat bancal ne manque pas de charme.
La légende veut que les Satomi aient défait les Hikita sur fond de sorcellerie et de batailles. Un siècle plus tard, les rares survivants prennent leur revanche en exterminant à leur tour leurs adversaires. Pour parfaire leur vengeance, ils doivent sacrifier l'héritière du Clan adverse, Princesse Shizu, pour satisfaire leurs Dieux et acquérir la vie éternelle. La chasse est ouverte. Shizu tente de rallier les forces de son oncle. En route, elle apprend qu'elle est la clé de l'éventuelle défaite des vils ennemis; pour ce faire, elle doit retrouver huit samouraïs, porteurs de mystérieuses boules magiques (sic).
Depuis la fin de l'engouement pour les films de yakuzas dans la seconde moitié des années '70s, le réalisateur Kinji FUKASAKU diversifie les genres en acceptant essentiellement des travaux de commande. Après son précédent "Les évadés de l'espace" pour surfer sur la vague de succès des Star Wa", il s'engouffre cette fois dans la brèche ouverte par les "Conan" et pléthore de productions (fauchées) d'heroic fantasy à envahir les écrans au début des années '80s. "La légende des huit Samouraï" est une nouvelle libre adaptation du roman-fleuve Nanso Satomi Hakkenden après une première adaptation – en trois parties d'une heure – de 1958, une autre en 1966 (Eleven samura") et avant la fameuse série d’anime en 13 parties Hakkenden en 1993. Se basant sur des anciennes légendes chinoises, le populaire romancier Bakin TAKIZAWA (1767-1848) avait mis près de 28 ans pour conclure son ambitieuse saga en 106 volumes, terminant même par dicter les livres à sa belle-fille après avoir perdu l'usage des ses yeux. En écrivant lui-même le scénario, FUKASAKU a l'intelligence de ne couvrir qu'une infime partie de l'œuvre; il ne retrace par exemple l'importante première partie explicitant les origines de la malédiction que sous forme de dessins (à noter la curieuse réécriture de la véritable légende, attribuant carrément un chien pour époux à la princesse, alors que dans le roman il s'agit d'un homme, Yatsufusa…). Au risque de déplaire aux fans du roman, le réalisateur a le mérite de ne pas s'embarrasser avec multitudes de personnages et de sous-intrigues entendant avant tout se dédier tout entier à un épisode complet de la légende.
Quant au choix de la forme de cette adaptation, il y a de quoi rester bien plus dubitatif. En pleine période des kitschissimes premières adaptations d'heroic fantasy, de nombreuses cinématographies tentent de surenchérir. En tête, les italiens avec leurs nombreuses séries de "Barbarians"; mais aussi Hong Kong avec Buddha's Palm ou Holy Flame of the Martial Worl"… Fort de leur culture populaire médiévale, de la créativité foisonnante des leur mangakas et des séries à succès des sentais (super-héros combattant des monstres), le Japon tenait là tous les ingrédients nécessaires pour s'engouffrer dans la brèche ouverte.
La promesse d'un magnifique spectacle n'a peut-être pas été tout à fait tenue. La première raison est indéniablement une technologie cinématographique loin d'être au niveau des ambitions affichées. Les effets spéciaux artisanaux souffrent de leur aspect bancal. Les monstres caoutchouteux paraissent comme tels et sont visiblement activés par des grosses ficelles; le mythique affrontement avec un mille-pattes ou des serpents volants deviennent ainsi de grands moments d'hilarité générale. La seconde raison est la volonté du réalisateur à coller au plus près de son époque. Coiffures punks ringardes, vêtements à paillettes et denses chevelures ont pris un sacré coup de vieux; sans parler des décors clinquants. Comme fond musical, les compositeurs ont opté pour de bons vieux synthés envahissant bruyamment l'image de leurs accords métalliques en parfait décalage avec ce qui se passe à l'image. Seul coup d'arrêt : la ballade "White Lightning" entamée par un irlandais en plein milieu du film pour accompagner une scène d'amour. Un autre grand moment de ridicule.
Enfin, une troisième raison est sans aucun doute l'aspect purement mercantile. Produit par le groupe de presse japonais KADOKAWA HARUKI JIMUSHO*, le film devait avant tout servir de véhicule à la populaire star Hiroko YAKUSHIMARU, mais également pousser la vente de bon nombre de produits dérivés de la production – la réédition des romans originels en tête. Curieusement, FUKASAKU n'accorde que peu d'importance à l'actrice, malgré son rôle-clé certain, mais préfère s'attarder sur les autres personnages ou les scènes d'action.
Pourtant, une sorte de magie ne tarde de s'opérer en cours de film et il ne tient que par le seul talent du réalisateur Kinji FUKASAKU. Au-delà de l'apparence datée et du manque de budget, Legend of the eight samoura" tient la route grave à son scénario efficace et son statut de film de genre parfaitement assumé. L'action est fluide et trépidante, réservant de nombreux rebondissements et revirements de situations inattendues. Quant à l'univers si particulier des films d'heroic fantasy, FUKASAKU prend le pari de réaliser un divertissement ne pas se prenant pas au sérieux. Tout à fait conscient de ses limites, FUKASAKU assure pourtant une mise en scène rarement aussi maîtrisée sur ce genre de films, faite d'amples mouvements de caméra pour exploiter à fond les grands décors et vastes scènes d'action, scrutant ses personnages durant les moments plus intimes ou intenses. Typique du statut atypique du réalisateur, le métrage récèlz de nombreux moments comiques, comme une surprenante apparition d'un des personnages clés en sosie de tarzan ou l'ironique réécriture de la légende originelle, accoquinant la princesse…à un chien. Bien évidemment, les bonnes intentions ne font pas du film un chef-d'œuvre mais réussissent à assurer un divertissement sans temps morts.
Le seul véritable reproche à faire serait le manque d'approfondissement de la personnalité des différents samouraïs. Nanti d'un excellent casting et passant une bonne partie du film à détailler la laborieuse recherche des différents membres de la future communauté, FUKASAKU sacrifie le gros des personnages au seul profit de ses protagonistes principaux…et du personnage incarné par la vedette de l'époque : Sonny CHIBA.
Malgré son aspect suranné et un résultat pas toujours à la hauteur de ses ambitions, le film reste une curiosité dans la riche carrière du réalisateur désormais mondialement célèbre. Un témoignage d'un genre toujours sous-exploité et l'honnête adaptation d'un roman-fleuve difficilement transposable à l'écran.
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KADOKAWA HARUKI JIMUSHO est une multi-nationale comparable aux
plus grands studios hollywoodiens. Géré par Haruki
KADOKAWA dès les années '70s, il a su créer
un véritable empire au sein des médias. Outre
l'édition des livres, il s'est forgé une solide
réputation en produisant (et réalisant lui-même)
bon nombre de films-blockbuster, dont certains ont été
des succès historiques au box-office. Une sombre histoire
d'inculpation pour trafic de drogue, puis une lutte contre un
cancer ont mis le mogul hors de combat durant les années
'90s. Actuellement, il revient sur le devant de la scène,
en produisant notamment le mega-blockbuster Yamato : The
Last Battle.
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