.Lost Paradise
 
Titre original:
Shitsurakuen: jôbafuku onna harakir-
   
Réalisateur:
AKITA Masami
Année:
1990
Studio:
Kinbiken
Genre:
Horreur
Avec:
MOCHIZUKI Asako
NUREKI Chimuo
HASEGAWA Toshiro
SUNOHARA Yuri

Sayonara

Au cours de l’année 1985, Akio Fuji et le maître ès-bondage Chimuo Nureki fondèrent le Kinbiken (raccourci pour Kinbaku-Bi Kenkyuukai), un cercle d’amateur au statut underground qui avait pour objectif de perpétrer toute la charge fantasmatique d’un univers sadomasochiste typiquement nippon. En fixant sur pellicule des exactions fortement ancrées dans l’imaginaire collectif, les producteurs se proposaient d’offrir une alternative traditionaliste au marché vidéo de l’érotisme/gore alors en plein boom. La série des Zankoku-bi:  Onna-Harakiri reste à ce titre la plus emblématique, offrant de multiples variations centrées autour du suicide rituel invariablement exécuté par des femmes en uniformes (écolière, militaire, office lady,..). Tout l’intérêt de la série tient dans son postulat : associer la douleur du rituel à une dimension sexuelle orgasmique. De par son dépouillement et son concept, ce type de production est d’ailleurs plus à rapprocher d’un happening artistique que d’une banale pellicule d’exploitation.

L’artiste polymorphe Masami Akita (Merzbow) , abonné aux univers étranges, se trouva presque logiquement affilié à la structure. S’il livra dans un premier temps une superbe bande son atmosphérique pour le 4ème opus de la série (Schoolgirl Harakiri), l’artiste s’impliqua plus en amont en passant derrière la caméra lors de la 9ème itération intitulée Shitsurakuen (Lost Paradise). Si le concept n’évolue pas d’un iota (une militaire se suicide), on note l’ajout relativement inutile d’une introduction/conclusion inscrivant l’épisode dans une réalité indéfinie (résurgence nostalgique de la seconde guerre mondiale ou simple ‘fantaisie’?). De courts passages brisant la tension insufflée par l’unité de personnage et de lieu (une femme, une scène) où l’on note l’apparition éclaire de Chimuo Nureki et Yuri Shinohara (productrice de la série). Cependant le cœur du métrage, approchant la demi-heure, reste toujours aussi tendu pour dépasser un concept  qui s’épuise inévitablement avec le temps. Enrobant la performance d’un décorum militariste dont l’on a appris à se méfier (à rapprocher du Yukoku de Mishima), Akita brise par instants le cachet statique de l’ensemble en recourant à une caméra plus mobile qu’a l’accoutumée n’hésitant pas à fixer dans la durée les détails gores des intestins fraîchement déposés sur le sol.  A comparer avec l’éprouvant et réussi Schoolgirl Harakiri, Lost Paradise met plus l’accent sur la douleur/plaisir physique que sur la dimension sexuelle (absence de métaphore couteau/pénis et autre culotte rougeoyante). La posture de l’actrice (Asako Mochizuki) confirme d’ailleurs cette orientation, le visage offert et extatique de la jeune écolière laissant place à une femme à la chevelure tombante masquant son visage et mettant en valeur la détermination et la tension de son corps. Loin d’un harakiri classique au déroulement rapide ; la peinture viscérale de l’acte s’attarde longuement sur le couteau pénétrant lentement la chaire avant de couper transversalement l’abdomen de la future victime. Si les effets spéciaux s’avèrent relativement corrects, la distanciation est encore tout de même présente. La force de l’expérience provient avant tout de la prestation convaincante de l’actrice et du pouvoir de suggestion lié à la dilatation du temps. Plus encore que dans Schoolgirl Harakiri où la victime ‘jouait’ avec ses intestins pendants, la force macabre de ce petit théâtre fétichiste est mise en avant. Voir ces plans complaisants d’intestins étalé sur le sols ou encore la lente agonie finale de la femme dans ses dernières convulsions.

Nouvelle variation d’un concept qui livrera encore de nombreux avatars. Akita signe une culterie sans surprise mais à l’impact toujours aussi marquant grâce une tension viscérale certaine et une force graphique par instant saisissante. On regrettera juste une bande sonore moins tendue et présente que dans son précédant travail. Par la suite, Akita n’abandonnera par le support vidéo et expérimentera divers courts-métrages dont sa dernière participation Kinbiken pour livrer Hotai kaibo onna, un court faisant partie d’un projet commun avec Romain Slocombe (Kega shita joshidaisei, soit l'étudiante blessée).

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Martin Vieillot