Titre
original:
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Réalisateur:
SOMAI Shinji |
Année:
1985 |
Studio:
Nikkatsu
Genre:
Roman-porno |
Avec:
HAYAMI Noriko
TERADA Minori
SHIMIZU Kiriko
NAKAGAWA Rie |
dre |
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Froid
Septième réalisation de Shinji Somai, Love Hotel marque l’unique rencontre de l’auteur avec le genre du roman-porno. Coproduit avec la Directors Company, le film témoigne directement d’un statut particulier de part sa capacité à témoigner d’une véritable vision d’auteur, composante si rare dans un système de production en pleine agonie. Si le scénario compte un Takashi Ishii délaissant un temps sa série des Angel Guts, on y retrouve à l’identique son cachet pessimiste si caractéristique, ainsi que les deux personnages récurrents qui parcourent son œuvre : Nami Tsuchiya et Tetsuro Muraki, ici en éditeur au bord de la faillite qui pour survivre s’endette auprès d’un yakuza usurier. Ne pouvant honorer ses créances, le gangster se venge en violant sa femme. Désespéré de la vie, Muraki décide de mettre fin à ses jours. Mais avant de passer à l’acte, il décide de s’offrir une nuit érotique torride en se payant une prostituée (Nami) ...
Abordant avec culot son sujet, Somai évacue d’emblée l’impératif sulfureux du genre en guise d’introduction (une scène de viol glauque filmée dans la longueur) pour ensuite tisser librement son récit en conférant une approche réaliste aux autres passages érotiques ; des rapports amoureux tendres et consentis filmés dans la durée en plan-séquences statiques appuyant la triste normalité des ébats et offrant des espaces de relâchements intimes participant à plein à la description psychologique du couple. Récit sur les retrouvailles impromptues d’une prostituée et son client deux années plus tard, Love Hotel offre la peinture d’une société lugubre aux rapports humains déshumanisés. Jouant à plein sur la monotonie de la narration, Somai déroule avec lente douleur le fil amer de personnages balancés entre errance et échanges humains fragiles. Une caractéristique rythmique remarquable qui en dépassionnant le récit appuie le spleen d’univers urbain au bord de la fêlure sous son aspect calme. Une tension souterraine naît de cette apathie que Somai met en contraste avec ses séquences d’errance hors du temps qu’une bande-son mélancolique accentue avec justesse sans surligner. Film profondément atmosphérique jouant sur la fragilité de l’instan et le rapport à l’extérieur (nombreuses de scènes de pluies nocturnes s’opposant aux intérieurs blafards et oppressants), Love Hotel se construit sur un découpage extrêmement réduit faisant du recours systématique aux plans-séquences son particularisme premier.
Autant d’éléments qui participent à une approche cinématographique radicale aux antipodes des dérives du cinéma érotique commercial alors en cours. Une chronique contemporaine dépassionnée qui sous ses faux airs de normalité trahit une angoisse tragique et existentielle à peine contredite par l’éclair d’optimisme de la séquence finale onirique où un tourbillon de fleurs s’élève en pleine rue. Une oeuvre résolument à part dont l’approche existentielle se perpétuera après la mort du roman-porno chez Takahisa Zeze et Hisayasu Sato, des cinéastes érotiques qui émergeront à la fin des années 80.
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