.Lupin 3rd - Strange Psychokinetic Strategy
 
Titre original:
Rupan sansei: Nenrikichan sakusen
   
Réalisateur:
TSUBOSHIMA Takashi
Année:
1974
Studio:
Toho
Genre:
Comédie
Avec:
MEGURO Yuki
EZAKI Hideko
TANAKA Kunie
ITO Shiro
Roi de la cambriole

Créée pendant l’été ‘67 par Kazuhiko Katou (plus tard nommé Monkey Punch), la série des Rupan Sansei (Lupin 3rd) fut d’abord un bouche-trou du magazine Weekly Manga Action avant de vite s’imposer devant les retours enthousiastes du lectorat. Ce manga d’aventure/action prend pour personnage principal un dénommé Lupin, arrière petit-fils imaginaire du héros de Maurice Leblanc, engagé dans de trépidantes aventures de par le globe. Accompagné de ses charismatique acolytes aux spécialités affirmées (tireur, voleur, sabreur,..), le Lupin de Katou imposa un style aux influences encore parfaitement décelables plusieurs décennies plus tard. Si les anime surent parfaitement retranscrire l’âme du manga ( notamment Le château de Cagliostro de Hayao Miyazaki), l’adaptation cinéma s’avère malheureusement bien moins convaincante. Le récit oppose deux entités criminelles (la ‘gentille’ representée par Lupin, la ‘méchante’ par une pseudo-mafia crétine) à la recherche d’un trésor national. Lupin s’en empare au nez et à la barbe des mafieux qui le poursuivront pour l’abattre. S’en suivront course-poursuites et caches-caches (trop peu) débridés où moults personnages se croiseront et s’agiteront sans grand enjeu. Pour porter sur écran cette (unique) adaptation live en cette année ‘74, la Toho se tourne vers Takashi Tsuboshima. S’il réalise la même année Demon Spies, un laborieux jidai-geki à tendance ero-guro, le réalisateur n’en reste pas moins surtout attaché aux mélanges d’action & comédie comme dans l’emblématique série des Crazy Cats durant les années soixante. Pas étonnant dès lors de voir Lupin 3rd comme un décalque frileux de cette formule d’entertainement plutôt qu’une réelle tentative adaptation du manga originel. Les personnages, tout autant grimés qu’ils sont, n’existent que par gimmicks et lointains échos aux héros originels sans posséder une consistance propre (Lupin est incarné par un Yuki Meguro particulièrement fade). Tracés sans nuance à grandes lignes, le récit s’articule sur une succession de vignettes inégales et sans liants aucun, les personnages de Lupin, Jigen et Zenigata offrant chacun des séquences propres indépendantes au vague fil conducteur.  Si cette accumulation qui n’accouche d’aucun enjeu scénaristique n’est pas forcément irrécupérable, le rythme claudiquant condamne définitivement le métrage.

Assumant pleinement son statut pop-décalé dans certains moments (des nonnes dissimulent en fait les Poppies, un groupe pop se fendant d’une sympathique chorégraphie ironique), le reste de l’intrigue est coupable de fâcheux égarements entre amourettes, cambriolages et héros omniprésent. Le budget modeste qui n’autorise que peu d’extravagances aventureuses typiques du manga entraîne le film vers la comédie pataude où le lassant comique de répétition outrancier ne met que plus en abîme l’artificialité du projet. Les passages romantiques sont un peu plus réussis, le personnage malicieux de Fujiko Mine offrant enfin un peu de répondant à son alter-égo masculin. Plus intéressant, la mise en scène s’autorise par moments des expérimentations visuelles directement tirées de son modèle de film d’animation : superposition des plans (pour figer Lupin dans les airs), inserts graphiques (pour illustrer une scène de sexe) ou accélérations bennyhillesque. Unique tentative d’adaptation live d’un matériau pourtant très riche, Lupin n’atteint à aucun moment les instants charmants et extravagants de ses modèles papiers et animés. Reste quelques situations gagesques osées qui arrachent un sourire et un charme d’époque qui ne pèsent pas bien lourd face à un héros peu charismatique et un sens comique défaillant qui a bien mal vieilli.

 

Martin Vieillot

Disponible chez Discotek