.The Most Dangerous Game
 
Titre original:
Mottomo kiken na yügi
   
Réalisateur:
Murakawa Toru
Année:
1978
Studio:
Toei
Genre:
Yakuza-eiga
Avec:
Matsuda Yusaku
Tasaka Keiko
Araki Ichirou
Uchida Asao
 dre
Jeux dangereux

Les forces en présence

Tout commence, comme tout film produit par la Toeï, par l'image de rochers envahis par les vagues. La musique s'arrête à mesure que l'image se fond au noir avec un léger son de synthétiseur. Première image, Tokyo à l'aube, des buildings, la caméra recule puis arrive d'un coup le titre: Mottomo Kiken na yügi (litteralement, le jeu le plus dangereux). Une musique lancinante, un blues mélancolique, avec un joli son de trompette, nous montre que l'on est dans un film interprété par Yusaku Matsuda, réalisé par Tôru Murakawa et produit par son mentor Kinji Fukasaku.

Tôru Murakawa est un grand artisan méconnu. Arrivé trop tard dans le genre en plein declin, il n'aura pas l'occasion de s'exprimer à sa juste valeur et son nom reste encore totalement inconnu en Occident. En plus d'avoir réalisé les meilleurs épisodes d'Oretachi no Kusho, de Daitokaï et de Tanteï Monogatari, il tournera cinq films avec Yusaku Matsuda. The Resurrection of the Golden Wolf ; une relecture version Yakuza-eïga de Dr Jeckyl & Mr Hyde, The Beast must die! ; un magnifique Taxi Driver nippon et la trilogie du tueur à gages Shoeï Narumi composée de The Most Dangerous Game, The Murder Game et de The Execution Game. Il a aussi tourné les films de la série TV ; The Dangerous Détective. Sera organisé au mois de Mars au Japon, une rétrospective qui lui sera consacré. Revenons à la trilogie Yûgi, je vais ici vous parler du premier volet. En tant qu'héritier privilégié de son mentor Fukasaku, rien de mieux que de livrer un polar teigneux avec des gangsters aux trognes patibulaires, une jolie femme à la peau de pêche, des flics pourris jusqu'à l'os et au milieu de tout ça ; un nettoyeur nommé Yusaku Matsuda. Si avec ça on n'obtient pas un excellent film, alors c'est que vous avez une définition du polar qui m'échappe.

Résumé détaillé (Attention, la critique a été réalisée à partir de la VO non sous-titrée, donc il peut y avoir des erreurs. Je m'en excuse à l'avance)

Most Dangerous Game commence sans temp mort ; dès le court générique terminé, la police est sur les lieux d'un assassinat d'un parrain de la pègre. Un autre gangster est lui aussi menacé puis kidnappé. Un tueur du nom de Shoeï est appelé par son boss pour retrouver le gangster kidnappé. Pour cela, il couche avec Kyoko, la femme du kidnappeur. Une fois les informations nécessaires à sa mission reçue, il part sur le terrain, s'adonnant à une jolie fusillade dans le noir et en plan-séquence. Une fois le truand sauvé, il lui promet de protéger Kyoko. Shoei s'apprête à quitter les lieux lorsque soudain des balles sifflent et tuent le gangster.

Shoeï est grièvement blessé. Il veut dégager Kyoko pour mieux la protéger. Cette dernière refuse de quitter l'homme dont elle est tombée amoureuse (nous fait-elle un syndrome de Stockholm ?) et lui apprend qu'on l'accuse de l'assassinat du gangster. Il cherche à comprendre quand son boss lui donne une nouvelle mission ; celui d'abattre un rival. Lors de repérages, il est attaqué par des hommes patibulaires, qui se révèleront êtres des flics pourris. Le Jour-J de sa mission, tout se passe pour le mieux quand, au moment de se reposer, une horde de flics lui tirent dessus. Il échappe à la mort de justesse. Mais sa patience arrive à bout, il veut savoir qui tire les ficelles de ce jeu et lui faire payer.

Au moment de rentrer chez lui, il voit les ripoux enlever Kyoko. Shoeï les poursuit nous montrant des talents d'athlète (que l'on découvrira dans le film suivant : Satsujin Yûgi/The Murder Game). Une poursuite qui se terminera dans les docks avec une jolie fusillade qui enchaine tous les clichés du cinéma populaire (par exemple, le coup du faux mort protégé par une plaque de métal dans Pour une Poignée de Dollars). Après avoir fait ses adieux à sa compagne, dans une scène magnifique et très romantique. Il part affronter les derniers truands belliqueux...

Avis

Most Dangerous Game est un vrai film noir. Non, Shoeï n'est pas un tendre, il passe le plus clair de son temps dans un état de spleen perpétuel, se préoccupe plus d'arnaquer ses camarades pendant une partie de mah-jong ou d'une séance de peep-show. Mais il sait aussi être un véritable héros lorsque les circonstances l'impose, surtout en présence de Kyoko. Lorsqu'elle est kidnappée par des policiers véreux, il court des kilomètres durant pour la sauver. Quand ils s'échangent un magnifique baiser d'adieu, on se dit que comme dans tout bon yakuza-eïga, on ne reverra pas la jeune femme de sitôt. Le générique de fin nous donnera tort et annoncera de nouvelles aventures. Bref, Yusaku Matsuda/Shoeï est l'incarnation même du héros cool, mystérieux et dangereux.

La musique est surprenante et enthousiasmante, mélancolique et en même temps très expérimentale. Lors des scènes de meurtres, on passe d'une musique semi-industrielle (un mélange entre Eno et les Throbbing Gristle en beaucoup plus doux) à une musique proche de la blaxploitation en passant par une mélodie de western morriconien ou un blues très froid. Cette bande-son étrange colle parfaitement au côté seventies du film et en même temps, est très annonciatrice des eighties. La mise en scène est impeccable comme dans tout bon film de genre nippon qui se respecte, la fusillade en plan-séquence impressionne de maîtrise. La course-poursuite dans la ville, la fusillade sur les docks et plein d'autres moments d'anthologie témoignent du talent de Murakawa derrière la caméra. La mise en scène alterne une réalisation nerveuse quasi-documentaire avec des plans plus travaillés lors des moments de calme. Le scénario jouissif enchaîne figures imposées avec des scènes plus surprenantes, notamment un excellent twist final digne des plus grands films de gangsters. Plein d'idées et d'audaces donnent une saveur toute particulière à ce film dont la filiation avec les polars teigneux de la Toei est évidente et évoque les noms des grands spécialistes maison que sont Sadao Nakajima et Kinji Fukasaku. Un excellent film vivement recommandé et qui fait parti des grands classiques de Matsuda.

 
Mohamed Bouaouina