.Miyamoto Musashi (1954-56)
 

Miyamoto Musashi : Master Swordsman (Miyamoto Musashi) 1954
De : INAGAKI Hiroshi  Avec : MIFUNE Toshiro, MIKUNI Rentaro, ONOE Kuroemon, YACHIGUSA Kaoru      

Le réalisateur vétéran Hiroshi INAGAKI signe un ambitieux remake de sa propre première trilogie de la célèbre légende du légendaire guerrier Miyamoto MUSASHI. Bénéficiant d'un grand budget pour assurer une fresque historique de haute tenue, l'Oscar du meilleur film étranger de 1956 a – depuis – pris du plomb dans l'aile.

De retour du champ de la fameuse bataille de Sekigahara, le jeune Shinmen TAKEZO n'est plus le bienvenu dans son village natal. De nature colérique, il lui est reproché la supposée mort de son comparse Matahachi, parti à la guerre en même temps que lui. Traqué, TAKEZO ne doit son salut qu'à Otsu, la fiancée de Matahachi et au prêtre Takuan. Ce dernier tente d'inculquer savoir et discipline au jeune homme pour en faire un respectable samouraï. 

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Le début des années 50 voyait au Japon une reprise de la fébrilité économique cinématographique. Alors que le pays était en pleine reconstruction, aller se réfugier dans les salles obscures devient rapidement un populaire échappatoire à la misère quotidienne. Brimés par l'occupant américain, les studios avaient fort à faire face à la sévère Commission de Censure américaine, leur imposant de structures narratives à la gloire de la démocratie et interdisant tout un pan de genres populaires auparavant (représentation de la féodalité; glorification du hara-kiri ou des voies traditionnelles du bushido). Cette répression allait tout de même en se relâchant avec les années. Le début des années 50 avait vu la surprenante glorification mondiale du cinéma japonais suite au tonitruant succès de Rashomon d'Akira KUROSAWA. Conscients des débouchés extraordinaires d'une possible exportation de leurs productions à l'étranger, les studios surenchérissaient pour tenter de vendre leurs métrages. A l'époque, le réalisateur Hiroshi INAGAKI était déjà un vétéran des studios. Ayant débuté comme enfant acteur aux débuts du cinéma, il s'était taillé une solide réputation en réalisant en 1928 son premier film Horo zanmai (The Wandering Gambler) à l'âge de 22 ans; par la suite il avait enchaîné maintes populaires productions, notamment dans le jidai geki (films en costumes), et était régulièrement cité comme "maître à penser" d'illustres cinéastes comme MIZOGUCHI. Dans l'après-guerre, sa réputation commençait sérieusement à se ternir et il souffrait de n'être que le "second" affilié des studios de la Toho, derrière…Akira KUROSAWA. Ne pouvant en aucun cas prétendre au même génie de son illustre confrère, il dévaluait – voire dénigrait – son travail au fil des années. Malgré quelques succès mérités – dont les futurs Rickshaw Man (1958) et les deux Ninja Scrolls – il ne sut se débarrasser se son étiquette de réalisateur académicien classique et évoluer avec son temps. Après des maigres travaux durant les années 60, il ne trouvait plus de financiers prêts à investir dans ses ambitieux projets coûteux. Après un ultime Machibuse en 1970, il tombait sous l'emprise de l'alcool jusqu'à en mourir en 1980.

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1954 allait pourtant être une faste année pour ce classique réalisateur méconnu et allait lui permettre de grignoter quelques points à son compteur personnel face à son "adversaire" KUROSAWA : INAGAKI reçu le feu vert par les studios de la Toho pour signer une nouvelle adaptation de la célèbre légende du guerrier Miyamoto Musashi (pour plus d'informations concernant ce fameux personnage, se reporter à la critique de la version de 1961). Déjà sujet à de nombreuses adaptations littéraires, théâtrales et cinématographiques par le passé – dont une trilogie signée des mains du cinéaste lui-même en 1940 – cette nouvelle série de films allait se voir alloué un budget conséquent pour assurer un spectacle prestigieux. INAGAKI y vit l'heureuse opportunité de convaincre le monde entier de son "génie créatif"; le pari ne sera qu'à moitié réussi : certes récompensé en 1956 d'un Oscar du meilleur film étranger, son métrage souffrait dès sa sortie de l'a concurrence du superbe Sept Samouraïs réalisé la même année mettant ainsi en évidence le fossé qui séparait INAGAKI de KUROSAWA; le combat d'un artisan acharné contre un réel génie. Un combat encore moins spectaculaire que le duel final entre MUSASHI et Kojiro SASAKI. Ce n'était pourtant pas peine d'avoir essayé : dès les premières images, le film brille par ses méticuleux décors. Se payant le luxe d'être tourné en couleurs – pas encore une constante à l'époque – le métrage baigne dans une douce teinte jaunâtre du meilleur effet. Le village de Musashi est un superbe plateau intérieur des studios et montre dès le départ un arbre élancé, qui sera un important élément par la suite du film. Si Musashi brave les interdits en y montant à l'échelle pour aller voir les déplacements des troupes se préparant à la bataille, ce sera sur la même branche sur laquelle il est assis qu'il sera pendu pour expier colère et fautes. Un seul long travelling le long d'un champ de bataille dévasté réussit à rendre compte de la violence des combats entre troupes. Reconstitution de l'issue du terrible affrontement entre les clans Tokugawa et Toyotomi en 1600  pour la suprématie du Japon unifié, la vision fait planer les âmes de plus de 50.000 soldats tombés en un peu plus de 24 heures. Du côté des perdants, TAKEZO (futur Miyamoto) et MATAHACHI sont les seuls survivants. Gravement blessés, ils réussiront à trouver refuge auprès de deux femmes. A l'instar du couple d'Onibaba ou Kuroneko, elles dépouillent les cadavres des samouraïs tombés à la bataille pour revendre leurs affaires et gagner de l'argent. Alors que TAKEZO fait déjà preuve d'une surprenante détermination à refuser les avances des femmes, MATAHACHI succombe aux intérêts de l'aînée et finit par s'enfuir en compagnie des deux dames.

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Adaptation voulue fidèle, ce premier volet s’écarte dès le début d’une soit disant respect au matériau d’origine. L'introduction fait la totale impasse sur les origines du futur guerrier, qu’on disait fils d'un célèbre bretteur mort en duel, alors que le garçon n'avait que sept ans. Elevé par les prêtres, l'enfant était réputé avoir tué son premier adversaire à l'âge de treize ans, puis un autre à 16 ans avant de partir sur le champ de bataille. Dans le film, peu n'est dévoilé de son passé et Musashi ressemble davantage à un paysan. Sa fascination pour les armes et son talent certain restent ainsi d'autant plus obscur pour celui peu familiarisé avec la légende. Surprenant peut également sembler l'acharnement des villageois au retour du samouraï qui tombe bientôt en disgrâce. Accusé de ne pas revenir accompagné de Matahachi, il sera carrément traqué et obligé de vivre reclus aux abords de la ville. Non seulement, cette violente réaction est peu compréhensible, mais le sera tout autant l'étrange comportement colérique de TAKEZO à vouloir la mort de ses anciens voisins. Du coup, l'épisode se traîne en longueur alors que sont pourtant introduits de nouveaux personnages : Otsu, l'ancienne fiancée de Matahachi  et le prêtre Takuan, futur mentor de TAKEZO. Tous deux indispensable dans la suite de la trilogie, ils ne sont pourtant que peu dépeints. Un choix d'autant plus regrettable, que le prêtre dispose de beaucoup de charisme et semble motivé par de troubles desseins. La première capture, puis l'enseignement final de TAKEZO semblent du coup insuffisamment développés et mal exploités. La pendaison du fougueux guerrier aurait pu donner lieu à une magnifique scène de révélation, à l'instar de la scène de Sugata SANSHIRO dans la mare dans La légende du grand judo…d'Akira KUROSAWA; au lieu de cela toute tension dramatique est désamorcée par une simple transposition plan-plan de l'histoire du livre originel. De même que la troublante relation avec Otsu ne sera jamais véritablement exploitée tout au long de la trilogie – ni dans les autres remakes d'ailleurs. Curieux élément noyé dans les folles aventures de Miyamoto, ses rapports avec l'ancienne fiancée de son ami, sont pour le moins troublantes. La rejetant au profit de l'amour pour son épée (sic), il demandera toujours de l'attendre tout en la rejetant. Clé essentielle à son accomplissement personnel, son personnage ne sera pourtant jamais exploité à sa juste valeur…  Là réside d'ailleurs tout l'échec de l'adaptation d’Hiroshi INAGAKI : bourré de bonnes intentions, il n'arrive pourtant ni à convaincre comme un talentueux metteur en scène, ni comme un conteur confirmé. Si ses images sont certes de belle qualité, la mise en scène est d'un plat académisme sans aucune implication. Pour la plupart des plans larges statiques, il privilégie l'espace pour capter l'ensemble du décor et l'action qui s'y déroule. Quant à l'histoire, la cahoteuse narration épisodique ressemble davantage à une laborieuse copie sans liant des scènes les plus importantes du livre originel qu’à un savant mélange cohérent. D'un rythme très lent, INAGAKI ne s'attache pourtant jamais à la profonde psychologie de  personnages seulement effleurés. Un comble pour la complexe histoire de l’accomplissement personnel d'un homme!

Cette nouvelle adaptation de la célèbre légende du légendaire guerrier confirme toutes les critiques reprochées au travail du réalisateur vétéran Hiroshi INAGAKI : un honnête artisan, il n'a pourtant aucun style propre et se contente de transposer simplement les aventures du samouraï / rônin en devenir. Comme couchée sur du beau papier glacé, la laborieuse histoire ne fait pas illusion très longtemps et déçoit par sa simple transposition sans engagement personnel.     

Miyamoto Musashi : Duel at Ichijoji Temple (Zoku Miyamoto Musashi : Ichijoji no ketto) 1955
De : INAGAKI Hiroshi Avec : MIFUNE Toshiro, KOGURE Michiyo, ONOE Kuroemon, YACHIGUSA Kaoru           

Suite de la voie de l'accomplissement du célèbre rônin bretteur. Afin de condenser la riche intrigue en une simple trilogie, Hiroshi INAGAKI fait l'impasse sur une bonne partie du livre. Toujours pas exempt de certains défauts, les nombreux rebondissements et la spiritualité plus profonde en augmentent la qualité de ce second volet.

Trois ans après avoir été enfermé par le prêtre TAKUAN, TAKEZO a accompli son enseignement. Refusant l'offre faite de rejoindre les rangs d'un Seigneur féodal, Musashi préfère se consacrer à la suite de son cheminement personnel. Partant pour Kyoto, il décide de défier une fameuse école d'escrime. En chemin, il croise les amours éplorés d'Otsu, mais également d'Akemi.

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Suite directe des précédentes aventures de Miyamoto Musashi, l'intrigue reprend à la fin de son apprentissage des livres. Avide de mettre en pratique les théories acquises, il part pour Kyoto afin défier des adversaires potentiels. L’entame de film donne le ton des légers changements effectués par INAGAKI par rapport au précédent : dans la profonde nuit, éclairé par la seule lune, le rônin bretteur affronte le redoutable adversaire BAIKEN. Employant déjà sa fameuse technique des "deux sabres" (une lame plus longue que l'autre), il en vient à bout – non sans mal. Un prêtre témoin de la scène complimente Musashi sur son talent mais lui confie qu’il manque encore de l'art et la manière des vrais samouraï. Episode plus sombre, Musashi entame également la seconde partie de son cheminement personnel, l'amenant à réfléchir sur sa propre manière à se comporter. Avide d'acquérir la réputation de meilleur bretteur, il n'a compté jusqu'à présent que sur sa seule force brute pour acquérir des techniques invincibles et frapper l'adversaire de toutes ses forces. Son combat contre Baiken – et surtout l'intervention du prêtre – lui auront ouvert les yeux sur une spiritualité plus profonde à développer. Se rapprochant une nouvelle fois du schéma véhiculé dans La légende du grand judo de KUROSAWA, Musashi – à l'instar du judoka Sugata SANSHIRO – ne sait devenir le meilleur qu'en apprenant la quintessence même de l'art du combat. Cet état d'esprit lui sera également inculqué par sa malheureuse relation avec Otsu : finalement prêt à lui accorder son attention, il se laisse une nouvelle fois déborder par ses propres sentiments et la malmènera de par sa force brute qu’il ne sait canaliser. Profondément choqué par sa propre attitude, il la délaissera à nouveau, mais en ayant assimilé une nouvelle leçon propre à le guider (et de s'accomplir dans le futur troisième épisode).

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En cela, la quête de Musashi est une magnifique fable sur l'éveil d'un homme à soi. Malheureusement, les différentes adaptations ne se sont jusqu'à présent que très peu montrées à la hauteur du postulat. Et à INAGAKI de réitérer les défauts du premier opus. Si l'histoire – notamment grâce aux importantes coupes par rapport au livre originel – est plus concentrée et s'engage davantage sur une voie spirituelle et plus intimiste, le cinéaste a une nouvelle fois du mal à illustrer le for intérieur de Musashi. Non seulement, il n'explique aucunement les fulgurants progrès au sabre réalisé par le héros, mais très peu d'informations sont livrées sur l'essence même de l'éducation prodiguée à l'ancien homme des terres. En étudiant trois ans durant des livres, assis par terre,  Miyamoto aurait donc acquis une force phénoménale et la rare capacité de battre n'importe quel adversaire ? Si la solitude a dû émousser ses accès colériques, il supporte pourtant particulièrement bien la proximité d'autrui – sauf dans le cas contraire requis par nécessité au scénario. Bref, alors que l'intitulé même de la trilogie originelle suppose une série toute entière dédiée à un seul homme, le soin apporté à l'approfondissement de son personnage manque cruellement de fond. Il en va de même pour les personnages secondaires : les rapports avec les éplorées Otsu et Akemi sont à la limite du ridicule, tant elles apparaissent et disparaissent au gré du scénario pour se faire rejeter d’une manière bien impropre par un soit disant érudit. Ses relations avec le sexe opposé en deviendraient quasiment suspectes, lorsqu'il est – au contraire – en présence de petits garçons; le cas sera encore plus flagrant dans l'adaptation signée des mains d'UCHIDA.

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Ce nouvel échec concernant l'essence même du personnage est d'autant plus regrettable qu'il dispose de l'incarnation rêvée du fameux bretteur en la présence du fougueux acteur Toshiro MIFUNE.  Une nouvelle fois une allusion directe à son collègue de travail jalousé (KUROSAWA), INAGAKI a donc l'immense privilège de pouvoir mettre en scène l'immense populaire interprète. Connu pour sa fougue et son tempérament imprévisible, MIFUNE semble l'incarnation rêvée de l'indomptable samouraï en devenir. Impressionnant dans ses accès proches de la folie, alors qu'il était un homme traqué dans le premier épisode, cette dualité ne sera pourtant plus tellement exploitée par la suite, la cause à cette indécision scénaristique impropre à saisir cette subtile nuance. Reste quelques magnifiquement illustrés passages, dont le premier combat au clair de lune ou le somptueux affrontement d'un grand nombre d'adversaires au Temple d'Ichijoji mentionné dans le titre. Une nouvelle fois, d'INAGAKI se heurte aux limites de son talent créatif, en illustrant de fort belle manière une histoire platement adaptée sans aucune profondeur psychologique pourtant essentielle à la parfaite transposition de la légende.

Miyamoto Musashi :   Duel on Ganryu Island (Miyamoto Musashi kanketsuhen : ketto Ganryujima)  1956
De : INAGAKI Hiroshi  Avec: MIFUNE Toshiro, TSURUTA Koji, OKADA Mariko, SAGA Michiko

Suite et fin de la trilogie adaptée de La Pierre et le Sabre et de La voie de la lumière d'Eiji YOSHIKAWA. Après la "naissance d'un homme", puis la "naissance d'un guerrier", le dernier épisode voit "la naissance d'une légende" sans qu'INAGAKI réussisse une nouvelle fois à transposer la quintessence du roman originel. 

Au lieu d'accepter de devenir maître d'armes au service du Shogun, Musashi dépose ses armes pour se reconvertir en agriculteur. Son némésis, Kojrio SASAKI ne l'entend pas de cette oreille et convie finalement le réputé guerrier à un duel sur l'île de Ganryu.

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Ce troisième épisode verra finalement l'aboutissement du légendaire personnage du guerrier aguerri. Prenant petit à petit conscience de passer à côté de choses essentielles de la vie pour le seul amour de son épée, Musashi va chercher à se donner une nouvelle existence après ses dernières (malheureuses) retrouvailles avec Otsu. Il s'en va cultiver un lopin de terre – non sans reprendre son arme pour protéger les pauvres villageois des incessantes attaques de bandits locaux. Il ne pourra avoir l'esprit en paix sans avoir affronté un adversaire à sa taille. Le mystérieux Sasaki – apparu pour la première fois au cours du précédent épisode et tellement confiant quant à pouvoir vaincre son adversaire – semble tout désigné pour ce dernier duel. De cet affrontement naîtra véritablement la légende de Miyamoto Musashi. Bien que les versions divergent quant au déroulement et l'issue de leur oute, les deux hommes sont dits s'être retrouvés sur une île au petit matin. Peut-être supérieur en technique d'escrime, Sasaki va succomber à une ruse imaginée par son adversaire : muni d'une très longue épée, Musashi avait imaginé contrer la longueur de la lame par une épée taillée dans une rame en bois. D'un seul coup, il aurait assommé son adversaire (avant de le fendre de son épée; ou alors en lui broyant le crâne sur le coup – selon les sources). Bien que pouvant être interprété comme un acte peu fair-play, Musashi synthétise en un coup tout son savoir acquis au fil des années : savoir se battre tout en faisant preuve d'une supériorité intellectuelle pour contrer ses ennemis. Son accomplissement achevé, il est dit n'avoir plus jamais avoir recouru à ses armes pour se battre en duel. Sa réputation faite, il se consacra à la calligraphie et la peinture. Puis plus tard, il mettra ses talents au service de clans ou agira comme un maître d'armes pour de riches Seigneurs. Peu de temps avant la mort, il s'est retiré dans la grotte Reigendo du Mont Iwato pour écrire Le Traité de Cinq Roues ("Gorin no sho"), devenu un classique des livres de stratégies / arts martiaux de la littérature nipponne.

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Etre plus tourmenté que jamais, le troisième épisode ne le voit pas seulement mettre un terme à ses chères joutes, ni revenir vers un métier plus "terre à terre", mais également nouer un semblant de relations sociales. Atteignant finalement son but, il peut enfin promettre son amour à Otsu; et même se réconcilier avec Akemi. Toujours aussi peu à l'aise dans la description de la profonde psychologie de ses personnages, INAGAKI sait au moins signifier ce qu'il aimerait exprimer et sans être des modèles du genre, ces scènes parlent suffisamment d'elles-mêmes pour pouvoir toucher juste. Sinon, les mêmes défauts depuis les débuts de la trilogie persistent, en ne réussissant que d'effleurer toute la puissance mythique de la figure légendaire du personnage de Miyamoto Musashi. A moins que ce ne soit que l'ambiguïté du personnage en lui-même : célébré à travers les nombreuses retranscriptions de ses (me)faits historiques – et notamment par la publication du merveilleux livre La Pierre et le Sabre d'Eiji YOSHIKAWA dans les années trente – les différentes versions du personnage laisseraient sous-entendre, que l'homme n'ait pas été un modèle de vertu. Bien que trop peu explicite par sa maladroite représentation du personnage, le film en lui-même semble parfois chanceler entre des sentiments partagés envers ce héros – notamment dans son rapport avec les femmes. La version plus fidèle à la légende signée des mains d'UCHIDA dans les années soixante accentue d'ailleurs la noirceur et le cynisme du personnage principal, notamment lorsqu'il donne la mort à un petit garçon, simple spectateur d'un combat qui n'aurait concerné que les adultes (épisode IV). Une nouvelle fois : le parti pris peu engagé du réalisateur INAGAKI ne permet de donner un avis affirmé.

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Concernant le légendaire complexe d'infériorité qu'éprouvait le cinéaste envers Akira KUROSAWA, il est amusant de constater la large partie accordée au combat de Miyamoto aux côtés des paysans lors de son escapade à la campagne – une thématique largement exploitée dans les Sept Samouraïs sortis la même année que le premier volet des aventures du rônin bretteur. Scène présente dans le roman originel, il est juste étonnant de voir la large partie consacrée à un chapitre de moindre importance, surtout eu égard au travail d'adaptation réalisé et ayant fait l'impasse sur d'autres scènes autrement plus importantes pour le récit originel….Ce n'est pas pour autant, qu'INAGAKI réussisse une nouvelle fois à transcender le talent de son confrère jalousé.Final attendu pour clore les aventures du légendaire Miyamoto Musashi, ce troisième volet est dans la droite lignée des deux précédents : bénéficiant d'une magnifique image, la réalisation académique sans aucune implication émotionnelle et le manque de profondeur des personnages passent à côté de la quintessence même de la figure mythique. La contribution de la trilogie au revival du genre du chambara est indéniable et annonce par bien des côtés les futures dérives dans les personnages des rônins voyageurs (Nemuri Kyoshiro, Zatoichi, …) et les jidai geki dénonciateurs. Malheureusement, le réalisateur vétéran Hiroshi INAGAKI rate l'occasion de l'inscrire définitivement au panthéon des plus grands classiques de l'Histoire du Cinéma Japonais.

 

 
Bastian Meiresonne