.Nemuri Kyoshiro : volets 1 à 6 (1963-65)
 
Les joutes de la pleine lune

Nemuri Kyoshiro :  The Chinese Jade (Nemuri Kyoshiro : Sappocho) 1963

De: TANAKA Tokuzo Avec: ICHIKAWA Raizo, WAKAYAMA Tomisaburo, NAKAMURA Tamao, DATE Saburo                   

1963 voit la naissance du nouveau héros d'une série longue de quatorze épisodes à venir sur les grands écrans nippons : Nemuri KYOSHIRO. A jamais immortalisé par l'inimitable interprétation de la vedette Raizo ICHIKAWA, le fin bretteur rônin était un mélange réussi entre les nihilistes productions chambara et les produits d'exploitation. La série a connu une fin précoce à la mort prématurée de l'acteur principal en 1969.  

Le fier et talentueux rônin Nemuri KYOSHIRO est chargé par le chef du clan des KAGA d'assassiner le vil expert en arts martiaux NOBUNAGA. Il s'agit en fait d'une ruse pour se débarrasser du dernier témoin d'un trafic de marchandises, qui pourrait dénoncer ces activités illégales au shogun. Découvrant la vérité, Nemuri tente de retrouver une mystérieuse statuette de jade contenant un document inculpant le chef des KAGA. En même temps, le rônin tombe amoureux de Chisa, censée l'espionner…

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Le genre particulier du chambara (film-sabre) est né au cinéma japonais dès 1917 sous l'impulsion de Shojiro SAWADA, qui a su donner une représentation bien plus réaliste de l'ancestral kabuki théâtral. Interdit par l'instauration du Comité de Censure par l'occupant américain à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le genre connut un brillant renouveau à la fin des années 50 suite au laxisme progressif. Le début des années 60 marquait le fort renouveau du genre et les studios surenchérissaient pour tenter de trouver les faveurs de leur public. Parmi les nombreux personnages créés à l'époque, Zatoichi deviendra assurément l'exemple le plus réussi avec pas moins de vingt-sept films cinématographiques à ce jour et une série télévisée comptant 100 épisodes au total. Dans le sillage de cet illustre modèle a suivi le personnage de Nemuri KYOSHIRO. Inventé de la plume du populaire romancier Renzaburo SHIBATA – également à l'origine de quelques films de Kenji MISUMI, tels que Tuer ou  La lame diabolique – le succès public était surtout dû au rôle principal tenu par Raizo ICHIKAWA. Superstar de l'époque aux côtés d'un Toshiro MIFUNE (Sept Samouraïs) ou Shintaro KATSU (Zatoichi), seule sa mort prématurée (cancer du colon) mettra prématurément fin à sa fulgurante carrière en 1969. Les deux derniers épisodes de la série des Nemuri, tournés avec le remplaçant Hiroki MATSUKATA dans le rôle-titre, ont été un échec, le personnage du fin bretteur étant à tout jamais indissociables du charismatique ICHIKAWA. Pourtant, Nemuri Kyoshiro n'a rien de bien original face aux nombreuses autres productions sorties à la même période. Se référant au nihilisme inhérent du genre dès les années 20 (Orochi aka Le Serpent), ICHIKAWA interprète le rôle d'un rônin (samouraï déchu) refusant de se soumettre aux normes d'un système corrompu. Miroir d'une société en plein changement, bon nombre de chambara faisaient l'apologie de ces personnages isolés ne se soumettant à aucune forme de discipline, sauf à leur propre code d'honneur. Personnage de son époque – un Japon en plein chamboulement économique et sur le point de devenir la première puissance asiatique – Nemuri n'a pour but que de vivre l'instant au présent. Il se sait / croit invincible, grâce à la particulière maîtrise de son coup d'épée du "coup de la pleine lune" (ou "du cercle complet"). Il a fait fi de tout sentiment de remord ou de culpabilité et met son habilité combative au profit de sa lutte personnelle contre la luxure et le désir au sein d'une société corrompue. Parallèlement, il n'aura de cesse de découvrir la vérité quant à ses obscures origines. Son air androgyne et sa chevelure teintée d'un roux inhabituel pour un japonais le font douter quant à son appartenance.

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Le premier épisode assoit les principales caractéristiques de son personnage. Dès les premières images, la supériorité technique au combat de Nemuri est démontrée dans son combat contre six ninjas passablement énervés. Il en vient à bout en quelques coups de sabre. S'ensuivent des dialogues échangés avec d'autres personnages, qui mettent à jour une certaine arrogance due à sa très forte estime de soi et à son imperturbable confiance en ses prouesses combatives. D'autre part la forte attirance qu’il exerce sur les femmes est mise en avant – ce qui n'est pas sans arranger la haute estime de lui-même… Son implication dans une sombre affaire de règlements de comptes entre deux anciens partenaires de trafic de marchandises renforce son côté indépendant, puisqu'il ne prendra finalement partie pour aucun des camps. Au contraire, il condamne l'avidité des hommes et n'est pas dupe de la nature de l'espion envoyé à ses trousses. Justement, son rapport ambigu avec la traîtresse Chisa est rapidement désamorcé et bientôt se  crée une durable histoire d'amour entre les deux personnages. Tous deux  orphelins, la femme finira par connaître ses origines, alors que le rônin n'aura encore aucune réponse quant à ses origines. Le bretteur solitaire va également rencontrer son adversaire récurrent de la série : NOBUNAGA, un expert en arts martiaux,. Tous deux respectueux d'un certain code d'honneur, Nemuri laisse la vie sauve à son mystérieux adversaire avec la promesse de se mesurer à nouveau dans un proche avenir. L'intrigue en elle-même n'est pas d'une grande originalité et est interchangeable avec d'autres personnages principaux des productions concurrentes similaires. Le seul charisme de la vedette Raizo ICHIKAWA doit être à l'origine du large succès remporté, alors que tant d'autres projets de même type n'ont pu se poursuivre à cause de leurs échecs immédiats. Partant sur des bases classiques, la série ira en se bonifiant avec le temps, personnages s'étoffant et messages sous-jacents étant d'une rare intelligence pour une production de ce genre.

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Curieusement, les auteurs entrent de suite dans le vif du sujet (Nemuri étant attaqué par une horde d'ennemis dès l’entame de film) comme s'il ne s'agissait pas d'un premier, mais déjà d'un énième épisode aux protagonistes bien installés et connus du public. La suite est du même acabit, les auteurs semblant tabler sur une immédiate identification avec les personnages principaux en ne donnant des détails quant à leur personne que tardivement dans le film. D'un autre côté, Nemuri Kyoshiro ressemble tant à d'autres productions de même genre qu'il n'est franchement pas difficile de s'immerger dans un univers aux codes immédiatement identifiable. Ancien assistant réalisateur d'Akira KUROSAWA ou de Kenji MIZOGUCHI (respectivement sur Rashomon et Les Contes de la Lune Vague après la Pluie) – Tozuko TANAKA est un habitué des studios de la Daiei. Réalisateur attitré de leurs séries phares, il met également en scène quelques épisodes des véhicules pour Shintaro KATSU Zatoichi , Tough Guy ou Hoodlum Soldier. Sa réalisation s'adapte parfaitement dans un moule donné, sans grands éclats, ni génie personnel; l'important étant de filmer au mieux la vedette ICHIKAWA. La superstar porte justement le film sur ses épaules. Son arrogance aristocratique colle parfaitement aux besoins de son personnage qui dégage un charisme palpable; son fameux "coup de la pleine lune" est d'une mortelle précision pour tous ceux tentant de s'interposer sur son chemin. Face à lui, WAKAYAMA Tomisaburo (future star des séries Gokuaku Bozu ou de Baby Cart) surprend par sa lourdaude apparence et son crâne rasé. Curieux  choix également de lui donner le rôle d'un spécialiste du combat à mains nues, alors qu'il maîtrisait déjà parfaitement le jeu d'épée.

Enième série d'un rônin bretteur hors pair, la série des Nemuri Kyoshiro connaît des débuts en demi-teinte. Allant en se bonifiant au fur et à mesure des épisodes, le succès immédiat doit beaucoup à l'importante popularité de son interprète principal charismatique.

 

Nemuri Kyoshiro :  Sword of adventure  (Nemuri Kyoshiro : Shobu) 1964
De :  MISUMI Kenji  Avec : ICHIKAWA Raizo, KUBO Naoko, FUJIMURA Shiho, TAKADA Miwa
                                              
Suite au succès du premier volet, les studios de la Daiei mettent rapidement en chantier ce second volet pour tirer profit de l'engouement populaire. Si le personnage de Nemuri Kyoshiro gagne en profondeur, il fait preuve d'un certain positivisme inhabituel dans son comportement – une aubaine pour l'interprète Raizo ICHIKAWA  ainsi invité à nuancer son jeu. Enfin, le complexe scénario politique se réfère à d'importants faits historiques japonais du Japon, rare dans ce genre de productions populaires.

Au cours de ses périples, Nemuri Kyoshiro s'entiche d'un vieux collecteur de fonds s'étant mis en tête de récolter les fortes dettes des Seigneurs environnants pour le compte du Shogun. S'attisant forcément tout sauf la sympathie des mauvais bailleurs, sa vie est constamment mise en danger. Parallèlement, le mystérieux rônin a le malheur de froisser l'une des nombreuses filles illégitimes du Shogun, qui lui envoie – en guise de remerciements – une horde de tueurs à ses trousses.

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Si la précédente aventure du mystérieux rônin regorgeait déjà d'allusions historiques, cette fois l'intrigue croule sous les détails d'importance. Se passant sous le règne du onzième Shogun Tokugawa Ienari (1787-1837), la période relativement stable est pourtant marquée par les frasques dépensières du dirigeant du pays. Aimant les festivités et la luxure, il est peu regardant sur les coûts, lui suffisant d'élever les taxes pour renflouer ses caisses. Son train de vie est pourtant un mauvais exemple, les envieux Seigneurs voulant bien évidemment imiter l'illustre modèle – ne serait-ce que pour leur notoriété. L'effet est pervers, les charges du petit peuple servant du coup autant à palier aux excès des Seigneurs de leurs terres qu'à financer ceux de leur Shogun. Pour pallier au manque à gagner, un financier notable avait eu pour idée de produire de nouvelles pièces de monnaie en ferraille de moindre valeur;  une action qui avait permit à court terme d’éviter  à la crise , mais  qui sur le long terme affecta sérieusement une économie fragile. Le clivage naissant entre riches et pauvres est donc à plusieurs reprises évoqué au cours des dialogues, notamment par la complainte du collecteur du fonds s'inquiétant de l'augmentation du nombre des gens des terres venus chercher fortune dans les villes. En n'ayant très peu à faire du supposé respect à montrer à l'égard de la fille du Shogun, Nemuri Kyoshiro conserve donc l'une des principales caractéristiques du premier épisode : il n'obéit qu'à ses propres règles et n'a de comptes à rendre à personne. En se rebellant ainsi contre le pouvoir en place, il fait déjà partie de l'ère moderne à venir quelques décennies plus tard, signifiant la chute du shogunat et l'ouverture à la prospérité économique; fin d'une ère largement motivée par les frasques d'un Shogun trop insouciant. En revanche, le personnage du rônin sans foi, ni loi montre de nouvelles facettes inédites et totalement insoupçonnées par rapport au précédent épisode. Bien plus abordable, il est même prévenant en prenant sous son aile protecteur le vieux collecteur de fonds. Il tombe également amoureux d'une honnête fille et se fend à deux reprises d'un large sourire…surprenant par rapport au sombre personnage nihiliste des débuts.

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Pas étonnant de trouver à la réalisation un réalisateur chevronné du genre du chambara : Kenji MISUMI. Fort de ses récents succès de la trilogie du Passage du Grand Bouddha (ayant déjà Raizo ICHIKAWA pour personnage principal) et la mise en route de la longue série culte "Zatoichi", il démontre sa propension à insuffler des changements perceptibles au sein de séries similaires, une démarche qui trouvera son apogée dans le futur "Baby Cart". Sachant s'effacer derrière les codes obligatoires du genre public, il aime pourtant à se jouer des rigidités. Se retrouvant à devoir réaliser une intrigue assez complexe et très bavarde, il va oser s'emparer du personnage de Nemuri Kyoshiro pour le dépeindre à sa façon et ainsi éviter que la série ne tombe trop dans les stérotypes. Dès le premier épisode, il était clairement perceptible que Kyoshiro était le type même du taciturne rônin arrogant sans foi, ni loi, qui savait terrasser ses personnages par dizaines grâce à son unique mouvement de sabre; le parfait calque du personnage de Miyamoto Musashi ou de celui du "Grand Passage du Bouddha". MISUMI – et les scénaristes – vont "casser" les stéréotypes donnés sans toutefois toucher à l'essence même du héros.
Ainsi, Kyoshiro garde de son arrogance jubilatoire et de sa malicieuse mesquinerie – comme le prouve d'emblée la scène d'introduction. Prenant sur les faits une jeune voleuse, il lui règle son compte en quelques coups de sabre… la mettant littéralement "à nue" parmi une foule compacte de badauds. Ensuite, il teste l’honnêteté d'un jeune garçon devant lequel il laisse tomber son portefeuille. Il enchaîne par un duel, réalisé dans les règles de l'art: devant témoin et en se consultant avec son adversaire au préalable pour déterminer les condition du combat. Il peut se montrer dédaigneux envers les pouvoirs en place, mais respecte un code d'honneur envers son prochain. Le cours de l'aventure va également ressusciter ses vieux démons. D’apparence redoutable avec sa fameuse technique de "la pleine lune", le personnage n’en reste pas moins fragile et en proie à de forts tourments intérieurs. 

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Bien que difficilement perceptibles pour celui qui n'aura pas vu la suite (et notamment le quatrième épisode), ses aventures sont d'ores et déjà truffées de nombreuses indices quant à sa vie passée. Plus encore : alors qu'il avait déjà rencontré son double en la personne de Chisa – une jeune femme orpheline – il va cette fois faire la connaissance d'Uneme, qui – elle aussi – partage plus d'un point en commun avec le fin bretteur, sans que ce dernier ne s'en doute encore. En revanche, contrairement au premier épisode, Kyoshiro apparaît cette fois comme un joyeux luron, qui ne cache pas ses joie et malice et fait preuve d'une grande humanité envers la petite marchande de nouilles et le vieux collecteur de fonds. Comme pour se justifier de cette double personnalité révélée, MISUMI va à plusieurs reprises montrer les "deux visages" de son personnage principal : fermé et blafard le jour où il a tué quelqu'un, il est calme et détendu les jours sans avoir usé de sa lame. Misumi abuse même d'un éclairage jaunâtre pour accentuer les traits enragés de son personnage principal lors des duels. Ce second épisode est étonnamment bavard et d'autant plus avare en combats; ce qui n'empêche Nemuri de se battre en duel et contre de nombreux adversaires au cours de mémorables affrontements – bien que loin des prouesses combatives d'un Shintaru Katsu (Zatoichi) ou – surtout – Tomisaburo WATAYAMA (Baby Cart).

 

Nemuri Kyoshiro : Full Circle Killing  (Nemuri Kyoshiro  : Engetsugiri) 1964
De: YASUDA Kimiyoshi Avec : ICHIKAWA Raizo, HAMADA Yuko, MARUI Taro, NARITA Junichiro
                                              
Kimiyoshi YASUDA, honnête réalisateur-artisan des studios de la Daiei signe ici le premier de ses trois épisodes de la série des Nemuri Kyoshiro. Habitué à mettre en scène des séries à succès (Akado Suzunosuke, Zatoichi, Majin ou les Yokai Monsters), il s'affranchit avec bonheur du nouvel volet tarabiscoté et fortement politisé des aventures du rônin bretteur, sans toutefois réitérer les écarts de comportement osés par Kenji MISUMI sur l’épisode précédent.  

Témoin d'un "sarashi" (punition, qui consiste à exhiber la tête tranchée d'un soi-disant coupable), Nemuri Kyoshiro découvre l'oppression d'une communauté de pauvres paysans vivant aux abords d'un fief tenu par un riche Seigneur. Ce dernier est le fils illégitime du Shogun, dont la mère s'assure par tous les moyens pour que son rejeton soit le prochain à gouverner la grande nation.

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Si l'incessant changement des réalisateurs donne un ton nouveau à chaque nouvel épisode, la brillante écriture des différentes intrigues contribue encore davantage au succès de la populaire série. Avant tout pensées comme une série à succès et de pur divertissement, les aventures de Nemuri Kyoshiro n'en étonnent pas moins par la complexité de leurs intrigues. Déjà présents dans les deux premiers volets, politique et faits historiques tissent un solide canevas aux aventures du mystérieux personnage principal. Toujours adaptés des populaires écrits – tout d'abord édités sous la forme de feuilletons romanesques dans un grand journal nippon de l'après-guerre – du romancier SHIBATA Renzaburo, le scénariste Seiji HOSHIKAWA signe une parfaite transposition sur grand écran. Le réalisateur YASUDA Kimiyoshi succède au précédent Kenji MISUMI. Artisan, son honnête mise en scène s'adapte parfaitement aux images, mais se distingue de par sa totale absence d’audace ou originalité. Pire, il s'efface entièrement derrière le seul scénario, sans oser s'aventurer dans la direction empruntée par son prédécesseur. Le personnage de Nemuri Kyoshiro devient donc à nouveau plus unilatéral, plus en phase avec le cliché du mystérieux rônin. Ce nouveau changement dans l'interprétation du personnage a d'ailleurs tendance à déstabiliser le spectateur ne sachant plus comment l'interpréter : d’un sombre et nihiliste personnage arrogant, il affichait davantage d'humanité dans le second opus avant de basculer à nouveau dans le stéréotype du guerrier sans foi ni loi du troisième épisode. En revanche, le scénario toujours aussi mâture reste ancré dans la véracité historique de l’époque – et fidèle à la dénonciation du pouvoir abusif des autorités. Faisant suite aux filles illégitimes du shogun, les fils bâtards du grand Empereur sont cette foi ci dépeints. L 'intrigue introduit la lutte machiavélique de succession qui fait rage entre les aspirant empereur. Dans ce climat politique tendu particulier, d'autres aspects de l’inéluctable chute de l’empire sont également évoqués; notamment l'écart grandissant entre les différentes classes sociales et le soulèvement populaire qu’il motive. Les frasques d'un Shogun s'adonnant à la luxure et les dépenses surchargent les classes populaires. La monnaie dévaluée par une production plus importante de pièces de monnaie pour augmenter le capital du Shogun fait flamber les prix. Se rajoutent des saisons particulièrement rudes envers les récoltes des paysans : le peuple manque de biens et de vivres. Beaucoup de personnes sont ruinées et s'agglutinent autour des villes pour espérer trouver du travail ou survivre en mendiant ou se nourrir des déchets. Cette situation particulière touchera de plus en plus de couches sociales; le mécontentement envers l'Empereur ira en s'agrandissant, les soulèvements populaires se feront plus nombreux et finiront par accélérer la chute du Shogun. Nemuri Kyoshiro se positionne une nouvelle fois comme un témoin privilégié de son époque. Uniquement abordée au détour d'une phrase dans le précédent volet, la misère est cette fois clairement montrée dès l'introduction : un homme a été abattu en pleine nuit au sein d'une communauté de pauvres. Tous les soupçons se tournent vers les samouraïs environnants, seule catégorie sociale à pouvoir officiellement porter une arme et habituée des "tsuji-giri" (des virées nocturnes pour faire du grabuge, intimider la population et punir de mort toute personne hostiles). D'une impunité absolue – tant qu'ils ne déshonorent pas leur Seigneur – les samourais recourent de plus en plus à l'abus de pouvoir pour leur propre plaisir.

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Cœur de l’intrigue, l'un des pauvres hommes ira en désespoir de cause jusqu'à kidnapper la fille d'un riche marchand. Kyoshiro, de passage dans le village, n'éprouve que du dédain pour cette action et oblige la communauté à relâcher la victime. Peu importe les motivations d'un tel acte, l'action est réprimandable. Il est d'ailleurs intéressant la résonance historique de ce kidnapping avec une vague d'enlèvements de même type au Japon. Un acte qui dans la réalité n’était passible d'aucune peine de prison car pas encore considéré comme un crime. Akira KUROSAWA signa d'ailleurs l'année précédente un vibrant plaidoyer à l'encontre d'une telle absurdité de situation et réussira même avec Entre le Ciel et le Enfer à faire voter une nouvelle loi établissant le kidnapping comme un grave délit. Par la suite, Kyoshiro prendra la défense de la pauvre communauté en comprenant le besoin de ces hommes et – plus encore – condamnant la détestable attitude des Seigneurs de la région. Ces derniers voient bien évidemment d'un très mauvais œil la présence d'une telle communauté sur leurs terres et iront jusqu'à incendier le bidonville aux abords de la ville. Défendant notamment un homme à l'esprit limité, Kyoshiro empêche ce dernier de se lancer dans la folle aventure d'une désespérée vengeance suicidaire en comparant cet acte au geste désespéré d'une "fourmi contre un éléphant". Plus tard, ce même convoque le fils illégitime du shogun à un duel en s’assimilant lui-même à une ‘fourmi’, n’hésitant pas ainsi à mettre en avant sa farouche indépendance et défiance vis à vis des autorités. Parallèlement, Nemuri croise le chemin d'une ambitieuse mère d'un fils illégitime du Shogun, qui met tout en œuvre pour liquider les autres futurs prétendants au trône afin d’y faire accéder son propre fils. En s'opposant à ses funestes machinations, le rônin s'expose à nouveau à maints dangers aboutissant dans de dantesques duels au cours desquels il saura montrer toute la mesure de son talent. Contrairement à ce que laisserait sous-entendre le titre du film, le coup de "la pleine lune" ne sera utilisé qu'en de rares occasions, les combats étant finalement bien plus discrets que dans les précédents épisodes. Une nouvelle fois, les duels sont montrés comme des combats respectueux, Nemuri fixant les détails d'un futur combat avec son prochain adversaire; en revanche, une superbe joute contre des dizaines d'adversaires sur de marches raides est curieusement désamorcée par un malheureux choix de mise en scène en vue subjective totalement brouillonne. Le manque de combats et de maîtrise est compensé par deux superbes scènes, dont l'une montrant Kyoshiro prisonnier d'une cage à travers laquelle il est la cible de lances cherchant à l'empaler; et par un superbe final sur un pont enflammé dantesque, qui rajoute au machiavélisme de personnage dont la silhouette se découpe sur fonds de flammes, comme tout droit sorti des enfers.

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L'aspect historique du scénario transparaît par l'évocation de l'épée "Muso MASAMUNE", forgé au XIVième siècle par un des forgerons les plus réputés. Impossible de dire, si Kyoshiro possède effectivement un modèle du grand maître, mais sa lame est au moins aussi meurtrière que celle évoquée dans les légendes. Ensuite, Kyoshiro croise un personnage ayant réellement vécu : le peintre sur étampes de bois, Gototei KUNISADA (1786-1865), qui s'est illustré par ses nombreux portraits érotiques de femmes nues. En revanche et contrairement aux précédents épisodes, l'histoire personnelle du héros n'est aucunement évoquée. Peu d'informations sont divulguées à son sujet et seules ses motivations à combattre l’injustice et fronder l’autoritarisme sont vraiment développées. Moins centré autour du seul personnage de Kyoshiro, ce passionnant épisode traite du problème de la différence des classes et se rapproche à nouveau de l'approche nihiliste et profondément rebelle des productions typiques du cinéma nippon des années soixante. Etonnamment mature pour un pur film de divertissement populaire, la série des "Nemuri Kyoshiro" assoit son statut de série à part et se détache largement de la prolifique production d’époque.

 

Nemuri Kyoshiro :  Sword of Seduction  (Nemuri Kyoshiro : Joyoken) 1964
De : IKEHIRO Kazuo  Avec:  ICHIKAWA Raizo, AI Michiko, FUJIKAWA Jun, ASANO Shinjiro
                                              
IKEHIRO Kazuo , le réalisateur de ce quatrième épisode des sombres aventures de Nemuri, donne finalement les lettres de noblesse à la série en revenant sur les origines du héros dans un climat de relative noirceur. Seul le côté "exploitation" – typique de son époque – amenuise quelque peu le contexte autrement plus grave.

En enquêtant sur un mystérieux trafic de femmes dans l'enceinte même du palais royal du shogun, le rônin Nemuri Kyoshiro défie une aristocrate au visage défigurée. Déshonorée, cette dernière imagine un malicieux traquenard au fin bretteur, qui le fera affronter maints adversaires et revenir jusqu'à l'explication de ses propres origines.

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Le quatrième volet des aventures de l'insatiable rônin justicier perpétue la tradition des scénarios fortement politisés, mais – surtout – apportent tout l'éclairage nécessaire quant à ses origines. Sans dévoiler toute la "subtilité" du mystère dévoilé, Kyoshiro est né d'un père hollandais. Ce fait avéré place le personnage sous une lumière toute nouvelle. D'un esprit plutôt "conservateur" en voulant pourfendre tout pêché commis, il était déjà d'une approche plutôt moderniste en allant à l'encontre des principes. Ainsi, il se déclare lui-même "rônin", donc sans maître, ni lois à l'inverse des derniers samouraïs de l'époque. L'action de l'intrigue (1848) se place à la fin de la période de l'influent du shogunat. Bientôt le pays va basculer dans une ère nouvelle de modernité qui se traduit notamment par l'ouverture des frontières et la tolérance envers des étrangers jusque-là interdit de séjour au Pays du Soleil Levant. Or, Nemuri est déjà issu de l'amour défendu d'un hollandais avec une japonaise; son sang est mêlé et il représente un mélange d'un passé (la tradition) et de l'avenir (progrès et modernité). Ses origines expliquent donc également son étrange physique. Son air androgyne ses cheveux roux – inhabituels pour un japonais – lui assurant tant de succès auprès des femmes. Représentatif de son époque, les scénaristes ancrent donc le personnage dans une certaine représentation historique. En enquêtant sur le mystérieux trafic de femmes, Kyoshiro s'en prend – indirectement – aux hautes instances du shogunat; tel le combat des modernistes quelques années plus tard pour faire tomber le règne des instances et contribuer à l'avènement d'une ère nouvelle.

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Une grande importance est également accordée au difficile problème de la religion : la sombre introduction voit la persécution des chrétiens ou leur reconversion forcée au bouddhisme. Un délicat sujet interculturel très rarement abordé au cinéma japonais et renvoyant directement aux combats d'intérêt d'hommes influent au seul nom de la religion. Au cours de l'intrigue de nombreuses références renvoient directement à ses dogmes et Nemuri lui-même sera comparé à un moment à Jésus en personne, marquant – avant même la révélation quant à ses origines – sa différence par rapport à ses prochains. Sa propre philosophie est pourtant bien loin de toute religion, au contraire il n'a pu devenir la personne qu'il est en faisant fi de toute croyance et conviction personnelle. Surprenant pour une production populaire de l'époque, la série des Nemuri Kyoshiro se détache du lot des autres séries de même acabit par le sérieux du propos, voire même la noirceur de ton. Soulevant de réels sujets d'une époque révolue (nationalisme exacerbé interdisant toute entrée aux étrangers; problèmes des religions), comme présente (mécontentement des "envahissants occupants" américains dans l'après-guerre), les scénarios regorgent de métaphores intéressantes. En revanche, certaines scènes frisent le pur produit d'exploitation tout entier destiné au seul public masculin par ses nombreux combats à coups de larges geysers de sang, ainsi que les scènes érotiques simulées. Nemuri accumule d'ailleurs les romances – sans jamais trouver un réel repos face aux mantes religieuses qu'il rencontre. Une nouvelle fois, il résiste au désir et à la luxure, notamment dans une scène cruciale où une femme aimerait lui faire don de son corps ET de ses bijoux. Il répond par une simple joute de son épée…pour mettre fin aux jours de la soupirante.

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En simple employé des studios commanditaires, le réalisateur artisan Kazuo IKEHIRO s'efface intelligemment derrière les besoins d'une mise en scène formatée pour les besoins de la série, non sans illustrer brillamment le très bon scénario offert par les auteurs. Outre les épisodes 9 et 12 de cette même série, il collaborera également aux populaires Shinobi no mono avec – toujours pour vedette – l'acteur Raizo ICHIKAWA et quelques Zatoichi.
Très bon quatrième épisode de la longue série des Nemuri KYOSHIRO, cet opus a la particularité d’apporter une véritable rupture de ton dans la série. Plus sombre, plus dense et au fort contexte politique sous-jacent, le volet se situe dans la droite lignée des productions plus matures de la période.

 

Nemuri Kyoshiro : Sword of Fire  (Nemuri Kyoshiro  : Enjo-ken)  1965
De :  MISUMI Kenji   Avec :  ICHIKAWA Raizo, NAKAMURA Tadao, NAKAHARA Sanae, NISHIMURA Ko
                                              
Après l'apogée du quatrième épisode des aventures du sombre bretteur, la série commence à prendre une vitesse de croisière la laissant s'embourber dans les voies convenues des productions à la chaîne. Moins engagées et plus policées, les intrigues seront désormais interchangeables avec celles des production de même type.

Au cours de son périple, Nemuri sauve une femme de l'attaque d'un homme contre la seule promesse de se faire rembourser en "nature"; les dernières paroles de l'agresseur défait le mettent pourtant sur ses gardes. Pressentiment qui va se confirmer par la suite : la rescapée a la fâcheuse tendance à manipuler son entourage pour assouvir son goût de la luxure. Parallèlement, Kyoshiro rencontre des pirates trahis par un riche homme d'affaires, qui tente de les éradiquer pour s'assurer de leur silence sur de sombres affaires.

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Le marque du retour de Kenji MISUMI aux rênes de la série est indéniable : sa mise en scène si particulière et son savoir-faire apparaissent dès les premières images : les personnages sont enfermés dans le cadre, le haut de leur tête "coupé"; des parties du plan cachés par des objets ou des personnes en premier plan. Le personnage si particulier de Kyoshiro est re-défini dès le départ : s'interposant dans une violente dispute entre un homme et une femme, il rappelle que les problèmes des autres ne le concernent pas le moins du monde ! Et de n'accepter de sauver la femme agressée simplement contre la promesse d'une folle nuit d'amour…  Peut-être est ce aussi un clin d'œil à son précédent épisode de la série, durant lequel il tenta – (in)consciemment ? – d'exploser la représentation unilatérale du personnage; une voie que n'avaient pas suivi les réalisateurs suivants. Cette fois,  MSIUMI semble se résoudre à suivre les schémas tous tracés de la série. Du quatrième opus, il reprend le côté exploitationiste et le caractère noir du personnage tourmenté. Indifférent aux autres et seulement préoccupé par son propre bonheur, il n'aide la femme que pour pouvoir coucher avec elle; puis il reste sourd aux lamentations désespérés d'un fugitif le dérangeant lorsqu'il boit du saké dans un bar. N'en ayant cure, il n'interviendra même pas lors de l'arrestation de ce dernier, qui sera finalement exhibé selon le procédé du "hikimawashi" (exhibition publique  d'un criminel). Exposé aux yeux des locaux, il est crucifié à titre d'exemple – rappelant d'un coup le douloureux passé chrétien de Kyoshiro dévoilé dans le précédent épisode. Très vite, le fin bretteur va pourtant se rendre compte que ses choix personnels et égoïstes ne sont pas toujours les plus avisés; et de constater qu'il n'aurait peut-être pas dû accorder toute sa confiance à la femme en début du film. Pas aussi insoucieux qu'il n'aimerait le faire paraître, il va donc finir par rétablir la justice en prenant la défense des opprimés selon ses propres règles.

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Malgré le retour de MISUMI à la mise en scène, indéniablement plus originale que celle des autres réalisateurs jusqu'à présent, la série des Nemuri Kyoshiro atteint pour la première fois ses propres limites. Est-ce à cause d'un précédent épisode particulièrement fort ou parce que les scénaristes ne peuvent tenir le rythme effréné de tournage pour accoucher d'idées originales ? Toujours est-il, que cette nouvelle aventure n'est ni plus ni moins qu’une répétition des formules exploitées jusqu'à présent. Les principales caractéristiques de Kyoshiro sont toutes reprises sans évoluer : ses choix personnel, une justice à rétablir, des femmes fatales et des hauts fonctionnaires corrompus. Mais ce qui pêche le plus est indéniablement la qualité de l'écriture, le manque de complexité par rapport aux précédentes intrigues mêlant habilement fiction et réalités historiques. Même la présence des soi-disant "pirates", en fait contrebandiers au service de riches marchands peu scrupuleux, fait davantage penser à un film d'action et d'aventures haut en couleurs plutôt qu'à la fine description d'un pays en pleine tourmente politique. L'intrigue est pleine de rebondissements et rarement Nemuri n'a été aussi proche de femmes viles et retorses prêtes à tout pour assumer leur propre bonheur – finalement pas si éloigné de la propre philosophie du rônin. L'apparente légèreté de l'ensemble fait sincèrement regretter les sujets autrement plus ambitieux passés. Et de déplorer jusqu'à la mise en scène et le pauvre approfondissement des personnages peu inspirés d'un MISUMI se contentant de mettre efficacement en scène un épisode sans grande saveur. Il en allait tout autrement lors de son appropriation toute particulière de la mythique figure dans le second épisode. Sans temps mort, mais sans grandes surprises.

 

Nemuri Kyoshiro : Sword of Satan  (Nemuri Kyoshiro : Masho-ken)  1965
De : YASUDA Kimiyoshi  Avec : ICHIKAWA Raizo, RYUTARO Gomi, MIZUHARA Koichi, SHINJIRU Asano
                                              
Le réalisateur Kimiyoshi YASUDA rempile pour signer ce nouvel opus. Un peu plus ambitieux, la série ne peut plus désormais prétendre à la qualité des premiers épisodes, le scénario pouvant être interchangeable avec ceux des nombreuses séries concurrentes; reste le charisme magnétique du premier rôle tenu par Raizo ICHIKAWA opposé à une redoutable adversaire.

Après son suicide, une mystérieuse fille de samouraï confie son petit garçon à la bonne garde de Nemuri Ce dernier n'en a que faire, surtout depuis qu'une adversaire cherche à venger la mort de son frère dont il est responsable. Les deux histoires  se croisent quand la vengeresse s'accoquine aux membres d'un clan voulant ôter la vie du jeune enfant, qui n'est autre que l'héritier caché de leur clan adverse.

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La précédente aventure de Nemuri Kyoshiro avait déjà laisse entrevoir le rythme de croisière sans plus grande originalité pris par la série. Sans plus aucun enjeu depuis le quatrième épisode, le trouble personnage de KYOSHIRO n'est plus amené à évoluer. Par la suite, il est une nouvelle fois opposé à une redoutable adversaire, qui en veut autant à sa vie, qu'elle voudrait finalement gagner son cœur. Il terrasse toujours autant ses nombreux adversaires de par sa botte secrète du "coup de pleine lune" (recourant ici un joli effet  déjà entraperçu dans un épisode précédent où l'épée semble se démultiplier en début du mouvement circulaire). L'effet de répétition devient même risible quand Kyoshiro est pour la troisième fois sommé, en fin de film, de cesser le combat sur ordre du Shogun ! Difficile d'imaginer l'Empereur suivre à distance le parcours d'un seul individu et de dépêcher aventure un messager à chaque nouvelle pour imposer une trêve à ses démarches! Toute la force contestataire et politique des premiers épisodes se retrouve gommée; sans doute ordonné par les responsables plus soucieux d'un succès populaire et familial propre à faire perdurer la série. Plutôt que de risquer à s'attirer les foudres de la Censure, de critiques ou de quelques spectateurs conservateurs, tout un pan du charme machiavélique du personnage se trouve ôté. Notons une curieuse sous-intrigue finalement abandonnée au cours de l'épisode : dans le pur style du film d'exploitation, pas loin de rappeler les productions anglaises de la Hammer de la même époque, Kyoshiro secourt une vierge prête à être sacrifiée par une mystérieuse secte au cours d'une cérémonie. Rappelant son propre combat mené contre les religions, une croisade contre les adeptes sectaires aurait pu donner lieu à une intéressante lecture de certaines pratiques diaboliques. Malheureusement, les scénaristes se tiendront à cette seule curieuse évocation avant de reprendre des schémas plus traditionnels.

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Le réalisateur Kimiyoshi YASUDA assure une nouvelle fois la mise en scène. Toujours aussi classique, il réussit néanmoins à mieux maîtriser les chorégraphies de ses combats, en réitérant notamment un essai en vue subjective de Kyoshiro se frayant un chemin à coups de sabre au milieu de ses adversaires. Cette fois, les plans des ennemis tombant par dizaines sont clairement lisibles. La confrontation de Kyoshiro contre une dizaines d'archers l'arrosant copieusement de flèches est par contre moins convaincante.. il en ressort d’ailleurs sans la moindre égratignure. Le trop classique scénario échoue à relever cette nouvelle itération qui déçoit par l’académisme de sa réalisation. Désormais un produit de consommation de masse, la routine succède à la fine écriture des premiers épisodes. Reste l'incroyable magnétisme exercé par la vedette ICHIKAWA, qui ne saura pourtant porter longtemps sur ses frêles épaules le poids de scénarios sans originalité.

 
Bastian Meiresonne