. Nemuri Kyoshiro 11 : The Spider's Lair
 
Titre original:
Nemuri Kyoshiro - Hito hada kumo
   
Réalisateur:
YASUDA Kimiyoshi
Année:
1968
Studio:
Daiei
Genre:
Jidai-geki
Avec:
ICHIKAWA Raizo
MIDORI Mako
SARIJO Maka
TERADA Minori
 dre

Sadisme japonais

Le quotidien de l’aristocratie japonaise féodale est morne, surtout dans les régions les plus reculées. Ces individus gavés de richesse et de pouvoir s’ennuient, les journées sont longues et rien ne semble se passer. À quoi sert d’être puissant dans une situation pareille ? Alors une idée apparaît, utiliser la population locale comme des pions vivants à torturer juste par plaisir. Peu importe la morale, l’aristocratie s’amuse de la douleur et de la peine du petit peuple insignifiant. Jusqu’au jour où Nemuri Kyoshiro débarque dans cette région dévastées des 120 journées de Sodome. Kimiyoshi Yasuda oblige, le rônin se trouve rattaché à une histoire presque personnelle, plus humaine. En fait, l’homme connaît cette région pour y avoir passer son enfance et vu sa mère mourir. C’est ici que les messes noires se déroulent, Kyoshiro n’est pas le seul fruit de ces cérémonies sataniques. Mais à défaut de creuser cette piste démoniaque, le rônin retrouve une vieille connaissance qui s’occupe d’un jeune bâtard rêvant de ressembler au fameux Nemuri Kyoshiro dont il a tellement entendu parlé. L’histoire est presque familiale. Alors quand le seigneur local décide de tout briser, Kyoshiro se doit d’intervenir.

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Le rônin va se rendre compte en personne de la folie de ce seigneur, qui utilise sa cours comme théâtre de ses bains de sang. De sa tribune, il vise armé d’un arc et de flèches empoisonnées des gens effrayés. C’est sans oublier qu’il est maître chez lui et qu’il ordonne tout ce qu’il veut aux prisonniers qu’il détient. Dans tous les cas, c’est la mort assuré devant un seigneur éclatant de rire. Et quand ce n’est lui, c’est sa sœur qui étale sa cruauté. Là encore, une belle affaire familiale. Comme souvent, Kyoshiro doit se méfier des pièges tendus par les ennemis. Toujours une femme faible ou trop chaleureuse que le rônin voit venir sans rien dire. À force, l’effet de surprise ne fonctionne pas, surtout avec un si fin observateur. Le rônin perçoit parfaitement les détails bizarres de ces femmes. Un somptueux parfum sur une paysanne, une réaction digne d’une experte martiale… Rien n’est laissé au hasard. Même la sœur du seigneur n’évitera pas les remarques du rônin, elle qui se pense absolument désirable aux yeux des hommes, se voit recaler par Kyoshiro. Le corps de la princesse est trop quelconque, c’est du déjà vu pour le rônin. La femme est rabaissée au niveau d’une prostituée, affront suprême.

Cette famille de malades fait l’objet de folles rumeurs qui sont susceptibles de déranger l’image du gouvernement officiel. Pour régler le problème, il faut tuer ces individus. Kyoshiro est une nouvelle fois le témoin de la médiocrité de ce régime qui agit exactement comme cette famille via des moyens plus doux. La finalité est la même, il y a une course au pouvoir et une méprise de la population. D’ailleurs, rien d’incroyable à voir l’envoyé officiel demander au rônin de se charger de sa mission sous prétexte qu’il connaît trop bien cette famille pour la tuer. Le lâche se donne bonne conscience et évite de se salir les mains, il reflète bien l’état d’esprit du régime.

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L’idée du film, c’est la caméra subjective en plein combat, alors que Kyoshiro est attaqué par une escorte de samouraïs en foret. Caméra virevoltante, l’action est intense et les ennemis tombent les uns après les autres sous le sabre du rônin. Pourquoi opter pour un plan pareil ? Parce que Kyoshiro s’est fait toucher par une flèche empoisonnée, et à chaque seconde passée, l’homme se rapproche d’une mort certaine. Pour une fois, il ne peut rien faire, le danger est en lui. Il ne lui reste qu’à fuir des samouraïs excités, parvenir à se cacher au sein des arbustes en attendant la fin… ou non. Avec ce plan, Yasuda souligne bien la faiblesse du personnage. Une manière de ramener Kyoshiro au simple statut d’homme et non plus d’un mythe charismatique.

 

Michaël Stern (Wild Grounds)