.Nin × Nin - Ninja Hattori-kun
 
Titre original:
Ninja Star - Nin × Nin - Ninja Hattori-kun za Mûbî
   
Réalisateur:
SUZUKI Masayuki
Année:
2004
Studio:
Toho
Genre:
Comédie
Avec:
KATORI Shingo
CHINEN Yuri
TANAKA Rena
GORI
dre
Têtes à claques 

Manga créé en 1964 par Fukio Fujio dans le mensuel Gekkan Shonen, Nin × Nin - Ninja Hattori-kun devient rapidement un grand succès populaire. La formule rentable donnera donc vite lieu à diverses déclinaisons telle une (très) longue série d'animation, des films live et autres jeux vidéo. Pour les quarante ans de la franchise, la Toho remet le couvert avec un produit d'été et son inévitable cohorte de 'stars' du petit écran et un transparent yes-man aux commandes. Figure incontournable de la culture japonaise, le ninja autrefois fut à l'honneur dans nombres de jidai-geki sérieux (Owl's Castle et son récent remake) ou dans une veine plus divertissante comme le sympathique Watari Ninja boy, lui aussi adapté d'un manga. Plus atypique, Nagisa Oshima adapta les aventures de Ninja Bugeicho dans un film éponyme produit en 1967 sous l'égide de l'Art Theatre Guild : en lieu d'un classique film d'animation difficilement réalisable en raison des contraintes techniques, Oshima lui préféra une succession de planches fixes directement tirées du manga !

Malheureusement Nin × Nin - Ninja Hattori-kun ne possède aucune de ces velléités et échoue lamentablement à offrir ne serait ce qu'un honnête divertissement. Rien que du vu et revu dans ce film, Suzuki trahit même l'esprit originel du manga en faisant d'un gamin timide la figure centrale du récit. En fait de film de ninja, Nin × Nin - Ninja Hattori-kun est surtout une comédie familiale doublée d'une lourdingue parabole sur l'enfance teintée de germes de réflexions sur la valeur des traditions dans notre société contemporaine. Hattori Kanzo, dernier représentant de la lignée des Iga s'en va achever sa formation de ninja. De ses profondes montages, il se retrouvera plongé en plein Tokyo dans une société moderne dont il ignore tous les codes. Rivaux des Iga, les Koga se sont eux parfaitement intégré dans ce monde. De choc de cultures, Suzuki va extraire tous les clichés possibles et imaginables qui constituent les seuls ressort comiques du récit. Hattori découvre le frigo, se perche en haut des poteaux électriques. Ses rivaux exercent leur arts dans des métiers manuels : jongleurs, cuisiniers, acteurs,… La figure du ninja deviendra vite secondaire lorsque Hattori s'attachera à un jeune enfant qui dissimulera un être fragile. Enfant mis au ban de sa classe, introverti, il apprendra à prendre confiance en lui sous l'œil bienveillant de son protecteur.

Suzuki dérive vite vers la comédie aux sentiments frelatés. Adjonction d'une figure féminine elle aussi introvertie, construction basique et linéaire tel des sketchs assemblés sans liant crédible. Thème de la cellule familiale craquelée, découverte de l'amour, le récit patine et s'embarque vers une histoire policière (l'enlèvement de l'enfant par les Koga) pour donner un peu de poids au pathos souhaité avant l'inévitable et mielleux final où la famille désormais ressoudée se retrouve. La confrontation des deux clans rivaux vaudra quelques réflexions sur le poids des traditions dans la société moderne : les Koga qui abandonnent leur code d'honneur pour mieux s'intégrer, les Iga, puristes, qui préfèrent se cacher. Si une scène, référence évidente à Spiderman où le ninja voltige entre les immeubles de Shinjuku, laisse penser un instant à une incursion dans le film de super-héros, le reste du métrage remisera soigneusement le personnage d'Hattori au second plan, lui autorisant juste quelques lassantes et mal-executées acrobaties. Les scènes d'introduction/conclusion proposent des affrontements annihilés par une mise en scène clippesque : sur-découpages, plans rapprochés et infographies douteuses.

Le casting lamentable et fadasse, la réalisation molle où quelques plans de grues pompeux tentent de donner une vaine ampleur, la photographie clinquante et artificielle, le récit fondamentalement mal fichu et pauvre, l'absence de réels moments comiques, la pauvreté des scènes d'actions font de ce film un témoignage alarmant sur la notion de divertissement tel que le conçoivent les grands studios. Un triste et désespérant exemple du nivellement par le bas que semblent devoir subir inévitablement toutes les grands films dit populaires.
 
Martin Vieillot