.Okaeri
 
Titre original:
Okaeri
   
Réalisateur:
Shinozaki Makotoi
Année:
1996
Studio:
-
Genre:
Drame
Avec:
Aoki Tomio
Suwa Taro
Terajima Susumu
 
Pathologie de la communication

Auto-production tournée en très peu de temps avec des chutes de pellicule , le premier film de Makoto Shinozaki est un drame intimiste et réaliste. Porté à bout de bras par ses deux comédiens phares et débarrassé de toutes fioritures ou sentimentalisme, le métrage manque pourtant d'une réelle implication de la part de son réalisateur, finalement trop éloigné de la réalité.

Takashi et Yuriko sont un jeune couple sans grandes histoires. Lui travaille comme enseignant dans un lycée et aime faire la tournée des bars après les cours pour s'amuser avec ses collègues. Elle a renoncé à une prometteuse carrière de pianiste pour épouser son ami et trompe son ennui en retranscrivant à domicile des manuscrits pour une maison d'édition. Leur train-train quotidien est brusquement interrompu par la révélation de la schizophrénie de Yuriko. Sa femme menacée d'être internée, Takashi doit faire face à la réalité des choses.

Ancien critique des films pour le compte des Cahiers du Cinéma japonais, Makoto Shinozaki décide de sauter le pas en 1995 en auto-produisant un scénario écrit de ses mains. Tourné en quelques jours avec des chutes de pellicule d'une production suisse, son drame intimiste très simple repose entièrement sur la performance exceptionnelle de ses deux comédiens principaux. Habitué des films réalisés par Takeshi Kitano, Susumu Terajima prouve l'étendue de son immense talent dans le rôle du mari volage finalement confronté à la terrible maladie de sa femme. Dans le rôle de cette dernière, Tomio Aoki est totalement crédible en jeune femme esseulée et fragilisée par sa maladie envahissante. De nombreuses scènes d'improvisation prouvent à quel point les acteurs se sont emparés de leur composition renforçant le côté réaliste du film. Le film est entièrement construit autour le point de rupture constitué par la révélation de la terrible maladie dont souffre la jeune femme. La première partie est expressément répétitive pour illustrer le morne quotidien d'un couple trop tôt rôdé par les habitudes ; la seconde renvoie directement aux obligations d'une triste réalité. Takashi n'est qu'un jeune homme immature, préférant faire la tournée des bars en compagnie de ses collègues, plutôt que de passer du temps en compagnie de sa femme - qui est même allée jusqu'à renoncer à sa possible carrière de pianiste par amour pour son futur mari. Sachant sa femme atteinte de la schizophrénie, Takashi est subitement obligé d'être responsable et de faire face à la réalité des choses. Potassant des livres pour se renseigner sur la maladie, il s'intéresse finalement à sa femme et découvre - forcément - un aspect qu'il ne lui connaissait pas.

Dans tous ses films, Shinozaki s'intéresse au dysfonctionnement de la communication entre êtres humains ; dans son premier film, le réalisateur pousse sa réflexion jusqu'à son extrême : Yuriko devient schizophrène, c'est-à-dire autistique, sans référence aux Autres, coupée de tout contact avec la réalité. Jamais le couple ne parle avant la révélation de la maladie et Yuriko reproche même à son mari de ne plus lui adresser de petit signe de la main en partant au travail le matin. Se repliant de plus en plus sur elle, elle se refuse finalement à tout échange relationnel. La schizophrénie révélée, ils finiront finalement par communiquer, mais dans le cas de Yuriko, ce sont des délires ou des supplications pour ne pas être enfermée et Takashi parle pour rassurer (lors d'une magnifique scène improvisée devant la salle de bain). Ils finiront par se retrouver, silencieux, en écoutant (tous deux ?) un bruit (imaginaire). Si le film étonne par le choix de son sujet audacieux peu abordé au cinéma japonais et sa mise en scène dépouillée et sans faux sentimentalisme, il manque pourtant un certain éclat de génie pour en faire un vrai bon film. La schizophrénie est un sujet relativement complexe et la méconnaissance du sujet par son auteur finit par transpirer à l'écran. Avant tout au service du scénario, la rapidité de frappe de la maladie est pourtant peu probable et nuit au ton par ailleurs réaliste. D'autre part, le réalisateur ne semble pas tout à fait dans son élément, comme étouffé par la gravité de son sujet. Avouant lui-même préférer l'humour potache ou carrément les films d'horreur (comme démontré plus tard dans sa série des Cop Festival et notamment dans l'épisode The Cop with no sixth sense réalisé spécialement pour l'Internet), le réalisateur semble manquer par moments d'une réelle instigation émotionnelle - sans pour autant donner dans le pathos. La faute, peut-être, à un manque d'expérience de développement de personnages et de mise en scène et de communication avec son spectateur.
 
Bastian Meiresonne