.Ping Pong
 
Titre original:
Ping Pong
   
Réalisateur:
FUMIHIKO Sori
Année:
2002
Studio:
Daiei
Genre:
Comédie
Avec:
KUBOZUKA Yosuke
ARATA
Sam LEE
NAKAMURA Shido
dre
La vie est belle 

Fidèle adaptation du manga culte en cinq volumes ''Ping Pong'' de Taiyo MATSUMOTO, Sori FUMIHIKO réalise la parfaite retranscription d'un matériau d'origine pas évident. Film de réussite sportive, le réalisateur évite pourtant tout cliché éculé et renouvelle durablement le genre. Difficile d'accrocher avec d'autres métrages du même acabit après avoir vu celui-ci !

Peco est un jeune passionné du tennis de table, balayant chacun de ses adversaires osant se mettre à travers de son chemin. Smile est son meilleur ami d'enfance - ainsi surnommé parce qu'il ne sourit jamais - il accompagne son copain dans des parties endiablées de ping pong pour la seule envie de passer du temps avec lui ; pourtant contre la seule force brute de Peco, il fait preuve d'un réel talent et fait exprès de perdre les parties pour préserver leur amitié. Au cours d'un tournoi, les deux garçons perdent respectivement contre ''Dragon'', un joueur fanatique et China, un chinois venu redorer son blason au Japon. Peco ne se remet pas de sa défaite et arrête le jeu du jour au lendemain ; alors que Smile devient la nouvelle coqueluche et s'entraîne en vue d'un prochain tournoi, au cours duquel les deux amis viendront évidemment à s'affronter.

Le manga original de Taiyo MATSUMOTO est une rare réussite dans son genre. Rebutant certains par son style graphique particulier, c'est avant tout le contenu qui est d'une rare poésie. Se servant de son sport favori, Matsumoto pose les bases à une véritable réflexion sur l'âme humaine, abordant persévérance et dépassement de soi, doutes et remises en question. Œuvre très intériorisée, une adaptation sur grand écran semblait un pari quasi impossible. Le chargé d'effets spéciaux - notamment sur le Titanic américain ou en tant que producteur sur la version 2004 de Appleseed - Sori FUMIHIKO relève le difficile pari de passer réalisateur pour adapter ce qu'il considère comme l'une des meilleures bandes dessinées jamais réalisées. Fort de son expérience passée sur les SFX et connaissant l'œuvre de Matsumoto par cœur, il réussit à réunir les fonds nécessaires pour permettre la transposition sur grand écran. Son audace finit par payer, car il réussit non seulement la parfaite retranscription de l'univers particulier du manga originel, mais également le renouvellement complet du genre des film de sports et il sera couronné d'un immense succès populaire au Japon.

Moins prononcé que dans d'autres films du même genre, les personnages ne sont pas des losers, mais déjà des joueurs confirmés dans leur domaine ; seul Smile s'apparente à l'archétype du protagoniste pas du tout prédestiné à remporter la mise. Pourtant, son réel talent est assez rapidement relevé et il parvient à gagner prestige et reconnaissance, pendant que son ami se morfond dans l'amertume de sa défaite. C'est en cela, que le film de Fumihiko atteint son génie : il s'attèle à dépeindre de manière très sensible le difficile état d'esprit de ses protagonistes : d'un côté, l'effondrement total de l'arrogance et de la confiance en soi de Peco ; de l'autre le déchirement intérieur de Smile, partagé entre son désir de persévérer dans l'affirmation de soi et le ''deuil'' de la perte de son ami. Le sport devient donc la métaphore de la vie même avec le dur apprentissage de la condition humaine, ses coups bas et bonnes surprises et l'appréhension de soi et des autres. La partie finale en tant que jeu n'est donc pas si importante et son issue importe peu - comme l'illustre de manière géniale le réalisateur. La thématique du dépassement de soi est la base même de la plupart des films de sport du même genre, mais il n'a rarement été aussi sensiblement esquissé que dans le présent film. Pour crédibiliser son entreprise et rendre ''vivant'' un sport - à premier coup d'œil - pas réellement passionnant à suivre sur un écran, Fumihiko se réfère par rapport à son expérience passée sur les effets spéciaux. Toutes les parties de tennis de table ont été entièrement retravaillées en post-production, notamment en insérant une balle en images de synthèse pour adapter la vitesse, la rendre visible à l'écran (ou pas) et lui permettre des trajectoires hallucinantes, mais jamais impossibles. Il en profite également pour réaliser quelques touches réellement poétiques, comme l'apparition d'ailes de papillon dans le dos d'un joueur ou carrément faire voler ses protagonistes. A noter également les rajouts en numérique d'une bonne partie du public et le saut du pont d'un des personnages en début du film, totalement invisibles à l'œil (et uniquement révélés dans le ''making of'' passionnant de l'édition collector japonaise du film).

Bien évidemment, le personnage du chinois pourrait paraître facilement xénophobe et égratigne la tension durable entre la Chine et le Japon ; mais tous les protagonistes sont traités de manière tellement humbles, que la question ne se pose pas. Magnifique métaphore portée à bout de bras par des acteurs totalement crédibles, ce film est un enchantement.
 
Bastian Meiresonne