Titre
original:
Pinnocchio
964 |
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Réalisateur: FUKUI Shojin |
Année: 1992 |
Studio: Fukui
Prod Genre: Cyber-punk |
Avec:
SUZUKI Hage Onn-chan OTSUBO
Hikaru HARA Kyoko |
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Pinocchio cul-culte
Issu de la scène
underground japonaise punk et s'étant fait une réputation dans le
milieu avec quelques réalisations en Super-8 (dont Gerrorist en
1987), Shokin Fukui profite de la brèche ouverte par le succès
surprise de Tetsuo de Tsukamoto pour donner sa propre vision du
monde.
Quelque part dans le futur, une
société secrète fabrique clandestinement des
androïdes mâles pour assouvir les fantasmes sexuels d'une
clientèle féminine. Suite à une panne d'érection,
un des ces robots humanoïdes se retrouve perdu dans les rues de Tokyo. La
jeune marginale Himiko le recueille et lui enseigne les rudiments de la
civilisation humaine en lui donnant le nom de 'Pinocchio'. Faisant finalement
l'amour, Pinocchio est pris d'étranges convulsions, pendant que la femme
adopte un comportement pour le moins étrange, aliénant le robot
à ses accès de violence.
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Fukui embraye le pas sur les
délires expérimentaux de Tsukamoto sur Tetsuo. Histoire
cyber-punk avant tout visuelle, il crée un univers propre tout en
s'inspirant d'illustres prédécesseurs. Au niveau du traitement de
l'image, impossible donc de ne pas penser à Tetsuo, mais
également aux premiers courts et long-métrage (Eraserhead)
de David Lynch de par son côté métallique, froid et
industrialisé. Des immeubles futuristes, le repaire d'Himiko enfoui dans
les dédales d'un souterrain d'un Tokyo à l'architecture
avant-gardiste. La seconde partie inclut également de nombreuses
références générales aux mangas, quant Pinocchio
s'entoure d'un anneau organique, puis quand il affronte des adversaires
très imagés dans un combat typique des bandes dessinées
japonaises. Quant aux personnages, caricaturaux et bestiaux, ils ne s'expriment
la plupart du temps qu'en hurlant ou en émettant des sortes de
râles tous droits inspirés de l'étrange Possession
de Zulawsky, film préféré du réalisateur.
Derrière l'apparent foutoir anarchisant se cache pourtant les esquisses
d'une intrigue et d'une réflexion poussée ; celle d'une machine
à la recherche d'une âme. Incapable d'exécuter sa fonction
première, qui est d'assouvir les fantasmes sexuels de ses
propriétaires, il n'est au début du film qu'une sorte de
bébé. Recueilli par la marginale Himiko, il s'enfuit au creux de
ses bras en cherchant à téter ses seins. Pris sous l'aile de la
femme, il apprend à parler, puis à marcher, puis à
s'accaparer son environnement avant d'atteindre symboliquement l'âge de
l'adolescence et de découvrir la sexualité en couchant avec
Himiko. Point déclencheur d'un déraillement total, où il
déborde de secrétions organiques de tous genres. Quant à
la femme, son accouplement la renvoie à d'obscurs souvenirs enfouis et
la transforme en une véritable furie dominatrice. Fukui en profite pour
dénoncer le consumérisme de la société, Himiko
s'étant approprié un objet pour en faire ce qu'elle veut avant de
chercher à s'en débarrasser en faisant du profit.
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Les délires visuels et
l'intrigue farfelue sont autant objet d'interprétations les plus
diverses, la plupart des plans n'appartenant au final qu'à la propre
imagination de son réalisateur. Apparemment fasciné par la
sécrétion de flux corporels sous toutes ses formes, Fukui semble
vouer un culte au vomi. Son précédent court, Gerrorist
(littéralement terroriste de la gerbe) en 1987 mettait
déjà en scène une jeune femme marchant dans la rue,
mangeant une glace puis vomissant tout son saoul en pleine journée.
Pinocchio964 reprend la scène en l'amplifiant et la
délocalisant dans les couloirs souterrains d'un métro.
Interminable scène peu ragoûtante où Himiko vomit une
étrange pâte jaunâtre avant de s'y rouler dedans. Peu
d'importance à l'intrigue, elle ne semble servir qu'à la
fascination morbide de Fukui. A la différence d'un Lynch ou d'un
Tsukamoto, la symbolique de Fukui se restreint finalement à peu de
choses et si le film regorge de plans superbes et d'une ambiance
intéressante, ses délires finissent tout de même
sacrément par lasser. La première partie, plus
intéressante, s'étire inutilement en longueur. Les efforts de
Himiko à faire parler Pinocchio durent le temps d'une bobine ; leurs
excursions en ville ou au super-marché ne sont que de longs
plans-séquences d'errements sans but. La seconde partie repompe
allégrement les poursuites aperçues dans Tetsuo :
Pinocchio traverse Tokyo en courant en se frayant un chemin parmi une foule de
spectateurs curieux sur les bas-côtés de la route. Finalement le
film s'apparente davantage au tournage d'un happening : le personnage principal
ressemble à s'y méprendre aux membres du groupe artistique
japonais butoh Sankai Juku et toutes les scènes en
extérieur semblent avoir été tournées sans
autorisation parmi une foule anonyme non avertie (qui regarde d'ailleurs
ouvertement l'objectif allant jusqu'à faire des signes à la
caméra).
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Si Pinocchio 964 pourra
plaire aux amateurs de cyber-punk ou d'expérimentations, les longues
déambulations inhérentes au vide scénaristique de
l'ensemble risquent de rebuter les autres. La démarche artistique de
Fukui tendant vers une uvre ostensiblement voulue 'culte' ne suffit pas
à épaissir un matériau de base peu impliquant. Le
réalisateur récidivera sept ans plus tard avec son Rubber's
Lover, toujours aussi impressionnant visuellement, mais manquant là
aussi le coche au niveau du scénario. |