Titre
original:
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Réalisateur: ISHII
Teruo |
Année:
1973 |
Studio: Toei
Genre: Jidai
geki |
Avec:
TAMBA Tetsuro IBUKI Goro ENDO
Tatsuo UCHIDA Ryuhei |
dre |
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Fantasmagorie de l'enfer
Prolifique artisan touche à
tout, Teruo Ishii est un pur produit des studios qui s'est aussi bien
illustré dans les polars, yakuza/ninkyou eiga que dans les films de
tortures et autres films d'exploitation. Le cadre médiéval de la
fin de l'ère Edo a toujours été le plus propice à
l'étalage de son univers étrange et déviant ; notamment
avec la longue série des Tokugawa aux tortures esthétiques
qui ont fait sa réputation en Occident. De retour à la Toei, sa
maison mère, après un court passage à la Nikkatsu
où il signa le très culte Blind Woman Curse, une
singulière variation de ninkyou matinée de fantastique ; il
retrouve son décorum fétiche pour signer Porno Jidai Geki
-Bohachi Bushido, un autre grand classique du cinéma d'exploitation.
Film extravagant, singulier pot-pourri qui mêle érotisme,
psychédélisme et excès sanglants, le film marque aussi la
limite du cinéaste lorsqu'il s'agit d'allier rigueur et retenue dans une
approche psychologique plus poussée qu'à l'habitude.
Néanmoins la force de ses visions est indéniable, son univers
reconnaissable entre mille en font un cinéaste incontournable, n'en
déplaise à certains.
Shino Asu (Tetsuro Tamba dans un
de ses rôles les plus marquants) est un ronin nihiliste, auto-destructeur
qui s'abandonne dans l'alcool et les femmes. Après une sanglante rixe
avec les forces du shogun, il trouve refuge à Yoshiwara, le quartier des
plaisirs de Tokyo. Il fait bientôt la connaissance du clan Bohachi qui
régit d'une main de fer la prostitution du quartier. Engagé pour
démanteler les bordels clandestins qui nuisent au clan. Asu
réalise bien vite qu'il se trouve manipulé et que sa vie ne tient
qu'à un fil.
Fortement inspiré de
l'esthétique et du sens théâtral du Kabuki, Porno Jidai
Geki -Bohachi Bushido vaut surtout par sa force graphique et son ambiance
étouffante. Alternant scènes d'intérieur aux couleurs
éclatantes propres à l'imagerie fantasmée des bordels avec
des extérieurs exclusivement nocturnes aux décors
dépouillés et minimalistes, Ishii déréalise son
univers jusqu'à offrir une claire allégorie de l'enfer. Le
travail sur les lumières est notamment remarquable, les couleurs
électriques, l'escamotage des décors soulignent le sulfureux
psychédélisme de l'ensemble. La bande son contribue aussi
fortement à l'atmosphère fantastique du récit : sourdes
percussions, complaintes de shakuhachi et voix flottantes en
réverbération. Si la réalisation pâtit comme
toujours d'une impression brouillonne et approximative, Ishii se livre à
de généreuses expérimentations visuelles du meilleur
effet. Jeu sur les silhouettes et les lumières, perspectives
étranges et inquiétantes, dilatation du temps avec de judicieux
ralentis qui masquent le faible niveau technique des combats.
Le récit s'attache à
la figure atypique d'un ronin en marge, sorte de Nemuri Kyoshiro
hard-boiled. Tetsuro Tamba, plus monolithique que jamais, campe
parfaitement son role, Regard hagard, teint blème, lèvres
crispées, sa présence imprime l'écran. Principal reproche,
l'approche psychologique reste superficielle et ne restitue pas à sa
juste mesure l'esprit torturé d'un personnage potentiellemnt
interressant, la tension sous-jacente s'en retrouve donc amoindrie. Tout le
contraire d'un Misumi, tout en intériorisation et rage contenue. Le film
compense en partie ce défaut par une approche sensorielle
expérimentale et nombres de séquences surprenantes. Le prologue
du film est particulièrement mémorable, une bataille sur un pont
écrasé par un apocalyptique ciel écarlate, les
étincelles des sabres qui s'entrechoquent, les gerbes de sang viennent
se déposer sur l'écran pour afficher les crédits! Le
dernier tiers marque le basculement définitif dans le
psychédélisme : lumière sombroscopique, échos
aériens, déréalisation des combats. Rarement on n'aura vu
autant de femmes nues chez Ishii. Soumises, elles n'en distillent pas moins un
parfum vénéneux et sensible. L'érotisme déborde de
toutes parts, autant de scènes à la belle intensité
sexuelle, la caméra ondule et s'abandonne sur les corps
dénudés.
Porno Jidai Geki -Bohachi
Bushido manque de rigueur pour atteindre le statut tant envié de
classique, néanmoins la charge fantasmatique tourne à plein
régime. Univers décrépis et décadents,
singulières visions de sexualité et violence
entremêlées en font une réussite marquante d'un certain
cinéma commercial et subversif. Ishii en garde d'ailleurs un souvenir
attendri allant jusqu'à rendre hommage au personnage de Shino Asu dans
son récent Jigoku. |
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