Titre
original:
Hatsukoi
Jigoku-hen |
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Réalisateur: HANI Susumu |
Année: 1968 |
Studio: · Art
Theatre Guild Genre: Drame |
Avec:
ISHII Kuniko TAKAHASHI Akio MITSUI
Koji FUKUDA Kazuko |
dre |
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Radioscopie
Réalisateur peu connu en
Occident, Susumu Hani n'en est pas moins un symbole du cinéma japonais
des années soixante. Formé à l'école du
documentaire au sein de la compagnie Iwanami , il développa tôt un
style de cinéma-vérité en phase avec la
réalité de la rue et des préoccupations socio-culturelles
de l'époque (He and She, A Full Life, Bad boys,..). Pour
Premier amour, version infernale, son œuvre la plus ambitieuse, il
déclara lors de sa sortie : 'Nous vivons maintenant entre deux monde
moraux où le poids des traditions s'éclipse devant la
poussée moderniste. Cette confrontation au centre de notre quotidien
nous laisse dans l'expectative et la frustration, ne sachant regarder notre moi
intime. Dans ce film je voulais porter un regard sans fard sur la nature
profonde de nos êtres'. Réalisé sous l'égide de
l'Art Theatre Guild, qui après avoir assuré la distribution
commerciale de films d'auteurs étrangers commença à
réaliser des œuvres centrées sur les réalités
contemporaines de l'archipel, Premier amour, version infernale constitue
un travail emblématique de ce courant artistique. Le film s'appuie sur
un scénario de Shuji Terayama dont on reconnaît sans peine
l'influence : conscience aiguë de l'esprit de la jeunesse, de ses doutes
et ses aspirations. Se démarquant de l'approche surréaliste de
son scénariste, Hani subordonne ses visions à l'influence brute
de son environnement urbain. Caméra portée, lumière
naturaliste, acteurs amateurs plongés dans une foule bien réelle
apportent un cachet authentique qui n'en donne que plus de résonance
à ces portraits d'adolescents.
Shun, jeune artisan, est un jeune
homme timide. Il rencontre Nanami, une jeune fille au contraire très
extravertie qui travaille dans un peep-show. Pour l'un, comme pour l'autre,
c'est le véritable premier amour. Mais l'un comme l'autre ne parviennent
à l'exprimer ni ne savent à quoi ils aspirent
véritablement.
Sur la base assez simple d'un
premier amour entre deux jeunes gens très différents, Susumu Hani
en profite surtout pour nous offrir une véritable radioscopie de la
société japonaise de la fin des années soixante. La
structure même du film évoque une longue digression après
une première scène à laquelle répondra la
scène jumelle finale. C'est d'ailleurs ce que l'on peut reprocher
à Premier Amour, version infernale. Son caractère
disgressif et la volonté de disséquer la société
japonaise font qu'il ne fait parfois que survoler des thèmes, pour en
aborder d'autres. L'ensemble, sans être confus, donne une impression de
trop plein.
Il serait d'ailleurs trop long
d'énumérer les sujets qu'aborde le film. On y parle de
pédophilie, d'étudiants, de putes, de pauvreté, de
décadence, de sadomasochisme, d'adoption, de tradition, de
modernité.... La vision que nous donne Susumu Hani du Japon n'est
certainement une vision idyllique ni complaisante. Parfois éthnologue,
parfois rebelle, le réalisateur est du côté des
laissés pour compte (volonté affichée d'un certain
réalisme social). Mendiants, clochards, prostituées, travailleurs
côtoient les riches bourgeois ou étudiants intellectuels.
Confrontés dans une illustration cinématographique de la lutte
des classes, les deux classes finissent par ne faire qu'une. Le bourgeois
s'encanaille auprès de prostituées et la prostituée se
rêve mannequin. L'opposition, l'antagonisme, se cristallise dans le
couple formé par Shun et Nanami. Autant Nanami se veut moderne et
anticonformiste (elle pose et se pose la question :"Que faire que les autres
ne font pas ?") autant Shun représente la tradition, la soumission.
Il est artisan, elle vend son corps. Il a appris la patience et n'espère
pas grand chose de la vie, ayant déjà était une victime
à plusieurs reprises. Abandonné par sa mère, il est
victime des penchants sexuels de son père adoptif. Il aime Nanami mais
ne la comprend pas, en a peur. Nanami à soif d'expériences. Tout
le film se construit sur cet antagonisme. On retrouve d'ailleurs ce dernier
dans la musique illustrant les scènes avec Shun ou Nanami.
Traditionnelle pour Shun, typique de la fin des années soixante pour
Nanami. Chaque thème du film est évoqué par son
opposé.
L'autre grand thème est
bien sûr le sexe. Sa représentation prend des formes multiples.
Celui des corps que l'on vend, du Tokyo nocturne (dans ces moments, le film
préfigure les photographies de Araki, 10 ans plus tard avec notamment
Tokyo Lucky Hole), celui perverti par les relations interdites (inceste,
pédophilie), celui tout simplement romantique de Shun et Nanami ou
équivoque entre Nanami et Ankokuji, beaucoup plus âgé, et
enfin le sexe spectacle, voyeuriste du club sadomasochiste. Mais Hani ne fait
pas que montrer les diverses formes que peut prendre le sexe. Il pose la
question de qu'est-ce que le sexe, sa relation à l'amour. A partir de
quand une relation devient-elle sexuelle ? Qu'est-ce qui permet de dire qu'une
relation est sexuelle, sexuée ? L'amitié entre la très
jeune Mami et Shun, leur affection réciproque est-elle d'ordre sexuelle
? Et l'attrait qu'à Ankokuji pour Nanami, de quel type est-il exactement
? Hani évoque également la nudité, l'intimité. Il
cherche à nous montrer que le sexe n'est pas l'amour. D'ailleurs, la
seule véritable histoire d'amour, entre Nanami et Shun, est la seule qui
ne comporte aucune composante sexuelle concrète. Son non aboutissement
en une relation sexuelle vient lui prodiguer toute sa force et sa puissance,
une certaine pureté même, que seule la mort autorise.
Dommage que parfois Hani
cède à la tentation de l'expérimentation, pas toujours
très heureuse. Si certaines scènes sont intéressantes,
elles sont souvent un peu longues et s'épuisent d'elles-mêmes (la
scène de l'hypnotisme ou celle dans le club sadomasochiste). Cette
volonté esthétisante vient parfois amoindrir la force corrosive
du propos du réalisateur. A ce titre, la scène finale, par sa
simplicité, conserve toute sa puissance et son impact, et les
dernières minutes constituent sans nul doute, le moment le plus fort du
film. |