Titre
original:
Ringu |
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Réalisateur: NAKATA Hideo |
Année: 1998 |
Studio: Kadokawa
Genre: J-Horror |
Avec:
MATSUSHIMA Nanako NAKATANI Miki
SANADA Hiroyuki TAKEUCHI Yuko |
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Réaction en chaîne
Malgré le relatif
échec de son précédent Ghost Actress NAKATA est
approché par l'écrivain Koji SUZUKI et l'éditeur KADOKAWA
pour réaliser une nouvelle adaptation du roman à succès
Ringu après celle - ratée - d'un téléfilm de
deux heures trois ans plus tôt. Le projet mis en route, le producteur
Takashige ICHISE décide de mettre directement en route l'adaptation des
deux premiers romans, un film pouvant bénéficier de
l'éventuel succès de l'autre. La machine était
lancée et à NAKATA de réaliser le film d'horreur japonais
le plus populaire de tous les temps, immense succès au box-office,
créant officiellement le genre du J-Horror (popularisation japonaise du
genre d'horreur à travers des films tels que Ring Ju-On ou
Yogen et franchissant les frontières de son pays pour envahir les
écrans du monde entier et avoir le droit à un remake
américain.
La journaliste Reiko ASAKAWA
enquête sur l'étrange légende entourant une cassette
vidéo dite occasionner la mort de celui qui la visionne sept jours plus
tard dans d'atroces souffrances. Suite au décès de sa propre
nièce et de trois de ses copains, elle demande de l'aide à son
ex-mari pour éclaircir le mystère. Leur enquête les
mène sur la piste de Shizuko YAMAMURA, une femme dotée de
pouvoirs surnaturels.
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Qui aurait pu prévoir
l'incroyable destin mondial de l'adaptation de ce roman populaire japonais ?
Certainement pas Koji SUZUKI, aujourd'hui surnommé le "Stephen King" de
la littérature fantastique nipponne. Au départ, sa trilogie
entourant la malédiction de Sadako n'était même pas un
franc succès. Inspiré des véritables histoires de Chizuko
MIFUNE et de Sadako TAKAHASHI, médiums dotées de pouvoirs
surnaturels et prises sous l'aile du professeur en psychologie de
l'Université de Tokyo Docteur Tomokichi FUKURAI, SUZUKI imagine une
trilogie (finalement complétée par un quatrième livre
composée de trois nouvelles complétant quelques trous
scénaristiques de ses précédents romans)
s'éloignant profondément de ses modèles. Basé sur
la rancune de la mystérieuse Sadako, la suite décrit la mutation
de son esprit vengeur en une sorte de code génétique propre
à lui assurer sa renaissance sur Terre pour se terminer en pleine
réalité virtuelle. Le premier livre de la série,
Ringua été adapté en 1995 en un
téléfilm de deux heures. Co-écrit par le futur
réalisateur du malheureux Rasen, cette - pourtant fidèle -
retranscription n'est qu'une pâle restitution de l'univers si particulier
du roman, essentiellement desservi par la fade prestation de son acteur
principal Katsunori TAKAHASHI (la série des Salaryman Kintaro) et
des nombreuses scènes érotiques du plus mauvais effet. Quelques
écarts (importants) du matériau d'origine - dont le
résultat d'une relation incestueuse entre Sadako et son prétendu
père est la naissance d'un étrange bébé - laissent
un arrière-goût amer et la future adaptation de la suite
officielle, Rasen par le co-scénariste Jouji IIDA semble
confirmer une bonne part de sa responsabilité quant à
l'échec de ces deux films.
Lorsque la proposition lui est
soumise de réaliser une nouvelle version - cette fois -
cinématographique du premier tome de la trilogie, NAKATA accepte sous
condition de pouvoir signer sa propre adaptation en collaboration avec Hiroshi
TAKAHSHI, déjà responsable de son précédent script
sur Ghost Actress. Exigence accordée. De son côté,
le producteur Takashige ICHISE décide de laisser réaliser les
deux premiers volumes de la trilogie pour les sortir en même temps, ce
qui permettrait d'attirer un plus large public en cas d'éventuel
succès de l'un ou de l'autre adaptation. Raisonnement
intéressant, qui ne portera pas ses fruits, malgré l'immense
popularité du Ring réalisé par NAKATA : la suite
officielle, Rasen, mis en scène par IIDA, essuie un énorme
revers au box-office. Trop différent dans son scénario et
largement inférieur à la qualité de son
prédécesseur, le film disparaît rapidement des
écrans; en revanche, l'équipe de production décide de
mettre en chantier une autre suite, uniquement basée sur le film de
NAKATA et faisant l'impasse totale sur celui d'IIDA. Effectivement, si
Rasen est une fidèle adaptation du roman originel - en-dehors
d'une fin légèrement différente - NAKATA et ICHISE optent
pour une approche bien plus libre. Il est difficile à établir
à quel point NAKATA a demandé à ce que le protagoniste
principal ne soit plus un homme, mais une femme; mais en vue de cette constante
dans sa filmographie à venir, son influence a dû être
determinante. Ce changement de sexe est d'une réelle importance, la
fragilité prétendue d'une femme par rapport à un homme
changeant la donne dans son combat contre quelque force occulte et l'instinct
maternel est bien évidemment maintes fois renforcé pour
protéger son fils. L'autre changement est son association avec son
ex-mari au lieu d'un ancien camarade de classe dans le roman originel;
regorgeant de sous-entendus explicites et renforçant une
complicité passée, les retrouvailles de l'ancien couple
permettent une bien meilleure psychologie des personnages par rapport au roman.
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Autre détail d'importance :
contrairement au premier livre et de ses suites, les scénaristes
accentuent les éléments fantastiques au détriment des
données scientifiques, qui régiront les suites (et l'adaptation
Rasen). L'histoire du film se concentre donc uniquement sur la
réaction en chaîne des morts due à la vision de la cassette
vidéo et de l'origine de la malédiction, alors que le livre
regorgeait déjà d'explications plus psychométriques,
préparant la suite autour du code génétique. Cette
approche radicalement différente s'explique sans doute en grande partie
par l'échec de l'adaptation plus fidèle de Rasen à
l'intrigue de thriller froid et clinique et une représentation de
personnages trop notable entre les deux versions.
Pour sa réalisation, NAKATA
choisit donc de rendre un profond hommage aux films de fantômes
classiques ayant fait les beaux jours des écrans japonais dès la
fin des années quanrante jusqu'aux années soixante. Alors souvent
métaphore, voire même exutoire, des soldats morts à la
Seconde Guerre Mondiale, la plupart des scénarios s'inspirent de vieux
contes et légendes, déjà remis à jour via
pléthore de pièces kabuki à travers les siècles. La
plupart du temps, ce sont des histoires de fantômes revanchards, revenant
d'entre les morts pour hanter leurs assassins. Ce sont
généralement des spectres à l'image de leur vivant,
vêtus d'une robe blanche pour les femmes, couleur symbolisant la mort au
Japon. Pour le personnage de Sadako, NAKATA s'inspire d'ailleurs des
représentations classiques des fantômes féminins et plus
particulièrement de celui de Yuki Onna, la cruelle reine des
neiges, glaçant ses victimes par son souffle froid. Toujours en robe
blanche, ces femmes avaient de longs cheveux noirs leur masquant le visage. Une
leçon certainement retenue de l'échec de son
précédent Ghost Actress est le fait d'avoir trop vite
révélé le fantôme revanchard; NAKATA rectifie le
tir, en n'en montrant finalement que très peu de son personnage
principal et a la géniale idée du gros plan sur l'il
révulsé de Sadako à moitié caché par les
cheveux noirs. Clairement inspiré par les multiples adaptations
cinématographiques de La légende de Yotsuya et notamment
celle de Nobuo NAKAGAWA, le plan rappelle celui où le visage d'Ochiwa
est défiguré par le poison; généralement, les
réalisateurs cachaient dans un premier temps l'étendu de la
déformation par les cheveux tombant devant le visage. Le plan de
l'il de NAKATA a depuis fait le tour du monde et a été
repris dans bon nombre de films d'horreur tournés depuis (notamment dans
la série des Ju-On / The Grudge).
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Les sources d'inspiration
citées ouvertement par le réalisateur sont multiples et parmi
elles les contes et légendes (et leurs multiples adaptations
cinématographiques) Kwaidan, Ugetsu ou The Ghost of
Yotsuya, mais également les pièces de kabuki et de Nô,
comme Tales of Moonlight and Rain par Akinari Ueda et Peony Lantern
(Botan doro) par Sanyutei Encho. Les influences ne sont pourtant pas
uniquement asiatiques; au contraire, NAKATA a su les mélanger aux
occidentales réussissant alors à créer un modèle de
type universel. Outre son introduction clairement inspirée du
récent Scream de Wes Craven avec les deux adolescentes japonaises
terrorisées par la sonnerie du téléphone, le
réalisateur a également puisé dans un registre
américain plus classique avec The Haunting (La Maison du Diable)
de Robert Wise de 1963, The Amityville Horror" (Amityville) en 1979 ou
l'adaptation de la nouvelle de Henry James Turn of the Screw (La Tour
d'Ecrou / Les Innocents de Jack Clayton de 1961) . Tout ceci aboutit donc
à une discrète mise en scène, évitant soigneusement
le spectaculaire et les fioritures tout entier basé sur la
création particulière d'une ambiance. Des plans anodins semblent
abriter un danger caché, un bruit devient source d'inquiétude.
Généralement en larges plans fixes contrastés - l'obscur
pourrait regorger de danger - parfois servi par de discrets mouvements de
caméra tout en retenue - ambiance ouatée, ôtant
l'idée de toute fuite précipitée - NAKATA a
également retenu les leçons de ses illustres
prédécesseurs tels que Nobuo NAKAGAWA ou Tai KATO à
exploiter les arrière-plans flous pour de furtives apparitions de
l'esprit maléfique et d'abuser de contre-/plongées pour enfermer
ou écraser ses personnages dans un cadre - du coup - plus restreint.
Sa rencontre avec le compositeur
Kenji KAWAI (Ghost in the Shell) est également d'une importance
capitale. En sa compagnie, le cinéaste apprend que la musique ne sert
pas uniquement à accompagner ce qui est montré à
l'écran, mais peut également précéder, voire
influer l'action en cours, notamment par l'utilisation plus effective d'une
bande sonore. Le compositeur enregistre plus de 50 pistes de musiques
d'ambiances et 50 autres pistes servent aux seuls effets sonores. Beaucoup de
bruits du quotidien facilement identifiables par le spectateur ont acquis un
particulier sentiment insaisissable et inquiétant par leur seule
distorsion en studio; la crispante sonnerie du téléphone, par
exemple, a été obtenue à l'aide de quatre sonneries
différentes plus ou moins étirées en longueur.
L'expérience sera extrêmement enrichissante pour le
réalisateur et les deux hommes collaboreront ensemble sur quasiment
toutes les productions japonaises de NAKATA. Le succès de l'histoire
peut également se rapporter à l'attention toute
particulière accordée par le réalisateur à ses
personnages. Dû aux importants changements effectués à
l'écriture, le cinéaste peut approfondir pour la première
fois la sensible relation entre la mère et son fils, thème qui
reviendra tout au long de son uvre; mais même le personnage de
Sadako est abondamment approfondi et le sera encore davantage dans la suite.
Cette psychologie rare dans les films d'horreur est certes un facteur dans la
réussite et NAKATA récidivera brillamment cet aspect dans son
Dark Water encore plus parlant. Autre récurrence à travers
sa filmographie : le thème de l'eau. Le réalisateur renvoie
lui-même ce thème particulier au seul fait du scénariste
TAKAHASHI et l'explique par la peur des japonais des cataclysmes naturels, dont
un éventuel futur raz-de-marée gigantesque engloutissant
l'archipel sous les eaux.
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Subtile résurrection du
film de fantômes typiquement japonais par ses symboles et sa lente mise
en scène, NAKATA parvient également à inclure des
influences plus occidentales pour créer un parfait film de genre
mondial. Tout en retenue, Ringu arrive à faire peur par le seul
fait de son ambiance particulière et l'excitation de l'imagination des
spectateurs par le non-montré. Intelligent démarquage de son
matériel d'origine plus scientifique, le réalisateur
dépoussière le film d'horreur dans la foulée de sa
résurrection par l'autre succès mondial, la série des
Scream. Brillant hommage à ses illustres
prédécesseurs, NAKATA ne cessera d'approfondir les leçons
apprises au cours de ses films suivants pour chercher son propre style et
d'accoucher - un jour - de son chef-d'uvre personnel.
Suite à l'énorme
succès du premier opus et de l'échec retentissant de sa suite
pourtant officielle, Rasen réalisé par IIDA, les
producteurs approcheront NAKATA pour lui demander une suite entièrement
basée sur son premier opus. Il accepte, et Ringu 2 sera fin
prêt en moins de quatorze mois. Parallèlement est
réalisée une série télévisé, Ring
: The Final Chapter. Dorama (série télévisuelle
dramatique japonaise) en douze épisodes de 45 minutes chacun, l'intrigue
principale change une nouvelle fois la nature et la profession des
interprètes, rallonge la durée de vie espérée des
victimes de Sadako à treize (!) jours et transfère la
malédiction à l'intérieur d'un clip musical (!!). Curieux
mélange des précédentes adaptations sous toutes ses
formes, la série ne tient pas toujours la route, mais explore de
nouvelles facettes inédites intéressantes. Livres et longs
métrages ont également inspiré plusieurs mangas, dont
The Ring de Koujirou NAGAI en 1996 (très fidèle au roman)
et The Ring de Misao INAGAKI en 1999 (un curieux mélange entre le
roman et le film en deux volumes). Un remake américain sera
réalisé en 2002 par l'artisan Gore Verbinski avec Naomi Watts
dans le rôle principal. Généralement assez fidèle
à l'uvre originelle - jusque dans son reprise plan par plan de
quelques séquences - l'intérêt d'une telle entreprise est
et reste discutable et n'arrive certainement pas à égaler
l'originalité et la fraîcheur de l'original.
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