.Ring 0 : Birthday
 
Titre original:
Ringu 0 : Basudei
   
Réalisateur:
TSURUTA Norio
Année:
2000
Studio:
Kadokawa
Genre:
J-Horror
Avec:
NAKAMA Yukie
TANABE Seiichi
TANAKA Yoshiko
MIZUKAMI Ryuji
 dre
Tout ça pour ça

Après son décevant second épisode "fourre-tout", NAKATA décline l'offre de mettre en scène un troisième opus de la franchise; tâche qui incombe finalement à Norio TSURUTA, un réalisateur issu des production direct-to-video. Adaptation de Lemonheart, une des trois nouvelles du recueil Birthday écrit suite au succès de sa trilogie des "Ring" et composé d'épisodes portant un certain éclairage sur de nombreuses questions laissées en suspens, le scénario est une nouvelle fois signé des mains de Koji SUZUKI lui-même et du toujours fidèle Hiroshi TAKAHASHI. Drame, plutôt qu'un film d'horreur, ce troisième épisode est une préquelle revenant sur les origines du personnage machiavélique de Sadako. Ambitieuse entreprise projetant d'éclaircir bon nombre de questions, il s'agit avant tout de surfer sur le succès de la franchise pour une meilleure rentabilité financière possible.

Trente ans avant le s événements du premier Ring, la journaliste Akiko Miyaji enquête sur Sadako, la fille d'une célèbre médium s'étant suicidée dix ans auparavant. L'objet de ses recherches a intégré une troupe de théâtre, où elle est crainte pour son étrange comportement. Quand l'actrice principale meurt et que Sadako hérite du premier rôle, elle attire définitivement jalousie et colère des autres membres. Seul le technicien du son Toyama lui apporte quelque réconfort. Jusqu'à ce que d'étranges phénomènes se multiplient à l'approche de la Première et que la journaliste découvre le vrai visage de la jeune fille.

NAKATA se désistant de peur d'être cantonné réalisateur d'un seul genre, l'ambiance si particulière de la franchise allait être à coup sûr être modifié avec l'arrivée d'un autre metteur en scène. Changement effectif grâce à cette curieuse préquelle revenant sur les origines de Sadako. Si le second épisode n'avait plus grand chose à voir avec la série des romans d'origine devant l'insuccès de la suite officielle de Rasen et de la direction originale donnée par NAKATA et de son équipe, ce troisième volet est à nouveau l'adaptation officielle d'une nouvelle de son auteur SUZUKI. Lemonheart était à l'origine la seconde de trois histoires regroupés au sein du recueil Birthday écrit suite au succès des films et proposant des intrigues inédites en complément de quelques interrogations soulevées à la lecture de la trilogie initiale. Cher au cœur de son auteur, SUZUKI y avait mis beaucoup d'éléments personnels, lui-même ayant travaillé en tant qu'ingénieur du son au sein d'une troupe de théâtre. Lemonheart se passe trente ans avant les événements dépeints dans le premier Ring et s'attache à présenter davantage le personnage de Sadako. Jeune adolescente mal dans sa peau, elle ne trouve son salut que dans sa participation dans la préparation d'une pièce de théâtre. Se comportant de manière étrange, repliée sur elle-même et dégageant une aura inquiétante, elle n'est pas du tout intégrée parmis les autres membres de sa troupe. Des événements bizarres, puis l'étrange mort de l'actrice principale vont d'autant plus attirer la méfiance de ses congénères, culminant en une atroce fin lors de la première de la pièce. Seul l'ingénieur de son Toyama se tient à ses côtés. L'intrigue paraît bien éloignée du fantastique des deux précédents épisodes et n'est pas sans rappeler un scénario à la trame similaire : Carrie de Stephen King (et adapté au cinéma par l'américain Brian de Palma en 1976).

Effectivement, ce troisième opus s'apparente davantage à une comédie dramatique aux légers accents inquiétants tout au long de l'intrigue pour finalement basculer dans le pur horreur lors d'un dénouement rapidement expédié. L'adolescente mal dans sa peau rejetée par les autres, ainsi que l'esquisse d'une romance avec un jeune homme est proche du scénario de teen-movies et cette transposition dans l'univers particulier des Ring est pour le moins curieuse. Là, où le bât blesse est que cette jeune femme complexée est Sadako, cet impitoyable esprit vengeur ravageur des deux premiers opus de la série. S'attacher à révéler son passé revenait forcément à démystifier une bonne part de son aura particuliere développée à travers ses brèves apparitions par le passé et surtout à basculer la représentation toute personnelle de chaque spectateur; pourtant c'était justement cette part de mystère entourant son personnage, qui avait assuré une bonne partie du succès de la série. Autant l'apparence de Sadako avait été en grande partie cachée pour mieux alimenter la propre peur et représentation du public, autant les révélations concernant son passé étaient restées floues et éparses. L'équipe de production responsable de la décision d'adapter la franchise détruit donc en un film toute l'aura légendaire de leur succès - et ce dans le seul but de surfer sur la rentabilité financière. Tout simplement honteux.

Surtout que l'annonce publicitaire Discover the secret (Découvrez le secret) est en bonne partie mensongère : rien - ou presque - n'est révélée de ce qui n'a déjà été dit par le passé; en revanche tout est ici montrée en long et en large. Pire, la prétendue identité du père de Sadako en tant que créature monstrueuse vivant dans la mer est quasiment abandonnée pour une théorie bien moins fantasque. Que l'adolescente ait été mal dans sa peau va pratiquement de soi; qu'elle ait été jetée au fond d'un puits était un fait avéré. Le don de ses pouvoirs psychiques légués par sa mère étaient connus dès le premier épisode; seul un fait la concernant et illustré en fin du film est nouveau, mais frise le ridicule. Si cette démystification pourra toucher un certain public qui demande à en voir toujours davantage pour la simple paresse de son pouvoir imaginaire restreint, l'œuvre prise à part par rapport au reste de la franchise est une franche déception. Si l'histoire est au final quelconque et qu'elle se traîne péniblement en longueur jusque son dénouement tant attendu, la réalisation est - là encore - bien loin peu inventive. Honnêtement mise en images, le film manque du savoir-faire caractéristique des deux premiers épisodes de la série. Sage et plate, il manque cette malsaine ambiance palpable et inquiétante. Seul le travail de composition de Shinichiro OGATA, fidèle collaborateur du réalisateur TSURUTA, rend un honorable hommage au précédent score géniale de Kenji KAWAI en respectant scrupuleusement à la lettre sa même manière de procéder. Là, où il aurait fallu un réel travail sur l'approfondissement des personnages et la direction d'acteurs - un défi qu'aurait été capable de relever NAKATA - TSURUTA ne se concentre que sur le travail appliqué de sa mise en scène. En résulte une sorte de téléfilm ou comédie dramatique fortement imprégnée du style américain sans réelle saveur personnelle. Enfin, l'horreur n'est palpable qu'à quelques rares moments du film, bien loin de la trouille constante infligée tout au long par les deux premiers épisodes. Quelques furtives apparitions, une mort bien étrange et un final tout simplement risible dans sa manière de faire, où les protagonistes tombent comme des mouches sous la vengeance prétendue féroce de Sadako. Même le point d'orgue, l'adolescente jetée au fond du puits, n'est que médiocrement rendue : filmé de loin, la violence des coups portés par la machette est désamorcée. Le plan d'après, la jeune femme patauge misérablement dans l'eau du puits. Davantage d'implication, les pénibles efforts de Sadako tentant de sortir du puits - telles les traces laissées par ses ongles le long des parois montrées dans le premier épisode - ou la naissance de sa furie …rien de tout cela !

Cette préquelle - dont la réalisation a été à juste titre refusée par NAKATA en vue du scénario - n'est donc moins l'aboutissement des explications concernant les nombreuses questions laissées en suspens, qu'une misérable tentative de s'assurer une confortable rentabilité financière en racontant une mince part des origines de Sadako. Dans ce procédé, l'horrible esprit vengeur perd de son aura mystique, ainsi présentée comme une simple adolescente mal dans sa peau. Non seulement, l'histoire n'apprendra rien de bien neuf de ce qui n'avait déjà été abordé dans les précédents épisodes, mais l'intrigue simpliste en elle-même n'est pas d'un grand intérêt. Le filon de la franchise a été rapidement usé, alors qu'en vue de nombreuses (re-)interprétations des différents supports télévisuels, romans ou mangas, il y avait une richesse d'une autre envergure à creuser…

 
Bastian Meiresonne