.Rope and Skin
 
Titre original:
Oniroku Dan - Nawa to Hada
   
Réalisateur:
NISHIMURA Shogoro
Année:
1979
Studio:
Nikkatsu
Genre:
Pinku-eiga
Avec:
TANI Naomi
MIYASHITA Junko
YAMASHINA Yuri
AOYAMA Kyoko
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Tortures d'époques 

La belle Okoma, joueuse réputée d'hanafuda (cartes de jeux), tire sa révérence sur une partie d'adieu. Au cours de ce dernier round, elle démasque une tricheuse patentée agissant sous les ordres de son patron. S'attirant ainsi l'ire du clan adverse qu'elle a froidement humilié, elle verra son futur mari assassiné devant ses yeux et commencera sa lente et douloureuse chute.

Les années soixante-dix se finissent péniblement et l'égérie SM Naomi Tani quittant le navire, la Nikkatsu cherche l'inspiration dans une variation érotique du film de yakuza. Le parallèle entre la carrière d'Okoma et de Naomi Tani n'est bien sur pas fortuit, le départ de l'actrice marquant aussi la fin d'une époque et d'un système. Curieusement peu explorée, la formule du 'yakuza-eiga érotique à l'ère Showa' trouve ici une de ses rares adaptations au sein des studios de la Nikkatsu. Un projet potentiellement intéressant que se voit confier l'artisan besogneux Shogoro NISHIMURA. Basé sur une énième nouvelle du prolifique Dan ONIROKU, Rope and Skin narre la revanche d'un clan humilié qui se matérialisera sous forme d'exactions salaces. On ne s'empêchera de remarquer les emprunts à peine voilés au célèbre personnage Hibotan Bakuto (Red Peony Gambler) du studios concurrent : même tatouage à l'épaule et nom consonant (Red Cherry). Typique de l'ambiance de fin de règne, le recyclage de bande-sons célèbres se fait de manière éhontée (on retrouve ici le superbe thème d'ouverture du Blind Woman's Curse de Teruo Ishii). Même économie de moyens dans les décors et extérieurs qui condamnent de facto une mise en scène ambitieuse et épique, reste de lassantes et systématiques scènes d'intérieurs exigus. Les rares scènes de combats constituent en quelques brouillonnes rixes où l'inaptitude des protagonistes au sabre est flagrante

Habituée aux rôles de femme lascives et soumises, Naomi TANI n'eut au cours de sa carrière que peu l'occasion d'endosser la défroque de femmes vindicatives. L'étrange magnétisme de l'actrice associé à un personnage fort constituait donc un cocktail alléchant sous forme d'hommage rendu pour sa dernière apparition devant les caméras. Malheureusement, en ces temps de restrictions budgétaires, la gloire passée des ninkyou-eiga apparaît bien lointaine et la formule présentée n'est qu'un témoin patent du peu d'engagement insufflé dans ce projet de réactualisation du genre. Si de par son incarnation des valeurs fondatrices d'un Japon traditionnel la formule du ninkyou fut avare en variations érotiques, la Toei proposa tout de même en 1973 avec le diptyque Sex and Fury/Female Yakuza Tale une tardive et réussie relecture moderniste du genre. La Nikkatsu se contente elle d'un canevas démodé et classique de vengeance inter-clans. La trame même est ici interchangeable avec les variantes SM contemporaines, seul le décorum historique variant en fin de compte. Rope and Skin illustre la déchéance de son personnage central, d'abord joueuse renommée et se trouvera livrée aux bordels. Malheureusement, sa psychologie reste caricaturale et sans ambiguïté. Naomi Tani disparaîtra même provisoirement de l'intrigue en milieu de film par laisser sa place à d'infortunées jeunes femmes. Le script sans ambition se contente de fournir des occasions érotiques dans une ambiance de trahisons et manipulations, les quelques personnages alliés gravitant autour d'Okoma subiront immanquablement le même sort (un couple de jeunes amants, l'alter-ego macho-romantique de Okoma). Si les ennemis sont eux aussi mono dimensionnels, leur cruauté et perversité insufflent un profond air de gravité à l'ensemble. NISHIMURA se soucie bien peu de son canevas et préfère se concentrer sur les scènes érotiques qui abondent. Loin de l'érotisme sensuel d'un Norifumi Suzuki ou des tortures débridées d'un Teruo Ishii, la profonde perversité de l'ensemble frappe et maintient le film à flot. La dernière demi-heure est à ce titre explicite, ce long tunnel riche en idées salaces assomme littéralement le spectateur par son nihilisme exacerbé et son obscurité oppressante. Essentiellement tourné de nuit et en intérieur, la perversité et cruauté rampantes s'ajoutent à la promiscuité de l'ensemble dans une tonalité résolument pessimiste.

Roman-porno routinier, Rope and skin témoigne de la fuite en avant d'un système qui sous couvert de films d'époque livre une œuvres surchargée en tortures et humiliations. Malheureusement cette tonalité singulière s'épuise faute d'être relayé par un scénario impliquant. La faible valeur technique de l'ensemble ajoutée à la réalisation routinière de NISHIMURA ne rehausse en rien l'impression d'ensemble. On retiendra la très métaphorique scène finale où Okoma quitte ses amis, les remercie et leur souhaite bon courage. Le départ de l'actrice marquera le début d'une nouvelle ère où le studio s'enfoncera plus encore dans le glauque, la vulgarité et l'exploitation.
 
Martin Vieillot