Titre
original:
Kiba
okaminosuke |
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Réalisateur: GOSHA Hideo |
Année: 1966 |
Studio: Toeii
Genre: Chambara |
Avec:
NATSUYAKI Isao MIYAZONO Junko UCHIDA
Ryohei |
dre |
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Loup charmeur
Pour réaliser ses deux
premières uvres atypiques (Trois Samourais hors la loi et
Sword of the Beast), Hideo Gosha avait su trouver un précieux
espace d'expression au sein de la Shochiku. Une liberté de ton permise
par un studio traditionnellement ouvert aux cinéastes au discours
novateur ou polémique, Nagisa Oshima et Masahiro Shinoda y
signèrent d'ailleurs en son sein leurs premiers films, lançant ce
que l'on appellera plus tard 'la nouvelle vague'. Pour son troisième
long-métrage titré Samurai Wolf, Gosha passe chez l'ennemi
et atterri à la Toei, jeune studio fondé après la guerre
à la vocation éminemment commerciale. Une différentiation
qui n'est pas inutile de rappeler tant le cinéma japonais est
indissociable de la politique des grands studios. Plus qu'une simple
différence de casting, les studios se rappropriaient
littéralement les genres en y apposant leur marque de fabrique
immédiatement reconnaissable. Les enjeux commerciaux différant,
la thématique de Samurai Wolf contraste donc
inévitablement de celle de ses premiers travaux. Gosha troque ici sa
vision désabusée et cynique de la condition du samouraï
contre un regard distancié sur les aventures d'un ronin atypique. Une
plongée en plein film de genre qui si elle perd en profondeur et en
réflexion n'en constitue pas moins une réussite exemplaire d'un
cinéma ouvertement populaire.
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Samurai Wolf s'appuie sur
un canevas simple et linéaire où les enjeux et protagonistes sont
immédiatement assimilables. Gosha élude les traditionnelles
intrigues de palais pour offrir un récit tendu et resserré tout
droit sorti d'un western : transport d'un convoi de lingot, conflits de
territoires entre bandes rivales aux visages patibulaires, vétustes
baraquements qui abritent prostituées, ronins et brigands perdus dans
les plaines poussiéreuses balayées par les vents. Plus que des
références, cette volontaire transposition directe s'accommode
parfaitement à un genre qui tisse de nombreux liens souterrains avec son
modèle sus-cité. L'excellent Isao Natsuyaki campe le personnage
de Kiba Okaminosuke (littéralement 'le loup aux crocs
acérés'), un talentueux ronin frondeur engagé pour
protéger une femme des vils agissement de Nizaemon. Un personnage qui
n'hésitera pas à engager spécialement un samouraï
pour éliminer Okaminosuke. S'en suivront luttes frontales et
détournées, ainsi qu'un triangle amoureux forcement
tragique
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Toujours près des petits
gens du peuple, Gosha situe le lieu de l'action dans un lieu où les
clivages sociaux sont abolis de par la rudesse des conditions de vie, un
univers où le code d'honneur des samouraïs apparaît comme
pure façade. Samourai, brigands, ronins se mêlent dans un conflit
manichéen propice aux combats, traîtrises et amours
contrariés. Gosha se plait à exacerber l'imagerie mythologique
inhérente aux samouraïs à l'aide de cadrages avantageux.
Démarches fières et assurées, visages volontaires,
démonstrations loyales ou traîtres de leur talent au sabre, ainsi
qu'un romantisme sous jacent qui n'est pas sans rappeler les héros
virils des ninkyou eiga qui pullulent alors sur les écrans de
l'époque. Le héros est en effet plutôt atypique, bretteur
émérite, il n'en reste pas moins un incorrigible timide avec les
femmes (amusante scène où il n'ose pas se montrer nu devant une
masseuse aveugle), glouton (il manque de s'étouffer en dévorant
son riz) doublé d'un caractère fort en gueule. Un personnage haut
en couleurs et malgré tout humain, prototype du héros de
serial propre à rassembler l'adhésion du public et
à inaugurer, si possible, la mise en place de nombreuses
suites.
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Samurai Wolf marque le
glissement progressif du réalisateur vers un cinéma plus
superficiel où l'emphase est mise sur les combats et leur violence
inhérente (gerbes de sangs et lames sadiquement enfoncées),
l'érotisme qui gagne ici singulièrement en intensité
(scène de viols et tortures à la bougie), ainsi qu'une
tonalité mélodramatique renforcée (tragique triangle
amoureux autour d'une prostituée aveugle) distillant une jolie
mélancolie amoureuse typique de l'époque. Le cynisme
désabusée de Gosha s'efface pour offrir un film alerte qui brasse
brillamment les incontournables ingrédients d'un récit qu'on
aurait souhaité un brin plus posé et développé.
Loin d'une uvre au rabais, Samurai Wolf confirme le statut d'un
cinéaste aussi bien à l'aise une veine pessimiste que celle du
divertissement noble. La maîtrise technique du scope y est notamment
remarquable et les progrès évident. Le soin accordé aux
travaux sur la lumière est encore plus frappant. Samurai Wolf
recèle de superbes plans où le noir&blanc profond
détoure les personnages dans l'obscurité, les drappant d'une
lumière spectrale insufflant une tonalité tragique à
l'ensemble. Les cadrages gagnent en précision et dégagent une
belle intensité géométrique. Gosha s'essaie à de
belles expérimentations visuelles telles ces surcadrages inscrivant les
prostituées dans le cadre oppressant du bordel, ce dialogue en
champ/contrechamp où le visage des protagonistes se reflètent
dans la lame du sabre planté dans le sol, ces cadrages atypiques comme
ces basculement d'appareil ou encore cette camera placée nichée
dans le toit, parallèle au sol, lors des scènes de viols comme
pour mieux refléter un monde troublé. Les combats donnent aussi
lieux à de belles trouvailles visuelles comme ces ralentis silencieux
décuplant la charge viscérale des coups, ne laissant
transparaître que les éclats des lames et des chaires
transpercées. De remarquables joutes qui comptent permis les plus belles
qu'à offert le cinéaste.
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Bel exemple de cinéma
populaire de haute tenue, Gosha signe ici une uvre de transition qui
prouve que l'on peut se fondre dans le cadre contraignant des studios et
accoucher d'une uvre intéressante. Indéniablement moins
profond et polémique que ses deux premiers films, la personnalité
et la technique du cinéaste transparaît pour transcender et donner
une résonance plus profonde et tragique à un récit
à priori classique. A mi-chemin d'un Yojimbo et d'un
BabyCart qu'il préfigure de par ses excès et personnages
charismatiques , Gosha se voyait récompensé alors d'un beau
succès en salle qui allait mettre immédiatement en chantier la
suite des aventures du loup solitaire. On sera curieux de voir comment Gosha
aura traité la surenchère inhérente aux suites, et s'il
aura réussi à glisser des éléments
thématiques plus personnels. |